The Master de Paul Thomas Anderson (9 janvier)
Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman se donnent une réplique peu loquace dans une histoire d’après-guerre, où le grandiose Paul Thomas Anderson étudie méticuleusement les notions de maître et d’esclave. Le réalisateur plonge ses acteurs, dirigés de superbe manière, dans un monde dépeint telle une critique – autant qu’une ode – au monde rural américain. L’insidieuse puissance que l’Homme sait exercer sur son prochain s’observe en 70 mm, dans une mise en scène austère au classicisme impressionnant.
Dire qu’on attendait avec impatience le nouveau film du réalisateur de Magnolia, There Will Be Blood et Boogie Nights relève de l’euphémisme. Le retour en selle de ce jeune (43 ans) quoique vénérable cinéaste américain a longuement divisé les critiques cette année. Film lisse dans une vaine recherche de perfection ? Chef-d’oeuvre plastique en quête du statut de “grand film américain”, comme des auteurs ont cherché leur “grand roman américain” ? Konbini a tranché. The Master est un film époustouflant, projetant Anderson non loin du stratosphérique Stanley Kubrick, le maître avoué. (Théo Chapuis)
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Django Unchained de Quentin Tarantino (16 janvier)
Un esclave noir affranchi par un chasseur de primes part, accompagné de ce dernier, retrouver son épouse détenue dans le domaine d’un très riche et violent propriétaire d’une plantation au Mississippi. Voilà pour l’histoire avec un petit comme un grand “H”, racontée, sinon revisitée, par Quentin Tarantino.
Django – le “D” est muet – n’est pas un simple western, c’est beaucoup plus que ça. Comme à son habitude, Quentin Tarantino sort du chemin classique et préfère emprunter celui de l’originalité en proposant des personnages complètement barrés, des dialogues déjantés et, surtout, du sang sur tout ce qui compte de murs. Avec son casting quatre étoiles (Jamie Foxx, Leonardo DiCaprio, Christopher Waltz, Samuel L. Jackson) et sa bande originale géniale, le film nous en met plein les yeux et les oreilles. Que demander de plus ? (Sarah Barbier)
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Cloud Atlas d’A. & L. Wachowski et Tom Tykwer (13 mars)
Attention, chef-d’oeuvre ! Cette adaptation cinématographique du roman de David Mitchell par les réalisateurs de Matrix raconte le destin croisé de plusieurs personnages durant cinq siècles. A travers ces différents espaces-temps, Cloud Atlas soulève des questions sur la vie après la mort. Car dans ce film, les héros se retrouvent d’une vie à l’autre, naissant et renaissant successivement. La seule chose à savoir, c’est que tout est inconstétablement lié.
On pourrait résumer Cloud Atlas en quatre mots : naître, vivre, aimer et mourir. Et le répéter six fois, pour chaque histoire qui se croise et qui forme un entrelac savamment construit, notamment grâce à un montage efficace. Durant trois heures, le spectateur est happé dans cette spirale infernale et cherche à tout prix à comprendre le fin mot de l’histoire. Mais Cloud Atlas ne possède pas une explication, il en possède des centaines. Et c’est à chacun de trouver la sienne. (Sarah Barbier)
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Mud de Jeff Nichols (1er mai)
Mud est seulement le troisième – et dernier en date – long métrage de Jeff Nichols (Take Shelter). Présenté à Cannes en 2012, le film n’est sorti qu’en mai 2013 en France. Plaçant l’action de son film au fond du Mississippi, le cinéaste exploite avec brio la magie de ces paysages, à travers des personnages passionnants. En tête, Mud (interprété par Matthew McConaughey), un fugitif tatoué mystérieux, qui rencontre deux gamins : Elis et Neckbone.
