Après avoir passé quelques années en Europe, Ana María Arévalo Gosen est retournée au Venezuela en 2017, alors qu’une lourde crise économique sévissait dans son pays depuis plusieurs années. À ce moment, une étude statistique vénézuélienne estimait que 75 % de la population avait perdu plus de 8 kilogrammes à cause de l’extrême pauvreté dans laquelle était plongé le pays.
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Mortifiée face à la situation de ses compatriotes, la photographe s’attelle alors à un sujet qu’elle estime être “à l’origine de la crise dans [son] pays”, tel qu’elle le rapporte au festival Visa pour l’image où elle expose son travail : celui du système judiciaire et carcéral du Venezuela, un système “très inégalitaire qui pratique détentions arbitraires ou politiques”.
Au centre de détention de La Yaguara, les femmes passent leurs journées dans l’inactivité la plus totale. Caracas, Venezuela, mars 2018. (© Ana María Arévalo Gosen)
L’artiste décide de s’intéresser aux conditions carcérales des femmes et le “cauchemar” vécu par ces dernières au Venezuela et dans d’autres pays d’Amérique latine, le Salvador et le Guatemala. Les prisons y sont “sombres, il y fait chaud, il y a trop de monde et cela entraîne un sentiment de claustrophobie. Les prisonnières ne reçoivent ni nourriture ni eau ni attention médicale. Certaines d’entre elles sont abandonnées par leurs familles alors qu’elles ont besoin d’aide extérieure pour survivre.”
Ana María Arévalo Gosen pointe les conséquences du fameux système à deux vitesses de la justice, notamment la façon dont sont dépouillées “les membres les plus pauvres et les plus vulnérables de la société” de leurs droits.
Le centre de détention préventive de Huehuetenango abrite sept femmes, dont quatre sont issues de communautés autochtones. Estela, 24 ans, a été condamnée à 25 ans pour meurtre. Guatemala, mars 2022. (© Ana María Arévalo Gosen)
De plus, ces conditions n’encouragent aucune réinsertion ni réhabilitation : “Quand on sortira d’ici, si on en sort, nous serons de pires individus que lorsque nous sommes entrées”, confie Yorkelis, une détenue de 21 ans incarcérée depuis deux ans dans une prison d’une seule cellule, surpeuplée par une soixantaine de femmes.
La plupart des personnes photographiées dans la série Días Eternos (les “jours éternels” en français) ont été enfermées pour des crimes et délits liés à des affaires de drogue et de vol ou sont de nature politique. L’une d’elles, Erika Palacios, est la “première femme accusée de ‘loi contre la haine'”, une loi vénézuélienne édictée en 2017 qui vise à interdire tout discours allant à l’encontre du gouvernement.
Grâce à sa série, Ana María Arévalo Gosen espère mettre en lumière les horreurs vécues par ces femmes et les conséquences de ces décisions sur la société entière. Grâce à ses images, le sujet bénéficie en tout cas actuellement d’une résonance internationale. En plus d’être exposée à Visa pour l’image, la série a reçu le soutien des bourses Nikon et Pulitzer.
Des femmes condamnées pour des crimes liés au gang Barrio 18. Prison pour femmes d’Ilopango, à l’est de San Salvador, Salvador, mars 2021. (© Ana María Arévalo Gosen)
La série d’Ana María Arévalo Gosen est exposée au festival Visa pour l’image à Perpignan jusqu’au 11 septembre 2022. Vous pouvez retrouver la photographe sur Instagram.