Connue pour son autoportrait pris dans la baignoire d’Hitler, Lee Miller est devenue une grande photographe de guerre, après une courte carrière de mannequin. Sa vie et son œuvre sont portées à l’écran aujourd’hui grâce à la réalisatrice Ellen Kuras – à qui nous devons entre autres la direction de la photographie des films Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry, Away We Go de Sam Mendes, The Ballad of Jack and Rose de Rebecca Miller ou encore Coffee and Cigarettes de Jim Jarmusch.
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Dans ce premier long-métrage de fiction, sobrement intitulé Lee Miller, Kate Winslet incarne la grande photojournaliste, et Marion Cotillard se met dans la peau de la rédactrice en chef de Vogue, Solange d’Ayen. Alexander Skarsgård joue l’artiste Roland Penrose, qui a épousé la photographe. David E. Scherman, l’acolyte de Lee Miller, est joué par Andy Samberg, et Noémie Merlant incarne Nusch Éluard, amie de la photographe. La bande originale est assurée par Alexandre Desplat.
Le film revient sur sa carrière entre 1938 et 1948, années durant lesquelles la photojournaliste officiait pour Vogue et couvrait la Seconde Guerre mondiale. De cette mission, elle n’est pas ressortie indemne, et le film devrait également explorer les traumatismes qu’elle a vécus ainsi que son difficile retour à la vie normale. Retour sur une carrière hors du commun.
Elle a été l’une des premières photographes de guerre états-uniennes
Durant la Seconde Guerre mondiale, Lee Miller a convaincu Vogue de l’envoyer sur le terrain documenter la guerre et les camps de concentration nazis. “Elle était en colère parce que les femmes n’étaient pas officiellement autorisées dans les zones de combat”, se rappelait fin mai pour l’AFP son fils unique, Antony Penrose. “Elle était guidée par la compassion et je pense que ça l’a consumée. Il n’y avait plus rien pour la faire avancer et elle n’arrivait pas à sortir de sa tête toutes les choses qu’elle avait vues.”
C’est en 1944 qu’elle prend la route de la Normandie, armée d’un Rolleiflex en bandoulière. Elle se confronte à l’hostilité du terrain et de la guerre : le danger, la boue, les maladies, les bombes. Lee Miller manque de perdre la vie bien des fois, prend en photo les mutilés et les premières épurations, puis gagne le front Est, en Allemagne vaincue.
Pendant deux semaines, elle documente ensuite l’horreur de Buchenwald, Dachau, les convois dégueulant de cadavres et de survivants émaciés. “Au lieu de prendre des photos de loin, Lee n’a pas hésité à grimper à bord du train rempli de cadavres”, souligne Kate Winslet, auprès de l’AFP. Là-bas, elle tire aussi le portrait de familles de nazis suicidés. L’édition états-unienne de Vogue titrera ensuite son reportage “Believe It” (Croyez-le).
“Les gens n’y croyaient pas. C’est fou comme on a dissimulé pendant très longtemps des pans entiers de la Shoah. Il y avait une véritable volonté de maquiller les faits mais Lee s’y est refusée catégoriquement. Cela l’a ruinée totalement”, souligne Kate Winslet pour l’AFP. Ses images ont marqué le XXe siècle et ont fait d’elle l’une des premières photographes à témoigner des crimes commis dans les camps.
Elle a posé nue dans la baignoire d’Hitler
Le 30 avril 1945, Lee Miller et son ami photographe David E. Scherman se rendent au domicile d’Adolf Hitler, alors qu’il se cache dans un bunker. Les deux photojournalistes s’introduisent dans son intimité quelques heures avant son suicide et décident d’y rester quelques jours : “C’était confortable, mais il y avait quelque chose de macabre à dormir sur l’oreiller d’une femme et d’un homme qui venaient de mourir, tout en se réjouissant de leur mort, si c’était bien le cas”, relate Le Monde.
Durant ce séjour, Lee Miller décide de poser, nue, le regard vague, dans la baignoire du dictateur. “L’endroit était en parfait état. L’électricité et l’eau chaude fonctionnaient. Il y avait même un réfrigérateur électrique. Il n’était pas suffisamment vide pour être ‘loué’ en l’état, mais un quart d’heure de ménage pour dépoussiérer les tasses aurait suffi pour le mettre à disposition d’un nouveau locataire à qui la présence de draps et de vaisselle marqués ‘A.H.’ ne gênerait pas”, a confié la photographe à Iconics Photos.
À côté d’elle, un portrait d’Hitler la regarde. On distingue aussi ses bottes, encore pleines de la poussière du camp de concentration de Dachau qu’elle vient de documenter. Derrière elle, le flexible de douche rappelle les atrocités commises par les nazis dans les camps de concentration. Après une reproduction d’Annie Leibovitz dans Vogue, la prise de cette photo emblématique a été mise en scène dans le film d’Ellen Kuras.
Avant de devenir photographe, elle faisait la une des magazines de mode
Lee Miller a été une mannequin à grand succès, posant pour Vogue, Glamour ou encore l’artiste surréaliste Man Ray. Sa carrière de mannequin et modèle vivante, ses contacts et sa détermination lui ont permis de passer avec brio derrière l’objectif.