Mêlant à ce croisement une enquête policière et une histoire d’amour assez attachante, Jeff Nichols réussit à signer un film hors du temps, basé sur des rapports humains très forts. (Etienne Dang)
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Le Passé d’Asghar Farhadi (17 mai)
Récompensé par le prix d’interprétation féminine (Bérénice Béjo), Le Passé est le sixième long métrage d’Asghar Farhadi, réalisateur et scénariste iranien (Une Séparation en 2011). Farhadi nous raconte l’histoire d’Ahmad, venu de Téhéran à Paris pour finaliser la procédure de divorce avec son ex-femme, Marie. Il rencontre Samir, le nouveau compagnon de celle-ci, et retrouve la fille aînée de Marie avec qui il se lie d’amitié.
Le film brille davantage par l’alchimie des trois personnages principaux que par la prestation de Bérénice Béjo, toutefois remarquable, comme celle d’Ali Mosaffa. Le Passé est d’une justesse incroyable qui nous touche tant par son histoire que par le jeu de ses acteurs. Un film comme on n’en fait plus, simple, mais touchant. (Etienne Dang)
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Hijacking de Tobias Lindholm (10 juillet)
Avant Capitaine Phillips de Paul Greengrass, Tobias Lindholm (scénariste de La Chasse et de la série Borgen) nous invitait déjà en juillet à bord d’un cargo, le MV Rosen, attaqué par des pirates somaliens. Moins de spectacle et plus de rapports humains, c’est ce qui différencie tout d’abord les deux films. Hijacking est centré d’un côté sur Mikkel – cuisinier du MV Rosen – et de l’autre sur Peter, le PDG de la firme détenant le cargo.
Tobias Lindholm nous immerge dans un compte à rebours passionnant, ne laissant place à aucun temps mort. Relations entre l’équipage et les pirates sur le navire, détermination du PDG à mener les négociations seul, Hijacking couvre tous les aspects d’une prise d’otage, et toutes les dérives liées à un événement de cette importance. Kapringen (en danois), c’est 1h39 de tension extrême dont on ressort aussi fatigué que les otages. (Etienne Dang)
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Blue Jasmine de Woody Allen (25 septembre)
2013 aura été l’année du retour en force du génial Woody Allen qui s’est une nouvelle fois illustré avec un drame puissant. Dans Blue Jasmine, on se retrouve embarqué à San Francisco aux côtés de Jasmine – magistralement interprétée par Cate Blanchett, une bourgeoise ruinée suite aux déboires judiciaires de son mari, qui part se réfugier chez sa sœur. L’héroïne, plongée dans une sévère dépression, se perd alors dans une quête illusoire du bonheur et se retrouve hantée par les fantômes de son passé.
Tout le long du film, l’histoire oscille entre comiques de situations et moments dramatiques. La caméra de Woody Allen dissèque intelligemment son héroïne, parfois cruelle, parfois empathique, et dresse un portrait de femme d’une rare intensité. Malgré une photographie par moment un peu paresseuse, le long métrage est porté par des acteurs brillants et un scénario sans fausses notes. (Constance Bloch)
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Northwest de Michael Noer (9 octobre)
Le même jour que la sortie de La Vie d’Adèle, un petit film sortait sur nos écrans : Northwest, du réalisateur danois Michael Noer. Même si Nicolas Winding Refn nous avait déjà marqué avec sa trilogie Pusher (de 1996 à 2005), Michael Noer semble avoir trouvé une nouvelle approche du crime organisé au Danemark. À travers Casper, un jeune de 18 ans qui vît de cambriolages, on découvre une nouvelle « façade » de la société danoise. Bientôt, il se voit proposer de monter en grade quand il rencontre Bjørn, une sorte de parrain de la prostitution et de la drogue.
Moins noir que les Pusher, Northwest nous montre néanmoins les dangers de cet argent facile, à travers des affrontements réguliers entre les gangs du quartier. Une production réaliste, fascinant et à la fois terrifiant sur un monde qui peut nous être proche, mais totalement invisible. Le risque de mettre sa famille en danger tout en essayant de l’aider, la possibilité de ne pas pouvoir reculer et ne plus rien contrôler. Grâce à tout ça, Northwest est probablement l’un des films les plus poignants de 2013. (Etienne Dang)
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La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche (9 octobre)
Si la Palme d’or unanime de cette année a fait couler beaucoup d’encre et s’est retrouvée au coeur de plusieurs polémiques, elle a aussi déchaîné la passion des critiques du monde entier. Adapté de la bande dessinée Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh, le film raconte une fascinante histoire d’amour entre deux jeunes filles, de sa naissance à son final.
