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L’année dernière était un cru riche et beau, profitant de décalage de sorties des sorties de 2020 dû au COVID. Tout pouvait laisser penser que 2022 serait plus calme. Que nenni, c’est plutôt l’inverse. Que l’on soit friand de blockbuster ou de drames intimistes, il y avait de très belles propositions. De quoi satisfaire tout le monde, donc.
Après des heures et des heures dans les salles obscures ou devant l’écran de nos télévisions, les journalistes de la rédaction ciné, accompagné de membres d’autres services, délivrent leur top 10 des meilleurs longs-métrages de 2022.
Manon Marcillat
(© Ad Vitam / Tandem / CGR Events)
C’est le cinéma français qui nous a procuré nos plus belles émotions sur grand écran en 2022. On a ainsi versé nos plus chaudes larmes devant le cinquième film de Rebecca Zlotowski, le plus réussi et le plus sensible de sa filmographie, dans lequel elle filme les questionnements intimes de Rachel (magistrale Virginie Efira) au plus près pour interroger la notion de famille, le désir maternel et la cruauté du temps qui passe à deux vitesses pour les hommes et les femmes. Ce sont d’autres larmes, de rire et de joie, que l’on a versées devant L’innocent de Louis Garrel qui a réenchanté notre festival de Cannes par sa simplicité et son humilité bienvenues ainsi que ses révélations comiques insoupçonnées.
Trois premiers films très réussis ont également marqué nos rétines cette année avec en tête Falcon Lake de Charlotte Le Bon, un teen movie pudique à la lisière du fantastique et un magnifique récit d’apprentissage qui prend la forme d’une histoire d’amour et de fantôme aussi poétique que tragique. Toujours sur la Croisette, c’est Lise Akoka et Romane Gueret qui ont interrogé le plus frontalement le cinéma et sa responsabilité dans Les Pires, une fiction en immersion dans un tournage au cœur d’une cité de Boulogne-sur-Mer qui transforme en acteurs “les pires” enfants du quartier, sous le regard circonspect de ses habitants. L’ardeur des premières fois a également empli Entre les vagues, le premier film d’Anaïs Volpé et sa déchirante histoire d’amitié entre deux superbes comédiennes, Souheila Yacoub et Déborah Lukumuena, amies à l’écran comme à la ville.
Trois documentaires ont aussi conquis notre cœur cette année. Allons enfants et Qui à part nous, une incroyable fresque générationnelle de près de 4 heures, ont choisi de célébrer la jeunesse, sa fougue, sa passion et sa mélancolie tandis que Fire of Love documentait — entre superbes images d’archives, animation et interviews — l’étonnant triangle amoureux qui unissait le couple de vulcanologues français Maurice et Katia Krafft et leur passion incandescente pour les volcans.
Enfin, tuto make-up, appel Facetime et stories Instagram rythment le récit de deux pépites indépendantes du cinéma américain et suédois. Par le prisme de sujets d’apparence triviaux — le quotidien d’une influence sport dans Sweat et la soirée de fin d’année d’une école d’art dans The African Desperate — ces deux longs-métrages surprenants ont chroniqué une réalité bien plus trouble avec une originalité formelle remarquable.
- Les enfants des autres, de Rebecca Zlotowski
- Falcon Lake, de Charlotte Le Bon
- L’innocent, de Louis Garrel
- Fire of Love, de Sara Dosa
- The African Desperate, de Martine Syms
- Qui à part nous, de Jonás Trueba
- Les Pires, de Lise Akoka et Romane Gueret
- Entre les vagues, d’Anaïs Volpé
- Allons enfants, de Thierry Demaizière et Alban Teurlai
- Sweat, de Magnus von Horn
Arthur Cios
(© Amazon Prime / Netflix / Pathé Live / Le Pacte)
J’étais déjà amoureux du cru 2021, mais celui de 2022 n’a rien à lui jalouser — loin de là. Porté en tête par deux biopics de femmes massacrées par le patriarcat et le poids d’une industrie/monarchie les immobilisant. D’un côté, le très esthétique, étouffant et impressionnant Spencer de Pablo Larraín (qui avait déjà signé le superbe Jackie). De l’autre, le brillantissime bien que contesté Blonde d’Andrew Dominik — auteur spécialisé dans le récit de ces figures déchues.
2022 aura aussi l’été l’année où les “hypes”, les buzz entourant certaines sorties outre-atlantique, auront été à la hauteur des projets — ce qui est assez rare pour être souligné. On pense bien sûr à Everything Everywhere all at Once, mastodonte de débrouille SF d’une intelligence et d’une originalité rare, qui était un véritable évènement aux États-Unis, et à juste titre. Pareil pour The Green Knight, l’épopée arthurienne sur-esthétisante éblouissante de David Lowery (A Ghost Story), qui méritait tout ce brouhaha en ligne tant la claque fut immense. Ou même, d’une certaine manière, pour le fameux The Souvenir (en l’occurrence plus sa deuxième partie), de Joanna Hogg. Toutes des productions A24 (ou distribué par la plus “cool” des boîtes américaines).
