Tchernobyl continue de fasciner le monde. Pour les artistes, le sujet semble être une source d’inspiration infinie. En 2019, plus de trente ans après la catastrophe nucléaire, la série Chernobyl voyait le jour et remportait de nombreux prix (dont trois Emmy Awards et deux Golden Globes).
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C’est cette même fascination qui a poussé le photographe Raul Arantes à se rendre en Ukraine. Au contraire de ses confrères et consœurs, ce ne sont cependant pas les bâtiments délabrés et pillés des lieux qu’il a voulu immortaliser dans sa série Chernobyl. Ce sont plutôt les histoires des personnes qui ont décidé de demeurer dans un lieu abandonné, source de tant de scénarios et de fantasmes catastrophes.
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
L’artiste, qui raconte s’être mis à l’image pour sa passion de “créer des histoires”, a photographié et filmé ces résident·e·s d’un certain âge vivant dans un lieu à l’écart du monde. Rencontre avec Raul Arantes qui nous a parlé de sa rencontre avec ces visages et leurs histoires.
Konbini arts : Bonjour Raul, peux-tu nous en dire plus sur ce qui t’a décidé à réaliser ta série sur Tchernobyl ?
Raul Arantes : Il y a un moment, je suis tombé sur des reportages et des articles sur des personnes venues s’installer à Tchernobyl. Elles m’ont fasciné, même si le sujet est politiquement très sensible. Disons que j’étais plus curieux de la façon dont ces dernières vivaient leur vie que du désastre lui-même.
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
Quand es-tu allé à Tchernobyl pour la première fois ? Y es-tu allé plusieurs fois ?
Je n’y suis allé qu’une seule fois. C’était l’été, en 2014, pendant à peu près une semaine. Mais ce serait intéressant d’y retourner. Lors de ma visite, je passais chaque jour avec une ou deux personnes différentes, à visiter leur maison.
Y a-t-il des choses qui t’ont surpris une fois sur place ?
J’ai été vraiment surpris par la nature là-bas. J’y ai vu des animaux sauvages, et une faune et une flore très abondantes. Les paysages étaient calmes, verts et jaunes, il faisait bon et il y avait du soleil. Les arbres poussaient et la nature reprenait ses droits. Puisque la zone demeure inaccessible, la nature domine tout – l’homme n’interfère pas. Tout cela est très loin du scénario apocalyptique que tout le monde imagine.
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
Qui sont les “samosely” dont tu parles dans ton livre ?
Ce sont des gens qui ont soit refusé d’évacuer la zone, soit se sont secrètement réinstallés dans la région, à l’intérieur de la Zone d’exclusion de Tchernobyl – cette zone isolée d’un rayon de trente kilomètres autour de la centrale nucléaire. Je pense que la plupart des gens n’avait pas beaucoup d’options et a décidé de rester malgré tout.
“Ils partagent tous une certaine fierté de rester à l’endroit auquel ils se sentent liés.
Avant d’y aller, j’avais lu des choses sur le fait que les résidents se montraient hostiles face aux journalistes mais ce n’est pas du tout ce que j’ai vécu. Ils étaient très réceptifs et collaboratifs, ils m’ont ouvert leurs portes et communiquaient de façon très ouverte. La plupart des villageois survivent avec très peu de ressources, grâce aux légumes qu’ils font pousser – certains d’entre eux refusent l’aide du gouvernement.
Ils partagent tous une certaine fierté de rester à l’endroit auquel ils se sentent liés. Il flottait aussi un sentiment de gratitude, de se rencontrer et de parler de la vie. Et je pense que ça allait dans les deux sens, pour eux et pour moi qui écoutais leurs histoires.
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
Les mettais-tu en scène ou les prenais-tu en photo pendant que vous discutiez ?
Il n’y a aucune mise en scène, j’ai essayé d’immortaliser des moments d’interaction et le quotidien des personnes photographiées. Personne ne parlait anglais, évidemment. J’étais accompagné d’un traducteur qui connaissait bien les lieux et qui communiquait avec les gens. La plupart des villages sont vides avec des maisons pillées mais il arrive de tomber sur des gens quand même.
Ton approche était-elle davantage esthétique ou artistique ?
Je ne sais pas vraiment. […] C’est difficile à expliquer mais tout a influencé ce projet : la lumière, les gens, leurs histoires, les interactions. J’ai mis du temps à digérer l’expérience et à publier les images. Ce que tu vois maintenant, c’est la façon dont je me souviens de tout cela.
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
As-tu hésité avant de publier ta série ?
J’ai mis du temps avant de la publier, effectivement. Je n’avais pas vraiment l’ambition de la faire diffuser, bien que le trentième anniversaire de l’accident approchât. En plus de prendre des photos, j’ai filmé mes rencontres avec les villageois ainsi qu’une cérémonie religieuse qui avait lieu dans l’unique église de Tchernobyl.
Mais je n’ai jamais monté ces vidéos. Je voulais faire un documentaire. Peut-être que ça finira par arriver. Mais j’ai mis temps à trouver l’histoire que je voulais raconter, une histoire plus focalisée sur les gens.
“J’espère avoir capté un peu de l’essence de leurs vies et de leurs combats.”
Selon toi, que transmet ta série ?
Je pense que l’expérience est très subjective. Mais j’espère avoir capté un peu de l’essence de leurs vies et de leurs combats, quelque chose qui voit plus loin que la mémoire collective de l’endroit, un peu d’humanité.
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
“Chernobyl”. (© Raul Arantes)
Vous pouvez retrouver le travail de Raul Arantes sur son site.