Tâtant le bas de son ventre arrondi pendant qu’elle était évacuée, blessée, de la maternité dévastée de Marioupol, Iryna Kalinina, le visage pâle, lutte. L’image, mettant en lumière “le meurtre des futures générations d’Ukrainiens”, a remporté hier le premier prix du World Press Photo. “Miron”, qui tirait son nom du mot “paix”, est mort-né à la suite de la frappe aérienne russe, presque deux semaines après le début de l’invasion de l’Ukraine. Une demi-heure plus tard, sa mère, âgée de 32 ans à peine, mourait à son tour.
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Sa photo prise par Evgeniy Maloletka d’Associated Press “capture l’absurdité et l’horreur de la guerre”, a déclaré le jury du plus prestigieux concours de photojournalisme. Cet Ukrainien, qui a été l’un des rares photographes à y documenter le siège, a raconté avoir conduit jusqu’à l’hôpital sitôt après qu’un projectile l’eut touché et avoir vu des secouristes bénévoles transporter une femme sur une civière.
Iryna Kalinina (32 ans), une femme enceinte blessée, est transportée d’une maternité qui a été endommagée lors d’une frappe aérienne russe à Marioupol, en Ukraine, le 9 mars 2022.
“Pour moi, cette image, c’est l’image que je veux oublier. Mais je ne le pouvais pas”, a raconté M. Maloletka dans une vidéo diffusée sur le site du World Press Photo. “J’espère que tout le travail que nous avons fait aidera d’une manière ou d’une autre les gens à comprendre. Peut-être qu’il sera utilisé dans une affaire contre les crimes de guerre russes”, a-t-il ajouté.
Symbole de la résistance ukrainienne, la cité portuaire de Marioupol, dans le Sud-Est de l’Ukraine, a été assiégée et bombardée pendant de longues semaines par les forces russes au début de l’invasion. La frappe contre l’hôpital le 9 mars 2022, qui a fait trois mort·e·s et 17 blessé·e·s, avait immédiatement suscité des condamnations à travers le monde. Marioupol était finalement tombée en mai 2022 après une résistance acharnée. Selon Kyiv, elle a été à 90 % détruite et au moins 20 000 personnes y ont péri. L’Union européenne avait qualifié son siège de “crime de guerre majeur”.
Eaux troubles
Le World Press Photo a par ailleurs récompensé du prix “Histoire de l’année” le Prix de la Paix en Afghanistan, une série de neuf clichés de Mads Nissen, récompensé en 2021 pour la photo d’une étreinte pendant la pandémie. Ce photographe danois espère susciter, au-delà d’une prise de conscience, “un engagement avec les millions d’Afghans qui ont désespérément besoin de nourriture et d’aide humanitaire en ce moment”.
Le prix du projet “Long terme” a été décerné à la photographe arménienne Anush Babajanyan qui a mis en lumière les impacts de la mauvaise gestion d’eau après la fin du pouvoir de l’Union soviétique au Kazakhstan, en Ouzbékistan, au Kirghizistan et au Tadjikistan, aggravée par la crise climatique.
Quant à l’Égyptien Mohamed Mahdy, il a été récompensé pour ses images d’un village de pêcheurs en voie de disparition. Le travail des photographes sera exposé à partir du 22 avril à Amsterdam, où siège la fondation, avant d’être montré dans le monde entier.