“Tu es tellement énervée tout le temps”, “Calme-toi, c’est juste une blague”, “L’amour vient toujours quand on ne s’y attend pas”,“Quand je suis en plein débat et que Google me donne raison”… Voici différentes situations qui nous donnent tou·te·s envie de réagir de la même façon : fixer intensément notre interlocuteur·rice avec notre regard le plus assassin possible, et laisser s’installer un terrible silence malaisant – cette personne ne méritant clairement pas nos précieuses paroles.
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Ça tombe bien car il y a quelques jours, Internet a trouvé la peinture parfaite pour incarner ce mood ultra-vénère : une jeune femme trônant au beau milieu d’un luxueux salon, dont le regard ne dégage rien d’autre qu’une furieuse envie de meurtre. Son expression si relatable a inondé TikTok en quelques jours, toujours sous la forme d’un carrousel accompagné du célèbre mouvement musical “Dies iræ”, tiré du Requiem de Verdi. Mais d’où vient ce tableau, et quelle histoire se cache derrière cette terrible scène qui nous ferait presque entendre les mouches voler ?
Auguste Toulmouche, “La Fiancée hésitante”, 1866, collection privée. (© Sotheby’s)
Intitulée La Fiancée hésitante, cette œuvre a été réalisée par le peintre français Auguste Toulmouche, réputé pour ses représentations de scènes réalistes et, en particulier, pour ses jeunes femmes du milieu bourgeois de l’époque – que l’écrivain Émile Zola surnommait même “les délicieuses poupées de Toulmouche”… Vraiment ? Mais alors, pourquoi, ici, la poupée a clairement l’air de vouloir tout foutre en l’air ?
Selon Fashion History Timeline, Toulmouche a voulu représenter une future jeune mariée, que trois femmes tentent de rassurer pour calmer ses doutes concernant l’événement à venir. Mais elle y semble complètement insensible : tandis que l’une lui tient la main en la regardant, que l’autre lui embrasse tendrement le front, et qu’une dernière essaie joyeusement sa couronne de fleurs, elle reste de marbre et nous fixe droit dans les yeux. Côté timing, on est juste avant la cérémonie : elles semblent se trouver dans un salon, ultime étape avant de passer au mariage, et la mariée est déjà vêtue.
Ce tableau est sûrement une habile dénonciation des mariages arrangés, une pratique courante dans le milieu bourgeois du Second Empire : ce regard ultra-vénère est en réalité rempli d’impuissance, de peur, et peut-être aussi d’un profond sentiment d’injustice. Un ouragan d’émotions violentes qui, si elles ne naissent plus forcément dans le même contexte qu’à l’époque, continue à faire écho chez de nombreuses femmes, aujourd’hui encore.