Têtes d’affiche pop-rock, rappeurs d’hier et d’aujourd’hui, jeunes loups de l’électro et pépites metal ; mais aussi théâtre, BD ou cinéma… si la 12e édition du festival Cabaret Vert a été un franc succès, c’est parce que la manifestation de Charleville-Mézières parie sur un éclectisme franc du collier. Laissez-moi vous raconter.
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Armé d’Indochine, de Bloc Party, de Nekfeu et de Sum 41 (entre autres), le Cabaret Vert n’est pas à proprement parler un festival pointu si l’on ne s’en tient qu’aux têtes d’affiche. Mais tout festivalier qui se respecte le sait : il faut sortir de sa zone de confort pour que la musique secoue encore. Or, j’ai terriblement bien fait : j’ai passé deux jours seul au milieu du Cabaret Vert et j’ai adoré ça.
Et ce n’était pas gagné d’avance. Souffrant d’une malheureuse concomitance avec Rock en Seine, le Cabaret Vert subit un autre coup du sort : le festival se tient à Charleville-Mézières, dans le département des Ardennes – voisin de la Belgique. Ce qui n’est pas un problème en soi, mais qui dissuade nombre de journalistes (je connais des noms). Une attachée de presse proche de la direction du festival me confirme que l’éloignement relatif de Paris, doublé de l’image “campagnarde” que les citadins peuvent avoir de la région agissent comme repoussoirs auprès de nombreux médias.
Des raisons parfaitement incompréhensibles pour quelqu’un qui a survécu à près d’une dizaine de campings du Hellfest et qui se fait une joie de quitter Paris, ses métros et sa grisaille le temps d’un week-end. C’est-à-dire moi.
Premier constat : si le Cabaret Vert est sis dans la ville natale de ce rabat-joie d’Arthur Rimbaud, il est à l’opposé d’un festival pour les poètes gothiques et les poseurs. Dès les abords du site, l’ambiance est ce qu’elle devrait être dans n’importe quel événement de ce type : fun, lâcher-prise et déconne. Après tout, un festival est censé vous faire échapper à votre morne quotidien, pas vrai ?
L’humeur est à la teuf pour tout le monde et on croise les jeunes parents comme les grands enfants suer de concert sous le soleil implacable de cette fin août infernale : 31,4 °C en moyenne sur le festival – jamais n’aurais-je vu autant de Ch’tis transpirer. Les codes vestimentaires sont relax et personne ne jugera votre survêt’, votre crête punk, votre onesie Tigrou ou votre collier tour de cou (si, si, il revient…).
Spacieux et confortable, le site tient ses promesses : il accueille sans problème les 94 000 participants de cette année – on est loin de la sensation d’étouffement de certains festivals qui tournent autour de cette jauge.
Certes l’alcool est dangereux pour la santé, mais le point bières est de mise : blondes, ambrées, blanches, triples… Le Cabaret Vert épate les gosiers par sa grande variété de houblons, produits locaux et délicieux. Le choix de nourriture est encore plus large et fait saliver vegans et carnivores. Ne faites pas comme si ces choses-là n’étaient pas importantes en festival : manger et/ou boire peut vous sauver d’un concert de Jake Bugg.
Et c’est à coup sûr la clé du succès du Cabaret Vert : avoir le choix. Avoir le choix dans la musique : si mon cœur de hardos a vibré pour les groupes à guitares que sont Wolfmother, The Inspector Cluzo ou les génies du metal américain Mastodon, le Cabaret Vert en a pour tous les goûts.
Indochine et Louise Attaque pour les amateurs de variété française ; Mass Hysteria et Nas pour les trentenaires vénères ; Breakbot et Cassius pour les amoureux de French Touch ; Jacques et Molécule pour les apôtres d’une techno “différente” ; The Internet, Bibi Bourelly et Anderson .Paak pour les passionnés du renouveau de la soul et du r’n’b… Et bien d’autres.
Si cette programmation aux allures de grande salade composée musicale m’a d’abord fait craindre l’indigestion par son trop grand éclectisme, elle s’avère finalement assez fine pour ne jamais lourder personne. Malgré de grands noms qu’on peut juger balourds en tête d’affiche, elle réserve quelques frissons inattendus là où on s’y attend parfois le moins.
BD, cinéma et arts de rue
Ce n’est pas tout. Au Cabaret Vert, si la musique ne vous plaît pas, vous avez également le choix d’écouter, de lire, de voir, de toucher ou même de jouer : outre les concerts, Cabaret Vert propose tout d’abord un festival de bande dessinée, où plus de 40 auteurs se pressent pour des séances de dédicaces. Parmi eux notamment Zidrou (Tamara, L’Elève Ducobu…), Nicolas Kéramidas (Mickey’s Craziest Adventures, Luuna…) et bien d’autres talents.
Après le plaisir du neuvième art, place à celui du septième art. Un cinéma de 200 mètres carrés accueille les festivaliers en quête d’ombre et de repos auditif sous un chapiteau pour une programmation éclectique et osée. Si j’ai pu me régaler en journée des films mashups de Johanna Vaude, réalisatrice qui tord les références classiques (Kubrick, Tarantino, Scott…) pour les remonter à sa manière débridée, Cabaret Vert propose chaque année une programmation de porno féministe à partir de minuit. Bigre.
Et ce n’est pas la programmation du Temps des Freaks, l’espace “arts de rue” du festival, qui va faire mentir la pléthore de choix offerte par le festival. Eh oui, tout cabaret qui se respecte a ses propres bizarreries et celui-ci ne déroge pas à la règle avec son musée des horreurs, ses roulottes, ses comédiens et autres bizarreries foraines. Une bulle d’oxygène qui ne m’a pas fait regretter d’avoir fait l’impasse sur le concert de MHD.
En résumé, cette grande cour de récréation pour adultes qu’est le Cabaret Vert coche les cases principales d’un bon festival d’été : une programmation jouissive, une ambiance réjouissante, une grande liberté et un accueil royal. À l’année prochaine.