L’œil du Cléopatrix : 20 ans après, j’ai enfin vu Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre (et j’ai pas beaucoup ri)

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L’œil du Cléopatrix : 20 ans après, j’ai enfin vu Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre (et j’ai pas beaucoup ri)

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(© Pathé)

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Par Flavio Sillitti

Publié le , modifié le

Mais les rares fois où j’ai ri, j’ai ri très fort. Critique d’un classique.

Ne me jetez pas la pierre : j’approche le quart de siècle et je n’avais jamais vu Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre. Si vous voulez tout savoir, je n’ai jamais vu Les Bronzés ou Le Dîner de cons non plus. C’est simple : les classiques du cinéma français me sont tout bonnement étrangers. Et si on peut partiellement expliquer ça par le fait que je suis belge, c’est surtout qu’on me les a un peu trop vendus et que m’y plonger semblerait légèrement forcé. Et personne ne me force.

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Ma théorie, c’est que la découverte des classiques de comédie française, c’est un peu comme la circoncision : passé un certain âge, ça paraît moins naturel, et c’est surtout plus douloureux. Déjà, j’ai tort : il n’y a pas d’âge pour se faire circoncire. Ensuite, la douleur à laquelle je fais référence s’explique notamment par l’humour d’un classique comique français ô combien périlleux à manier et qui ne s’ancre que très difficilement dans une autre époque que celle dans laquelle il s’inscrit initialement.

À l’occasion de la ressortie en salle d’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre en version restaurée 4K, je m’y suis frotté. Et spoiler : j’ai beaucoup aimé. Mais assez peu ri.

L’histoire : 10/10

Si je ne m’attendais pas à une chose, c’est à une histoire aussi palpitante. Pour m’en tenir aux derniers longs-métrages de Christian Clavier, je restais persuadé que les comédies françaises dans lesquelles il apparaissait manquaient cruellement de substance, reposant sur un brassage de vide ponctué de blagounettes douteuses.

Que nenni : le film d’Alain Chabat, sorti en 2002, nous tient en haleine de bout en bout. Tout part d’une chamaillerie amoureuse désuète entre Cléopâtre et Jules César, brillamment campé·e·s par Monica Bellucci et Alain Chabat lui-même, qui introduit le défi fou de construire un hôtel impérial en plein désert, le tout en seulement trois mois. À partir de là, et suivant le rythme temporel du compte à rebours, le dynamisme du film nous gobe, impressionne par ses rebondissements et son énergie.

L’histoire en elle-même est finement écrite, même si mon œil (que beaucoup qualifieraient de wokiste) regrette un male gaze omniprésent qui relègue les quelques femmes du film à leur potentiel d’attraction sexuelle ainsi qu’un léger complexe du sauveur blanc à tendance colonialiste avec les blanc-bleu Gaulois qui viennent apprendre à un peuple étranger comment construire un hôtel en trois mois et sauver leur civilisation.

Passé cette parenthèse anticolonialiste qui va en faire transpirer plus d’un·e, je dois reconnaître la force de cette fable lisible et simple, laissant toute la place nécessaire à l’humour propre aux Nuls, la bande comique à Chabat avec Chantal Lauby et Dominique Farrugia, ou à Marina Foïs, qui apparaissent d’ailleurs pour la plupart dans le film. D’ailleurs, que vaut cet humour ?

L’humour : 7/10

C’est certainement la raison qui nous pousse à esquiver les classiques : le surcotage. Je ne dis pas qu’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre est surcoté, mais j’ai décidément placé beaucoup trop d’attente dans son potentiel humoristique au vu des multiples références du film qui se retrouvent en pop culture ou récitées à chaque apéro entre potes – j’ai d’ailleurs toujours fait semblant de comprendre la référence du géranium ou de la tirade d’Édouard Baer.

C’est d’ailleurs ces scènes que j’attendais avec (trop) d’impatience tant j’avais hâte de ressentir l’hilarité qu’on m’avait promise. Il n’en a rien été : la réplique du géranium m’a laissé de marbre et la tirade d’Édouard Baer m’a laissé tout aussi stoïque – malgré la maestria de l’acteur. Comment l’expliquer ? Suis-je réellement devenu un vieux con ? Me suis-je empêché de rire par esprit de contradiction ? Me les avait-on trop racontées ? Est-ce que j’arrive vingt ans trop tard ? Ou ces scènes ne sont-elles tout simplement… pas drôles ?

Ailleurs, par contre, je me suis littéralement fendu la poire (c’est l’expression qui convient le mieux). L’échange entre Panoramix et le caricaturiste, le jeu de Jamel Debbouze (dont je ne suis pas forcément le premier client en temps normal) ou encore l’apparition brève mais hilarante de Chantal Lauby dans la peau de l’espionne Cartapus, c’est cet humour-là qui me gagne : gras, osé, intelligent.

J’en ris encore.

Le visuel : 8/10

Pour un film de 2002, quelle dinguerie visuelle ! Mention spéciale aux séquences animées, à l’instar de la course folle dans la pyramide ou du somptueux tableau dans lequel Numérobis plante des palmiers. Les décors, les costumes, le montage : tout est convaincant, le film ayant été tourné dans la ville marocaine de Ouarzazate et ayant bénéficié d’un budget conséquent (surtout pour l’époque) de 50 millions d’euros. Et à la vue du film de Chabat, chaque euro semble avoir été consciencieusement dépensé, nous offrant une jolie claque visuelle à la hauteur du classique.

Car oui, je sais enfin pourquoi le film a traversé plus de deux décennies sans vraiment prendre une ride, pourquoi mes potes lourdingues en ressortent les répliques à chaque occasion plus ou moins justifiée et pourquoi, dans la vie, il n’y a pas vraiment de bonnes ou de mauvaises situations, je dirais que c’est d’abord des rencontres. Et ma rencontre avec Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre est un franc succès.

Foncez le (re)découvrir au cinéma, et ne vous mettez pas la pression pour rire – vous rirez peut-être plus que moi comme ça.