Mais la hype ne se contente pas à du A24 un peu plus indé que les blockbusters. La pression était énorme sur les épaules de Matt Reeves et Robert Pattinson pour proposer un nouveau Batman loin des Ben Affleck et autres DCEU plus écœurant. Un exercice casse-gueule mais absolument réussi, sans l’ombre d’un doute. De même, dans une tout autre mesure, pour Nope, jusqu’ici le film le plus ambitieux du grand Jordan Peele.
Parce qu’il ne faut pas réduire les sorties de l’année qu’aux productions américaines, notifions deux longs présentés à Cannes (dans un Festival toujours aussi beau dans sa sélection), à savoir le plus puissants des films de Rodrigo Sorogoyen, As Bestas, et les trois heures de Benoît Magimel en grand commissaire de Tahiti qui nous roule sur la gueule sans crier gare dans Pacifiction : Tourments sur les îles — pas merci Albert Serra.
Mais la pépite qui nous a vraiment pris de court, que l’on n’avait pas vu venir du tout, est ce documentaire de Sara Dosa, Fire of Love, sur les Kraft, couple de volcanologue français parmi les plus importants de leur profession. Un film qui rappelle que la fiction ne pourra jamais reproduire la beauté de la nature et du réel, et qui sous prétexte de parler de volcan, parle d’un amour d’une splendeur sans nom.
N’écoutez pas les rageux qui ne parlent que de Top Gun ou Avatar, aussi bons que soient ces deux blockbusters : 2022 était une grande année pour le cinéma ; une fois encore.
- Spencer, de Pablo Larraín
- Blonde, d’Andrew Dominik
- Everything Everywhere All at Once, de Daniel Scheinert et Daniel Kwan
- As Bestas, de Rodrigo Sorogoyen
- Fire of Love, de Sara Dosa
- The Green Knight, de David Lowery
- The Souvenir Pt. 2, de Joanna Hogg
- The Batman, de Matt Reeves
- Nope, de Jordan Peele
- Pacifiction : Tourment sur les îles, d’Albert Serra
Adrien Delage
(© Warner Bros. / Kinovista / Haut et court)
À l’image de 2022, ce top est assez sombre et composé de héros et d’héroïnes qui symbolisent la période que l’on traverse : la tyrannie du patriarcat, le renfermement social voire le désespoir total. Même un sourire devient un signe d’horreur et de souffrance dans le film de Parker Finn. Mais il y a une lumière au bout du tunnel comme le remarque Bruce Wayne à la fin du Batman de Matt Reeves, nouvelle incursion bluffante dans le monde du Chevalier noir, où une Gotham crasse et lugubre nous a conquis.
La notion d’enfermement revient aussi régulièrement, comme le Don’t Worry Darling d’Olivia Wilde, plus reconnu pour les mèmes de Chris Pine autour de la discorde dans les coulisses que pour ses qualités. On reste pourtant hypnotisé par la performance de Florence Pugh, qui gravit les échelons de Hollywood à une vitesse folle ces dernières années. On pense aussi à la troupe du Menu coincée aux griffes en inox du glaçant chef incarné par Ralph Fiennes, thriller d’humour noir qui veut littéralement expier les péchés de la surconsommation et de l’humanité. Succulent, si vous aimez le vice et une mise en scène très théâtrale.
Cette année, on a pu découvrir quelques pépites de genre comme le fameux X de Ti West, qui vient placer sous les projecteurs une nouvelle scream queen (Mia Goth) à travers un film d’horreur épatant, qui explore la sexualité des seniors. Enfin, on voulait quand même saluer le cinéma d’animation avec Alerte rouge, le meilleur film Pixar de cette année (n’en déplaise aux fans de Buzz l’Éclair). Une histoire de coming of age bienveillante, intelligente et solaire, qui apporte quelques bribes de soleil dans une année aussi noire que La Nuit du 12 de Dominik Moll, thriller franco-belge poignant et important sur les féminicides.
- Don’t Worry Darling, d’Olivia Wilde
- The Batman, de Matt Reeves
- X, de Ti West
- La Nuit du 12, de Dominik Moll
- The Northman, de Robert Eggers
- Top Gun: Maverick, de Joseph Kosinski
- Le Menu, de Mark Mylod
- Black Phone, de Scott Derrickson
- Alerte rouge, de Domee Shi
- Smile, de Parker Finn
Donnia Ghezlane-Lala
(© Wild Bunch/Metropolitan FilmExport/KMBO/Diaphana)
En année paire qui se respecte, 2022 fut globalement décevante dans les salles obscures, à mon humble avis. Pourtant, l’année a commencé avec éclat, grâce à Nos âmes d’enfants et Licorice Pizza, deux bouleversantes histoires d’amour et de filiation, avant de retomber comme un soufflet.
