Cela fait des années que tout le monde hurle à qui veut l’entendre que l’on n’a pas eu une bonne adaptation de jeu vidéo en film ou série. Outre le fait que ce postulat serait par bien des aspects contestable, il semble que 2023 soit l’année qui va taire à jamais cette remarque.
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Déjà, parce que l’on a eu The Last of Us, l’excellente série HBO portée par Pedro Pascal et Bella Ramsey. Et puis, dans un tout autre genre, le Super Mario Bros d’Illumination. Deux visions de l’adaptation qui nous montrent que c’est bien possible d’adapter une œuvre vidéoludique en objet filmique.
Mais étrangement, le deuxième nous impressionne presque un peu plus…
Un film… intelligent ?
Quelque part, The Last of Us est peut-être une adaptation plus simple. Car on parle ici de retranscrire un jeu aussi narratif, aussi linéaire que The Last of Us. Vous me direz : “Uncharted était pourtant raté ?”, et vous aurez raison. C’est plus simple, ce qui ne veut pas dire que c’est facile pour autant. Beaucoup se sont cassé les dents avant, et TLOU nous prouve qu’avec un peu d’attention, et d’amour du matériau de base, c’est possible.
Mais quid d’un jeu qui n’a pas d’histoire ? Où tout réside dans le gameplay ? Disons, un jeu de plateforme qui a, certes, une vague trame, mais où tout réside dans du niveau après niveau ? Genre Mario ? Là, il faut tout inventer. Les péripéties, la construction de la narration, les arcs des personnages… Et c’est beaucoup plus casse-gueule.
Super Mario Bros réussit en tout point cette entreprise. Le film d’Aaron Horvath et Michael Jelenic invente toute une trame (qui ressemble étrangement à celle du film live action sous-estimé de 1993) qui justifie l’aventure dans l’univers fantastique de Mario — en l’occurrence, celle de deux plombiers un peu loosers, qui voulaient prouver à la Terre entière, comprendre leur famille et leurs voisins à Brooklyn, qu’ils sont émérites, ils décident d’aider à réparer une grande fuite dans les égouts, et se retrouvent propulsés dans un univers parallèle semblable à celui du jeu. Les deux frangins se retrouvent séparés, alors même que cet univers est menacé de destruction par Bowser…
De là, les auteurs réussissent à créer de vrais arcs narratifs, des évolutions de personnages, avec des protagonistes qui ont des problématiques, sans être poussives — cela reste un film à destination d’enfants en premier lieu —, mais le film ne prend jamais le spectateur pour un débile.
À côté de cela, les péripéties de l’aventure sont réelles, plutôt vraisemblables, divertissantes, et reprennent (c’est l’une de ses plus grandes forces) tout l’univers du jeu. Car de surcroît, les cinéastes savent qu’il faut exploiter le “lore” de l’univers. On va donc avoir du Mario Kart, mais aussi une séquence de combat entre Smash Bros et les vieux jeux Donkey Kong, et en même temps, plusieurs références à des plateformes filmées de côté.
Le tout, enrobé dans de vraies références plus pointues. Pointues, on s’entend. Mais cela va d’un rapide passage sur la Yoshi’s Island à la sonnerie d’un portable semblable à celle de la musique du démarrage de la GameCube, en passant par une réorchestration complète de toute la musique des jeux. Le tout, en respectant l’univers crée : les fleurs qui donnent le pouvoir de feu sont de réelles fleurs dans des champs, par exemple.
Un jeu vraiment écrit, qui comprend vraiment son matériau de base.
L’animation, la vraie bonne idée ?
En fait, tout ceci semble logique. Mais la réalité derrière cette réussite tient sans doute ailleurs… Ce qui fait que le jeu est réussi est qu’il est animé, tout simplement.
Car avec ce même scénario, ce même univers, cette même écriture, mais en adaptation live action, le film aurait-il été aussi bon ? Vraisemblablement, non. L’univers est trop marqué visuellement, cartoonesque, et est trop fou pour fonctionner en prise de vue réelle — encore une fois, on adore celui de 1993, mais parce qu’il ancre sa mythologie dans le réel.
Au contraire, l’animation permet la liberté de mouvement, de caméra, de graphisme, de reprendre l’identité visuelle des jeux, et s’amuser avec — les séquences de Bowser au piano, par exemple. Comparer la séquence Mario Kart de 1993 à celle de 2023 est flagrant et montre l’utilité de l’animation pour ce genre de titre. Surtout qu’il faut reconnaître qu’Illumination a fait un travail monstrueux, et le film est sublime.
Attention, on ne dit pas que le film est parfait : certains dialogues ou arcs sont clichés, l’arrivée de Mario dans la quête de Peach est un peu simpliste, le film s’adresse plus au moins de 12 qu’aux adultes. Mais on n’a tellement pas boudé notre plaisir, et l’adaptation est tellement réussie dans un paysage de ratage industriel, que Mario sort du lot, et de loin.