Outre les jeux d’acteurs d’une justesse époustouflante que nous offrent Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos – qui pour la première fois de l’histoire de Cannes reçoivent la Palme au même titre que le réalisateur, la force du film réside dans la capacité d’Abdellatif Kechiche à capturer et transmettre les émotions.
Impossible de ne pas souligner également la maîtrise du cadre et de la lumière du cinéaste pour filmer les visages et scruter les moindres détails des corps. Enfin, La vie d’Adèle brille par un montage d’une sublime fluidité et des dialogues exquis qui aboutissent à un merveilleux moment de cinéma. (Constance Bloch)
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Prisoners de Denis Villeneuve (9 octobre)
Deux fillettes disparaissent. Leurs pères se mettent alors à leur recherche avec l’aide de la police qui arrête rapidement un suspect. Faute de preuves, il sera relâché. Ça ne sera pas du goût de l’un des deux pères, prêt à tout pour retrouver sa fille.
Avec à l’affiche Hugh Jackman et Jake Gyllenhaal, Prisoners semble être, à première vue, le genre de thriller dont on se serait bien passé. Mais attention à ne pas juger trop vite : le film, plutôt bien ficelé, en apparence, possède une mise en scène époustouflante : le suspense est omniprésent, la fin inattendue. Voilà longtemps qu’un thriller américain n’avait pas été aussi prenant. (Sarah Barbier)
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9 Mois Ferme d’Albert Dupontel (16 octobre)
9 Mois Ferme est un conte de notre époque où les bons et les méchants ne sont pas ceux des autres films. Sandrine Kiberlain est superbe dans son rôle d’avocate plus raide que la Justice : elle donne la réplique dans des situations qui coulent d’elle-même, flirtant avec une inspiration absurde toute british mais sans jamais larguer le spectateur français avide d’humour noir et de comique de situation réussi – également servi par une distribution jouissive.
Depuis Bernie en 1996, on peut faire confiance en Albert Dupontel. Et si Enfermés Dehors, Le Créateur et Le Vilain ont distillé le talent du réalisateur de façon parfois irrégulière, le propos récurrent de ce fan avoué des Monty Python fait souffler encore et toujours un vent de fraîcheur sur la comédie à la française. Albert Dupontel, c’est le rire, certes. Mais un rire acide et jusqu’au-boutiste, avec pour cibles la toute-puissance de la normalité, l’ignorance et les clichés.
N’en déplaise à nombre de nos pairs, 9 Mois Ferme est un film populaire et grinçant qui met un peu de sable fort bienvenu dans les rouages bien huilés d’un quotidien lisse. Et même si on lui a reproché de n’être qu’une satire sociale débordant de bons sentiments, rétorquons qu’une bonnne petite fable bien troussée de quelques notes d’ironie peut s’avérer largement meilleure qu’un grand film tapageur avec la provocation – signe des temps – pour seul propos. Touché, M. Dupontel. (Théo Chapuis)
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-> À lire : En vidéo : la dissection d’Albert Dupontel
Snowpiercer, Le Transperceneige de Bong Joon Ho (30 octobre)
Quel est le lien entre un Britannique, un Américain et un Coréen qui se retrouvent dans un train ? Aucun, si ce n’est d’avoir réalisé un film de science-fiction surprenant : Snowpiercer, Le Transperceneige. Avec Bong Joon Ho derrière la caméra, Chris Evans en leader féroce et Tilda Swinton en timbrée autoritaire, cette adaptation d’une BD du Français Jacques Lob réussit le pari d’une production internationale au scénario ambitieux : conter un lendemain d’apocalypse dans… un train. A l’avant, les plus fortunés, en bout de course, les plus pauvres. Au milieu, l’envie d’en découdre.