Les films attendus ne répondaient que peu à mes douloureuses espérances, malgré quelques surprises sur la route comme le drôle d’Innocent, le jubilant Triangle of Sadness, l’absurde Everything Everywhere All At Once, l’étrange Innocents, le fascinant Nope, le triste Vortex, le glacial Saint Omer et l’hypnotisant Moonage Daydream.
R.M.N., œuvre sociale sur la montée de l’extrême droite dans un village roumain, et As Bestas, thriller paysan, m’ont également profondément marquée, et j’y pense encore. Mais si ces deux films ne figurent pas dans cette liste, c’est tout simplement parce que j’ai préféré, égoïstement, célébrer des films autour de l’enfance, de l’identité, de la maternité, de la famille et surtout, de l’amitié – des thèmes qui ont jalonné mon année, et sûrement un peu la vôtre aussi.
Memory Box, qui retrace une jeunesse durant la guerre du Liban, Armageddon Time, sur une amitié entre un enfant juif et un enfant noir aux États-Unis, et Licorice Pizza seraient d’ailleurs aux places suivantes si j’avais pu faire un top 13, mais le patron du cinéma ne voulait pas, malgré mes négociations. L’ordre est assez simple : la quantité de larmes déversées est mon seul indicateur.
- Ninjababy, de Yngvild Sve Flikke
- Nos âmes d’enfant, de Mike Mills
- Entre les vagues, d’Anaïs Volpé
- Close, de Lukas Dhont
- Un monde, de Laura Wandel
- Fire of Love, de Sara Dosa
- Allons enfants, de Thierry Demaizière et Alban Teurlai
- After Yang, de Kogonada
- Babysitter, de Monia Chokri
- The African Desperate, de Martine Syms
Aurélien Chapuis (sans classement)
(© Paramount / Warner Bros. / Netflix)
Comme tous les ans, j’ai vu beaucoup de films de toutes les périodes possibles et assez peu de l’année en cours finalement. Le gros coup de cœur parce qu’une belle surprise et un défi technique fou, c’est forcément (encore) Tom Cruise et la renaissance de la franchise Top Gun, envers et contre tous. Un beau pied de nez au temps qui passe et encore une fois au mantra : l’âge n’est qu’un nombre.
J’ai aussi beaucoup aimé des petits films qu’on pourrait qualifier de mineurs mais dont je me délecte énormément comme ce Kimi de Soderbergh, dont j’aime la folle production créative de ces dernières années. C’est brutal, direct, plein de trouvailles, un Fenêtre sur cour version paranoïa de la pandémie actuelle, très beau. Très beau aussi l’action folle et géniale de Everything Everywhere All at Once, celle plus convenue mais très satisfaisante de Bullet Train (Leitch, j’adore) ou même celle électrique et dégoulinante d’Elvis. Tous ces films sont imparfaits mais c’est dans leurs fêlures que se trouve ce que j’aime le plus : du cinéma.
La nouvelle version d’A l’ouest, rien de nouveau m’a bien porté aussi pour sa vision particulièrement noire de la vie du soldat et son implacable destinée. Implacable aussi Le Menu ou ce Glass Onion peut être meilleur que le premier, rebattant les cartes du thriller pour l’un et du whodunit pour l’autre. Enfin, coup de cœur pour deux films que tout le monde va oublier en 2023 : le passionné Haut du panier d’Adam Sandler en agent de joueur de basket un peu paumé qui cherche le vent qui tourne et le magnifique Entergalactic de Kid Cudi qui ne raconte absolument rien mais de la plus belle des façons. 2022, une année esthétique avec du panache. Car c’est la seule chose qui compte.
- Top Gun: Maverick, de Joseph Kosinski
- Kimi, de Steven Soderbergh
- À l’ouest, rien de nouveau, d’Edward Berger
- Le Haut du panier, de Jeremiah Zagar
- Bullet Train, de David Leitch
- Elvis, de Baz Luhrmann
- Everything Everywhere All at Once, de Daniel Scheinert et Daniel Kwan
- Entergalactic, de Fletcher Moules
- Glass Onion : Une histoire à couteaux tirés, de Rian Johnson
- Le Menu, de Mark Mylod
Un article coécrit par Aurélien Chapuis, Arthur Cios, Adrien Delage, Donnia Ghezlane-Lala et Manon Marcillat.