Pour ce mois d’Halloween, la rédaction de Konbini vous prépare une série horrifique. Des creepypastas aux films d’horreur méconnus, en passant par des malédictions venues d’ailleurs, un article quotidien vous fera frissonner jusqu’au jour des morts.
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Bien souvent, l’imaginaire collectif voudrait que l’on considère les suites comme étant toujours moins bonnes, moins intéressantes et moins bien produites que l’originale. C’est, il est vrai, dans une grande majorité du cas, la vérité — notamment dans l’univers des films d’horreur. Il y a, heureusement, des exceptions.
Si vous deviez vous concentrer sur une, parfaite pour Halloween, alors il s’agirait sans nul doute du deuxième Massacre à la tronçonneuse, qui, en plus d’être un film d’horreur drôle et inventif, est un doigt d’honneur à une industrie cynique assumé pour notre plus grand plaisir. Mais pour le comprendre, il faut se pencher deux minutes sur le premier.
Un premier film culte et une carrière compliquée
Sans revenir trop longuement sur le premier film, qui a traumatisé tout le monde sur son passage, qui est devenu culte instantanément pour toute une génération et qui est le long-métrage préféré de ton cinéaste préféré, il faut rappeler un peu ce qu’a été la production et le message de ce Massacre à la tronçonneuse, premier du nom.
Il faut comprendre que d’un côté, le film a été fait pour trois francs six sous, en mode système D — le budget se situerait quelque part entre 80 000 et 140 000 dollars, ce qui, même en 1974, est incroyablement bas. Le tournage, qui a eu lieu pendant quatre semaines en pleine canicule avec des sessions extrêmement longues, finit par être particulièrement dangereux, ce qui épuise tout le monde — toute l’équipe va détester pendant des années le réalisateur.
Sur le fond, le film exploite les traumatismes de la guerre du Vietnam et du Watergate. Il exploite, pour l’une des premières fois (en tout cas dans le cinéma de genre), l’idée que l’on n’a pas besoin de pointer du doigt les communistes ni les Soviétiques puisque l’Amérique peut aussi créer elle-même ses propres monstres et que le capitalisme, l’individualisme et la violence du quotidien peuvent pousser à la folie.
Vu les thèmes et les galères de production, le film aurait pu disparaître et ne jamais marquer les esprits. Il est d’abord interdit sur pas mal de territoire, ou interdit aux moins de 18 ans. Pourtant, le long-métrage devient culte pour toute une génération, encensé par la critique et récolte plus de 30 millions de dollars au box-office — rentable, vous avez dit ? Alors, forcément, vous vous dites que des producteurs ont poussé pour une suite ? Eh bien, tout ne fut pas si simple.
On ne va pas vous raconter la grande histoire de Tobe Hooper ici, ce n’est pas le sujet. Sachez que le réalisateur a connu des aventures compliquées, allant du tournage de Poltergeist produit par Spielberg où les tensions entre les deux ont amené ce dernier à plus ou moins quitter le projet, à des films fauchés pour Cannon. Néanmoins, quand, plusieurs années après la sortie de son succès inattendu, Hooper écrit une suite, il galère à lancer le projet. Les fonds sont limités, il n’arrive pas à le financer à hauteur d’ambition, et personne ne veut réaliser le film.
Il va devoir le faire lui-même, ce qui permettra d’accentuer un point central de son scénario (que certains voulaient atténuer), et qui fait la grande force de cette suite : la comédie. Car oui, Massacre à la tronçonneuse 2 détonne comparé au premier, puisqu’il s’agit d’une comédie horrifique.
Une suite comme il n’en existe pas d’autres
Quand le premier film est sorti, en 1974, le paysage horrifique n’était pas du tout le même que celui de 1986, quand est sorti le deuxième. Déjà, le gore a explosé entre-temps. Le slasher est devenu le genre maître du box-office, dominé par des têtes d’affiche comme Michael Myers (Halloween), Freddy Krueger (Les Griffes de la nuit) et Jason Voorhees (Vendredi 13). Pour faire la différence, et parce qu’Hooper n’aime pas refaire deux fois la même chose, il songe à autre chose.
Accompagnés de Jim Henkel, les deux cinéastes décident au départ de se moquer gentiment de Motel Hell, le long de 1980 qui se moquait déjà du premier Massacre à la tronçonneuse et d’installer l’histoire dans une ville de cannibales. Bon, forcément, Cannon refuse de produire cet objet filmique non identifié, mais la base est là. Face au refus, les producteurs préférant voir un film similaire au premier, Hooper va pousser les potards de la comédie encore plus loin.
Quelques réécritures plus tard, le film est donc une étrange bizarrerie qui n’a quasiment rien à voir avec le premier volet. À part le retour de la famille de Leatherface, le ton, la photo, le montage, la musique, les effets horrifiques… Tout semble décalé, même le démarrage, qui sera génialement copié dans un épisode culte de South Park, où le patriarche gagne un concours de chili con carne (chili con être humains découpés en morceaux, en l’occurrence).
Mais outre l’humour, ce qui détonne avec cette suite, et c’est quelque chose que l’on a rarement vu dans des sagas de ce genre, c’est la manière dont le point de vue a dérivé de celui des chassés à celui des chasseurs et montre les frictions au sein de la famille, la hiérarchie, les ambitions des uns et des autres, ce qui permet presque d’ajouter un peu d’humanité au monstre qu’est Leatherface, amoureux d’une des dernières victimes — sans jamais déculpabiliser aucun des meurtres grotesques dont on est témoin.
L’absurde amène à des moments génialement débiles dans un univers grunge post-punk, d’un combat de tronçonneuses (comme si c’était des épées, oui, oui) entre l’un des tueurs et le flic joué par le culte Dennis Hopper, à une fête foraine cannibales incroyable. Le film n’est pas parfait dans sa débilité, le rythme étant parfois décousu et un peu lent sur certaines séquences. Certes.
Il n’empêche que réussir à se différencier à ce point de l’original, de proposer un objet aussi différent, sachant très bien que le public et la critique s’attendent à une suite classique dans la lignée du premier long (et qui, spoiler, a détesté le film), est un exploit qui mérite votre curiosité et qui est un parfait film d’Halloween pop, pulp, débile, très drôle et franchement gore. Parfait, on vous dit.
Si vous avez aimé, vous aimerez aussi : si vous aimez les suites un peu cheloues qui se différencient du reste, on peut citer le troisième Freddy (le meilleur après le premier, avec des effets visuels dingues et un sous-texte queer incroyable), mais aussi le troisième Halloween (le seul sans Michael Myers, avec une histoire de sorcières sans queue ni tête). Et pour la blague, Jason X. Les vrais savent.
Massacre à la tronçonneuse 2 est disponible en DVD/Blu-ray (assez rares néanmoins).