Le symbolisme de la concomitance des événements est terrible : samedi 19 mai, alors que Cannes repliait son barnum et ses stars pour la 71e fois, Asia Argento profitait de son discours de clôture pour tonner, sous les vivats, que le temps de l’impunité et de l’omerta pour les agresseurs sexuels dans le vivarium du cinéma international était révolu. Au même moment, à Paris, Europe 1 apprenait qu’une plainte pour viol venait d’être déposée contre Luc Besson, réalisateur, producteur, homme-orchestre et tête de gondole du cinéma français à gros budget.
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Toujours selon Europe 1, les faits se seraient déroulés dans la nuit de jeudi à vendredi, dans une chambre du Bristol – célèbre palace parisien du quartier des Champs-Élysées –, et la victime serait une actrice française de 27 ans, Sand Van Roy. La comédienne serait arrivée dans la suite du réalisateur de Léon, âgé de 59 ans, vers 23 heures, à son retour du festival de Cannes, explique le JDD.
Ce n’est qu’à son réveil, quelques heures plus tard, que le souvenir partiel d’une relation sexuelle non consentie – “sans grande douceur”, précise le JDD – lui revient. Selon la plaignante, qui quitte l’hôtel à 2 heures du matin pour se réfugier chez une amie, le créateur de la société Europacorp lui aurait également laissé une liasse de billets. Le parquet de Paris, joint entre autres par Libération, a simplement confirmé le dépôt de plainte et l’ouverture d’une enquête.
L’enquête ne fait que débuter
Lors de son audition avec les agents du 1er district de police judiciaire (DPJ), Sand Van Roy aurait également indiqué qu’elle fréquentait le réalisateur depuis deux ans, tout en précisant “s’y être sentie obligée compte tenu de leurs rapports professionnels”, écrit Europe 1. Évoquant les faits du Bristol, le JDD parle de “chantage à l’emploi”. Sand Van Roy, ancienne mannequin devenue comédienne, est notamment apparue dans Taxi 5 et Valérian et la Cité des mille planètes. C’est au cours du tournage de ce dernier film qu’elle aurait débuté sa liaison avec le producteur français.
Selon Le Parisien, des premières analyses étaient en cours dimanche 20 mai : les vêtements de la victime présumée ont été saisis et des prélèvements capillaire et sanguin ont été réalisés. Parallèlement, les enquêteurs tentent de retracer le déroulé des événements de la soirée du 17 mai, notamment en interrogeant des témoins de sa sortie du Bristol, alors que la comédienne précise ne pas se souvenir intégralement des faits. Luc Besson, qui réside actuellement à Los Angeles avec sa femme, la productrice Virginie Silla, et ses trois enfants, n’a pas encore été auditionné par les enquêteurs de la PJ.
Besson dément
Si le réalisateur n’a pas officiellement commenté l’affaire, son avocat, Me Thierry Marembert, a parlé pour lui, expliquant à l’AFP que le réalisateur était “tombé de sa chaise” en apprenant la nouvelle et “dément catégoriquement ces accusations fantaisistes”. Si le cinéaste a reconnu qu’il connaissait Sand Van Roy, son avocat affirme qu’il n’a “jamais eu de comportement déplacé” envers la jeune femme, et ne l’a “ni droguée ni violée”. Malgré ces déclarations, Luc Besson devra très bientôt revenir en France pour donner sa version des faits, déterminante, aux enquêteurs.
Première conséquence directe pour Besson : lundi 21 mai, l’action d’Europacorp chutait lourdement, perdant 14 % à l’ouverture du CAC 40, alors que la société est encore en pleine négociation avec d’autres plateformes audiovisuelles pour un éventuel rachat – des rumeurs concernant Netflix circulent depuis plusieurs semaines. Les marchés se fichent de la présomption d’innocence.
Alors que la France du cinéma bruisse de spéculations concernant un éventuel “Weinstein français” et que des actrices comme Léa Seydoux, Judith Godrèche ou Isabelle Adjani se sont exprimées, dans le sillage de l’affaire Weinstein, sur l’impunité qui règne dans le monde du cinéma hexagonal, aucun nom n’était encore sorti publiquement. Aujourd’hui, celui qui vient d’être cité n’est rien de moins que celui du titan du cinéma français. Difficile de ne pas y voir un parallèle avec Harvey Weinstein.
D’autant que le 19 mai, Asia Argento, interrogée par le Hollywood Reporter, a annoncé qu’elle était au courant de rumeurs concernant le producteur français “depuis huit mois”. Elle en était donc consciente quand elle décrivait Cannes comme le “terrain de chasse” de Weinstein. Ou encore quand elle s’adressait directement aux agresseurs et leurs complices en leur hurlant “nous savons qui vous êtes, et nous ne vous permettrons plus de vous en tirer”.