Depuis quinze ans, on reçoit des artistes et personnalités mondialement connu·e·s de la pop culture, mais on a aussi à cœur de spotter les talents émergents dont les médias ne parlent pas encore.
À voir aussi sur Konbini
En 2024, après une première édition des Talents of tomorrow, on repart en quête de la relève. La rédaction de Konbini vous propose une série de portraits sur les étoiles de demain, qui vont exploser cette année. Des personnalités jeunes et francophones qu’on vous invite à suivre et soutenir dès maintenant.
© worldwidezem/Konbini
Portrait. C’est au détour du festival bruxellois Fifty Lab, qui met chaque année en lumière les artistes émergent·e·s d’ici et d’ailleurs, qu’on a découvert Marguerite Thiam. La salle est comble, la curiosité a mené le public dans cette petite salle dans le centre de la capitale belge, et on a bien fait de suivre le mouvement. Coup de cœur immédiat pour ces textes à vif, cette plume franche et cette silhouette sombre accompagnée sur scène par son frère Aliou. Au moment de l’inviter chez Konbini, Marguerite nous confie que c’était loin d’être son meilleur concert, “ce n’était pas [son] jour”. On ne peut que se réjouir de la voir dans ses bons jours. En décembre, elle a sorti son premier EP, COMME LES GRANDS, qui dissèque son enfance et sa jeunesse avec des textes qui ne trichent pas et un style déjà défini, bien à elle.
Petite, tant les spectacles imposés à ses parents que ses vidéos seule dans sa chambre à débiter “À la faveur de l’automne” auraient pu indiquer la trajectoire que sa vie prend aujourd’hui avec son nouveau projet musical. “Je savais que c’était quelque chose qui m’attirait intimement, mais je ne l’assumais pas.” Désormais, les choses ont changé, ou presque : “Quand je tourne un film ou que je chante, je ne dis pas que je suis actrice ou chanteuse. Il y a des mots qui me paraissent tellement forts que j’ai du mal à les dire.”
“Je ne dis pas que je suis ‘actrice’ ou ‘chanteuse’. Il y a des mots qui me paraissent tellement forts que j’ai du mal à les dire”
Marguerite Thiam, 23 ans, est une enfant de la pop culture, mais pas que. Elle n’a aucune formation dans la musique mais profite des bonnes influences. Bercée par Justin Bieber, SCH ou Aznavour, elle lit très jeune les textes de Marguerite Duras, à qui elle doit d’ailleurs son prénom. Ses premières amours artistiques se font face caméra, dans plusieurs séries et longs-métrages, puis derrière la caméra, en tant que réalisatrice.
Ce n’est donc pas un hasard si l’on retrouve à la fois la pop d’un Bieber et la poésie d’une Duras dans son premier projet musical que la jeune femme a approché comme un espace de réparation. La réparation d’elle-même, d’abord, mais aussi des souvenirs troublés qu’elle garde de son enfance et de son adolescence. “Tous ces trucs que je raconte dans mes morceaux, c’est des trucs qui me bouffaient dans la vie. Et aujourd’hui, c’est complètement derrière moi.”
Sur sa première collection de morceaux, elle exorcise certaines plaies : “La famille, la fête, la violence, l’amour, parce que tout ça est lié.” Les textes sont impudiques, et c’était un peu inévitable pour elle. “Je m’en fous de faire de la musique pour être connue”, explique Marguerite. “Quitte à faire un projet musical, autant y raconter des choses qui me touchent vraiment. C’est pour ça que je le fais : pour raconter des histoires intimes. Et j’en ai encore des tonnes.”
“J’aimerais changer les codes de ce qu’on attend d’une meuf dans le son“
Quand on lui demande si elle comprend la posture rap que les médias lui attribuent, sa réponse est claire : “Je les emmerde. Ça me saoule d’être catégorisée comme la nouvelle rappeuse, juste parce que je ne fais pas de la chansonnette. C’est comme Ronisia, la meuf n’est absolument pas rappeuse mais tout le monde la catégorise comme telle. Si t’écoutes mon projet, tu te rends compte que c’est de la chanson, quand même.”
C’est que l’industrie est “violente, surtout quand tu es une meuf”, déplore Marguerite. “J’ai appris à dire ‘non’, à imposer mes idées”, nous affirme-t-elle fièrement, force que l’artiste n’a pas toujours eu la chance d’avoir : “C’était ma hantise, je ne savais pas dire non. Je pouvais me retrouver dans des situations qui ne me convenaient pas du tout, juste pour ne pas déranger.” Heureusement, elle n’est pas seule dans ce bouleversement de vie et peut compter sur la présence de son frère Aliou, tant au studio que sur scène. “J’ai de la chance d’avoir mon frère à mes côtés. On a rêvé de ça pendant un bon moment, et là, on se retrouve entre frère et sœur, on part en tournée, on fait des concerts. Je ne pourrais pas le faire sans lui.”
“Je pense qu’on est tous et toutes mélancoliques, mais je pense aussi qu’on se complaît là-dedans. Quand j’écris dans mon carnet pour composer mes morceaux, j’ai beau être de bonne humeur, je me mets dans un mood mélancolique pour avoir quelque chose à écrire. C’est tellement plus compliqué d’être heureux.” Si son premier élan est teinté d’une mélancolie souvent corrosive, Marguerite Thiam ne s’interdit pas la lumière, qui viendra en temps voulu. Elle nous rassure : “Dans la vie de tous les jours, quand tu traînes avec moi, je suis plutôt joyeuse. J’ai des morceaux qui arrivent qui sont bien plus lumineux.”
“L’imagerie de la musique amène des idées sur mes désirs de cinéma, et inversement“
Au-delà de la musique, Marguerite continue d’évoluer au cinéma et sur le petit écran et écrit actuellement son premier long-métrage avec l’auteur et réalisateur Mathis Raymond avec qui elle réalisait déjà le sublime court-métrage Les Primates en 2022. Pour autant, malgré cette double casquette, la musique et le cinéma de Marguerite dialoguent sans pour autant se mélanger : “Ça reste vachement plus scolaire d’écrire un film, là où la musique me laisse plus de liberté. Mais les deux restent liés, l’imagerie de la musique amène des idées sur mes désirs de cinéma, et inversement.”
Pour la suite, Marguerite Thiam se souhaite avant tout des aventures. Peu de choses l’effraient. “J’ai juste peur que tout ça me saoule, à un moment.” Heureusement, jusqu’ici, pas le temps de s’ennuyer pour la chanteuse, entre la réalisation de son nouveau film et des projets d’album qui commencent déjà à germer : “J’aimerais pouvoir proposer un premier album qui me plaît d’abord à moi-même. Pas un album que je fais pour l’industrie.”
Les recos de Marguerite Thiam
- Une série : Grey’s Anatomy de Shonda Rhimes.
- Un film : Funny Games (1997) de Michael Haneke.
- Un restaurant parisien : Coup de Tête, à Jourdain. “Bistronomie française, très bien cuisiné, et pas cher ! Et du super bon vin.“
- Un livre : Le Marin de Gibraltar de Marguerite Duras.
- Un jeu vidéo : Candy Crush. “À fond.”
- Un disque : How Strange to Be Anyone? de Thomas Guerlet. “Un jeune artiste français en développement. C’est sublime.”
Vous pouvez suivre Marguerite Thiam sur Instagram et écouter sa musique via les plateformes de streaming.