À première vue, on pourrait croire à de banales images d’un quotidien suffocant dans une banlieue pavillonnaire états-unienne à la American Beauty. Mais en regardant de plus près, on se rend vite compte que les figures féminines présentes dans la série Still Lovers d’Elena Dorfman sont en réalité… des poupées.
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“Dans le sud de la Californie, il y a une usine où des artisans conçoivent des poupées de femmes hyperréalistes qui peuvent être achetées sur Internet pour 6 000 dollars. Les clients peuvent choisir neuf typologies de visage et de corps, mince ou voluptueux. Ils peuvent choisir la couleur de leurs yeux, la couleur de leur peau, la longueur et la teinte de leurs ongles, leur style et la coupe de leurs poils pubiens. Chaque poupée est dotée de parties génitales et d’un anus – parfaitement réalistes et fonctionnels”, écrit-elle sur son site.
Lily 1, “Still Lovers”, 2004. (© Elena Dorfman)
La photographe américaine s’est penchée sur les vies domestiques tranquillement menées de ces hommes qui achètent des poupées sexuelles pour partager leur quotidien et combler leurs désirs, aussi bien sexuels qu’émotionnels.
Certains ont seulement besoin d’une présence, d’un sosie de leur épouse, ou d’un jeu supplémentaire pour leur couple. D’autres les utilisent pour assouvir plus simplement leurs pulsions. Les raisons d’acheter des poupées sexuelles sont aussi variées que les modèles mis en circulation.
Sidore 5, “Still Lovers”, 2002. (© Elena Dorfman)
“Jerry et Adriana n’avaient pas une mais cinq poupées, qu’ils gardaient cachées de leurs enfants. […] Adriana était convaincue que chaque poupée représentait différentes facettes de sa personnalité : amante, enfant, amie, jeu et partenaire intellectuelle”, prend comme exemple Dorfman.
Des familles jouant au Scrabble avec une poupée, un homme tenant une main en plastique ou enlaçant une silhouette statique, une partie de jeux vidéo partagée à deux, un moment de détente à lire, allongés dans l’herbe, aux côtés d’une figure siliconée. L’artiste n’illustre pas le sensationnalisme malsain mais la monotonie d’une vie rangée.
Valentine 4, “Still Lovers”, 2002. (© Elena Dorfman)
Des liens émotionnels forts
Au départ, Dorfman pensait se limiter à un simple reportage photo sur des “hommes qui font l’amour à 56 kilogrammes de plastique parfaitement formé”, mais progressivement sa série prenait une tout autre tournure : elle s’intéressait davantage aux liens émotionnels que nouaient ces hommes avec leurs poupées et aux mythes religieux liés à la “création de la femme” :
“L’homme se méprise lui-même de ne pas pouvoir résister à l’attraction sexuelle qu’il ressent pour les femmes, et pour échapper à ce piège, il se tourne vers des mécanismes divins ou scientifiques afin de créer sa chair – des femmes synthétiques qui sont plus satisfaisantes sexuellement et psychologiquement que des partenaires en chair et en os. […] Cette exploration m’a forcée à réévaluer ma propre notion de l’amour, et ce que cela signifie de considérer un objet comme réel.”
Loin de l’image perverse qu’on associe souvent aux propriétaires de sex dolls, Elena Dorfman a photographié ces personnes et leurs objets humanoïdes avec dignité et distance. Elle définit sa série comme un “témoignage d’un mode de vie à la fois troublant et émouvant”. Son but n’était pas de se placer en juge mais plutôt de rendre visibles les vies secrètes mais stables de ces personnes à la recherche de l’amour idéal.
Ginger Brook 4, “Still Lovers”, 2001. (© Elena Dorfman)
Galatea 4, “Still Lovers”, 2004. (© Elena Dorfman)
CJ 3, “Still Lovers”, 2002. (© Elena Dorfman)
Lily 4, “Still Lovers”, 2004. (© Elena Dorfman)
Ginger Brook 3, “Still Lovers”, 2002. (© Elena Dorfman)
Taffy 12, “Still Lovers”, 2002. (© Elena Dorfman)
Rebecca 3, “Still Lovers”, 2002. (© Elena Dorfman)
Jamie 1, “Still Lovers”, 2000. (© Elena Dorfman)
Rebecca 1, “Still Lovers”, 2001. (© Elena Dorfman)
Sidore 4, “Still Lovers”, 2001. (© Elena Dorfman)
Rebecca 2, “Still Lovers”, 2002. (© Elena Dorfman)
Azra 1, “Still Lovers”, 2002. (© Elena Dorfman)
Azra 2, “Still Lovers”, 2002. (© Elena Dorfman)
Vous pouvez suivre le travail d’Elena Dorfman sur son compte Instagram.