Mardi soir, 19 h 30, des centaines de personnes se pressent pour entrer dans la mythique salle parisienne de La Cigale, sold out pour l’occasion, en vue d’un concert aux allures de festival. Au total, ce sont 12 artistes de la nouvelle scène rap français (Houdi, J9ueve, Bekar, Malo, Stony Stone, 8Ruki, Théodore, Wasting shit, BabySolo33, ThaHomey, Zaky et So La Lune), réunis sous la bannière de l’album multi-artistes LETS GO, sorti un mois auparavant, qui ont défilé les uns après les autres devant un public chauffé à blanc.
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À l’initiative, on retrouve deux beatmakers, PushK et Giovanni, basés en région parisienne, qui sont derrière les 14 sons de ce projet. À 26 et 27 ans, les deux producteurs ont mené LETS GO de A à Z, de la conception des prods, en passant par les enregistrements, jusqu’au mix, mais aussi pas mal d’organisation derrière la cover et cette date unique à La Cigale.
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La grande fête du rap émergent
Remplir cette salle d’environ 1 400 personnes, PushK et Giovanni ne l’auraient jamais imaginé au moment de se lancer dans cette aventure. Et pourtant, ils l’ont fait. En quelques petites semaines, les deux producteurs qui réalisaient leur premier concert ont vu les billets filer, balayant par la même occasion les inquiétudes de Giovanni : “L’ensemble des facteurs nous mettaient des doutes : le bac le lendemain, faire un concert en semaine avec plein d’artistes et donc différentes fanbases, le fait que l’on avait qu’un mois pour la remplir, qu’il faille trouver des dispos communes”. Pour PushK, comme pour son acolyte, ce concert à la Cigale représente la consécration du projet “au-delà des chiffres, c’est vraiment ça”.
Cette date sonne alors comme une réussite évocatrice et motivante : “On n’est pas les premiers beatmakers à le faire, Ghost Killer Track a aussi fait la Cigale et l’Olympia, mais je pense que ça donne un peu d’inspiration aux autres. Peut-être qu’ils se disent que ‘si eux le font, nous aussi on peut le faire’. On le voit aux USA où progressivement, les beatmakers sont considérés comme des artistes. En France, ça arrive”. Ce constat est partagé par Bekar, un des rappeurs présents sur LETS GO avec son titre “REFLET” : “Ça veut dire ce que ça veut dire. Les producteurs sont de plus en plus reconnus par le public, avant ils étaient un peu dans l’ombre et maintenant ils ont vraiment leur place, et ça fait plaisir de ouf”.
Les deux producteurs n’ont toutefois jamais voulu plus attirer la lumière sur eux que sur les autres artistes présents sur le projet. Si ces derniers se sont succédés en interprétant trois ou quatre morceaux chacun, dans un roulement parfaitement rodé, c’est bien dans l’ombre que Giovanni et PushK ont supervisé le bon déroulement des choses, avant d’apparaître à la fin du concert pour remercier tout le monde.
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De la genèse à l’aboutissement
Une alchimie musicale et amicale, c’est ce qu’on remarque très rapidement en échangeant avec les deux producteurs. Pourtant, PushK et Giovanni sont différents et cultivent cette différence sans se cacher. Le résultat : une complémentarité qui leur permet d’être actifs sur toute la chaîne de création d’un morceau, d’autant plus que PushK est aussi ingénieur du son. Les deux sont très attentifs à toutes les sorties, notamment aux projets des autres beatmakers, comme ceux de Twinsmatic, Ikaz Boi, Ghost Killer Track ou encore Abel31.
Au départ du projet, l’idée est simple : “Faire un petit EP pour se faire un nom en tant qu’artistes beatmakers”. Ils enregistrent alors plusieurs morceaux, comme celui de So La Lune et J9ueve, puis rencontrent le label Panenka, cofondé par Antoine Guéna (Fonky Flav, ancien membre du groupe 1995), qui donne de nouvelles ambitions au projet. Le PDG a vu tout de suite les choses en grand, en proposant un long format. “Sans Panenka, faire une Cigale ça aurait été impossible”, assure Giovanni. “Même pour la pochette, on n’aurait pas imaginé pouvoir faire un truc pareil, avec un jet privé et tout“.
Un an, c’est plus ou moins le temps qui sépare la genèse du projet jusqu’à sa sortie finale. Cette période de création intense a notamment permis à PushK et Giovanni de se connecter pour la première fois avec des artistes avec lesquels ils n’avaient jamais collaboré comme Malo, Théodore, ou encore Bekar. Ce dernier évoque leur rencontre : “On n’avait jamais bossé ensemble et c’est Fonky Flav qui m’en a parlé et m’a proposé d’être sur la tape. Ça s’est super bien passé et derrière, on s’est revus, on a refait du son ensemble assez régulièrement”.
La volonté de PushK et Giovanni dans ce projet était de s’adapter aux artistes, de “faire un vrai single pour chacun, en tirant le meilleur d’eux” comme l’expose Giovanni. “On a toujours été des touche-à-tout sur nos prods, sinon on s’ennuie”, poursuit-il. Notre but, c’est déjà de se faire kiffer, en testant des trucs sans se mettre de limites”. Ils avouent même avoir dû négocier avec certains artistes du projet pour ne pas laisser filer leur morceau sur un projet personnel.
Au final, le projet a su trouver son public et apparaît comme un projet abouti : “C’était au-dessus de nos attentes”, avoue Giovanni. “Quand le label nous a annoncé les stats, qu’on était rentrés dans le top France, jamais on aurait pensé un truc pareil. […] Les retours étaient très majoritairement positifs et on sent qu’on a réussi à tirer le meilleur de chaque artiste.”
Et maintenant ?
Acclamés par le public au terme de ce concert hors norme, PushK et Giovanni semblent achever l’aventure LETS GO de la plus belle des manières. Pour ce qui est de la suite… Ils souhaitent désormais plutôt “rester sur un artiste et faire un projet bien travaillé avec lui”, confie Giovanni, cependant, ils ne ferment pas la porte à un autre projet en tant que producteurs, encouragés par le succès du premier. “LETS GO, ça reste quand même une dynamique d’artistes émergents”, conclut PushK, “même s’il y en a qui sont plus ou moins avancés que d’autres, mais on aimerait bien le refaire […]. D’ici quelques années, si on retrouve une génération aussi big, aussi soudée et qu’on peut faire un LETS GO, ou sous un autre nom, direct !”
Article rédigé par Simon Dangien et Benjamin Mangot.