Fable politique sur fond de violence, Bong Joon Ho illustre avec doigté des wagons qui représentent des catégories sociales. L’autorité, le mensonge comme les inégalités sont partie prenante d’une guerre entre l’avant et l’arrière. Certaines scènes sont étourdissantes (on pense au combat contre les soldats masqués) et viennent confirmer que Bong Joo Ho, déjà derrière les très bons Memories of Murder et The Host, est l’un des meilleurs réalisateurs sud-coréens en activité.
Snowpiercer ? Un film qui n’a rien de manichéen, à la limite de la misanthropie tant le pessimisme est de rigueur. (Louis Lepron)
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Inside Llewyn Davis des frères Coen (6 novembre)
Au fil des ans et des films, force est de constater que les frères Coen ne perdent pas de leur génie. Ils démontrent encore une fois leur capacité à naviguer avec brio entre œuvres sarcastiques et presque cruelles – on pense à Fargo ou encore Burn After Reading – à d’autres, plus tendres, comme c’est le cas pour Inside Llewyn Davis. A mi-chemin entre la comédie et le drame, on suit le parcours de Llewyn Davis (Oscar Isaac), un jeune musicien folk dans le New-York des années 60. Entre déboires amoureux et professionnels, on se retrouve face à un anti-héros attachant et bourré de défauts.
Comme dans O’Brother, le film est porté par une musique omniprésente et une superbe photographie. A travers le parcours de ce musicien paumé, les cinéastes dressent le portrait d’un jeune homme qui, bien que très talentueux, n’arrive pas à s’en sortir tant les éléments semblent se déchaîner contre lui. Et grâce à des dialogues finement élaborés, on passe du rire aux larmes en l’espace de quelques instants. (Constance Bloch)
-> À lire : Inside Llewyn Davis : la folk est toujours d’actualité en 2013
La Vénus à la fourrure de Roman Polanski (13 novembre)
Le film s’ouvre sur la musique grinçante d’Alexandre Desplat, dans un théâtre dans lequel un metteur en scène (Mathieu Amalric) s’énerve au sujet des actrices qui toute la journée se sont succédées, toutes plus mauvaises les une que les autres pour incarner Wanda dans la pièce La Vénus à la fourrure de Sacher-Masoch. Alors que l’audition se termine, une retardataire vulgaire (Emmanuelle Seigner) arrive, et commence à donner la réplique au metteur en scène agacé. Elle se métamorphose alors en créature sublime et distinguée, à l’image de l’héroïne de la pièce SM de l’auteur autrichien.
La Venus à la fourrure est un huis clos fascinant mené d’une main de maître par Roman Polanski. La mise en scène extrêmement soignée est travaillée jusque dans les moindres détails, et les acteurs créent un jeu de miroirs presque hypnotisant en naviguant entre les différents personnages. Le rapport de force entre les héros s’inverse subtilement et se conclue par un twist final réussi. (Constance Bloch)
Le Loup de Wall-Street de Martin Scorsese (25 décembre)
Le Loup de Wall-Street ? Un nom terrible, dominateur, sauvage. Pour illustrer une certaine Amérique, thème qu’il affectionne depuis toujours, Martin Scorsese n’a pas repris la naissance d’une ville (celle de la grosse pomme dans Gangs of New York), sa violence schizo (Taxi Driver) ou sa réussite industrielle mâtinée de tocs (Howard Hughes dans Aviator avec encore et toujours DiCaprio) : il a préféré s’accaparer un petit monstre de la finance qui a évolué, tel un loup dans un poulailler nommé États-Unis, au cours des années 90 pour mieux évoquer la fin du rêve américain. Terni, il n’est plus.
Le Loup de Wall-Street est un film maîtrisé de bout en bout, mis en scène avec brio, qui a parfois ses longueurs mais qui en dit long sur la santé du featuring DiCaprio – Scorsese : au meilleur de sa forme. L’acteur américain, au sommet de la chaîne alimentaire hollywoodienne, se retrouve dans l’une des productions les plus ambitieuses de ces 20 dernières années ayant pour sujet l’Amérique. Un vrai grand film. (Louis Lepron)
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