En mai dernier, dans une séquence très surprenante sur Quotidien, Maïwenn déclarait vouloir attendre la sortie de son film, Jeanne du Barry, pour s’exprimer sur son agression envers le cofondateur de Mediapart, Edwy Plenel. Dans un entretien accordé au JDD et paru ce week-end, elle explique les raisons de son geste.
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La cinéaste remet en cause une publication de son audition dans l’affaire Luc Besson, père de sa fille Shanna, accusé de viol par une actrice, ce qu’il conteste. La Cour de cassation rendra le 21 juin 2023 sa décision concernant ces accusations de viol qui ont fait l’objet d’un non-lieu, confirmé en appel, formulées par l’actrice Sand Van Roy contre le réalisateur qui clame son innocence.
L’entretien au JDD — mené par une journaliste qui a coécrit un livre avec l’avocat de Maïwenn — est jugé “complaisant” par Mediapart, notamment en raison de l’absence de point de vue contradictoire aux propos tenus par Maïwenn. Le média regrette également une grave remise en cause du travail du journal sur les violences sexistes et sexuelles et a choisi de répondre sur son site, via la voix de sa responsable éditoriale aux questions de genre, dans un billet intitulé “Maïwenn et Mediapart : des contresens et des mensonges”.
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Témoin et non plaignante
“Je ne reproche pas à Mediapart les enquêtes qu’ils ont menées concernant Luc Besson. Je leur reproche ce qu’ils m’ont fait à moi”, a déclaré Maïwenn au JDD. Après n’avoir pas répondu aux sollicitations du média, la cinéaste et actrice finit par rencontrer une journaliste de Mediapart fin 2018 au sujet de l’enquête du média sur Luc Besson, qu’elle dit ne plus fréquenter “depuis 20 ans”. La réalisatrice indique alors à la journaliste qu’elle ne souhaite pas “prendre la parole” publiquement, décision respectée par Mediapart qui ne publiera rien de cet entretien.
Mais, début 2021, Mediapart met en ligne “un article avec des bouts de [son] audition” faite en juin 2020 devant la police judiciaire afin de dresser le bilan de la procédure judiciaire dont les investigations s’achèvent, une parution que la réalisatrice déplore. “C’est un cataclysme. […] J’ai ressenti un viol moral”, souligne Maïwenn. “Si rien ne justifie que l’on s’en prenne à un journaliste, rien ne justifie que l’on viole l’intimité d’une femme”, ajoute-t-elle encore.
Pourtant, son audition — en tant que témoin et non plaignante — avait été révélée par de nombreux médias plusieurs mois auparavant, précise Mediapart, qui a ainsi estimé que ces éléments, d’intérêt public, devaient figurer dans l’enquête afin que celle-ci soit jugée impartiale et qui n’en publie d’ailleurs que de courts extraits de son procès-verbal.
“Une offensive médiatique et politique contre #MeToo”
Dans une seconde partie d’interview, la journaliste interroge Maïwenn au sujet du mouvement #MeToo, mouvement qu’elle a souvent critiqué ces dernières années, en soutenant Roman Polanski, en attaquant Adèle Haenel et en choisissant Johnny Depp, mis en cause pour des violences conjugales, pour son dernier film, après avoir envisagé Gérard Depardieu pour le rôle, lui aussi accusé de violences sexuelles.
Selon Maïwenn, qui dit soutenir le mouvement #MeToo, “il faut veiller à éviter une dérive vers une forme de puritanisme qui mènerait à la censure intellectuelle et culturelle. […] Mediapart ne défend pas les femmes : ils ont une ligne à laquelle on adhère ou pas, qui est de mettre à terre les puissants. Il ne faut pas que le féminisme ou le combat pour l’égalité des sexes se réduisent à des instruments au service d’une ligne éditoriale.” Et de conclure : “La vie me l’a appris : les prêcheurs sont souvent des tartuffes.”
Par ces attaques, Mediapart voit un débat plus inquiétant, celui d’une “offensive médiatique et politique contre #MeToo de la part de la réalisatrice” et déplore la “remise en cause d’un journal qui n’a jamais renoncé à enquêter sur #MeToo, dans tous les lieux de pouvoir, dans tous les milieux, y compris dans le cinéma.”
Pour rappel, Edwy Plenel a déposé en mars une plainte contre la comédienne et réalisatrice pour cette agression. “Une femme, précédemment assise, seule, à une autre table [d’un restaurant parisien] a surgi et dans un laps de temps très court a saisi [Edwy Plenel] par les cheveux avec violence, lui renversant la tête en arrière et esquissant un crachat sur son visage”, a pu lire l’AFP qui a consulté la plainte. Maïwenn avait été identifiée ensuite par le personnel du restaurant.
“Une enquête est ouverte. Edwy Plenel a été entendu il y a deux semaines. Les autres témoins sont en train d’être entendus”, avait indiqué mi-mai à l’AFP l’avocat du journaliste, Maître Pierre-Emmanuel Blard.