On peut le dire : 2020 aura été une belle année de merde, et George Abitbol aurait été amplement d’accord avec nous. Une année dont on n’oubliera pas les conséquences, qu’elles soient physiques ou psychologiques. Une année dont on retiendra non seulement les néologismes sanitaires mais aussi les images anormales, l’une d’entre elles étant la fermeture des lieux de culture, et notamment des salles de cinéma.
Ce bordel a entraîné la transformation imposée et soudaine d’une industrie du septième art aux abois, de Disney qui en vient à privilégier des sorties en streaming de ses nouveaux films à la Warner qui fera de même en 2021 à travers HBO Max, en passant par un gouvernement français qui a préféré choisir la consommation à la culture, comme si l’art était un domaine hors-sol et loin de tout enjeu économique.
Heureusement, le cinéma surnage tant bien que mal, des films chanceux sont sortis en salles au cours d’un été salvateur et, “en même temps”, il a fallu s’habituer à voir des longs-métrages sur des écrans dont la taille se comptait désormais en pouces plutôt qu’en mètres.
Des films qui nous ont touchés en plein cœur, plongés dans le monde des paris en tout genre, téléportés en 1985, ligotés aux basques d’un soldat de la Grande Guerre, hacké notre cerveau à travers des fils scénaristiques labyrinthiques remontant le temps, fait danser sur une bande-son de Nicolas Jaar, émus au contact d’une bande d’amis en quête d’ivresse et de bonheur ou fait embrasser un quartier de Staten Island rassemblant en son sein des talents incroyables.
C’est dans ces moments-là qu’on n’a jamais été aussi amoureux du septième art, tant il nous a permis de renouveler notre regard, de découvrir de nouvelles cultures, de faire fonctionner notre imagination si prompte, ces derniers mois, à s’enfermer dans une réalité sanitaire excessivement angoissante. L’année étant désormais bientôt écoulée, place à nos films préférés, journaliste par journaliste.
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Lucille Bion
C’est avec une certaine frustration que les journalistes hiérarchisent leur top 10 de cinéma cette année puisqu’il faut faire l’impasse sur de magnifiques et ambitieux films qui ne sortiront, au mieux, qu’en 2021. Heureusement, il y a sans hésiter Mank de David Fincher qui se démarque en retraçant, avec un angle innovant, l’histoire d’une des plus grandes histoires du cinéma.
Vu le nombre de fois où l’on a passé “What a Life” dans nos oreilles sobres et alcoolisées cette année, il est évident que Drunk mérite la deuxième place. Avec cette déclaration d’amour à l’irrationalité, il y aurait fort à parier que Mads Mikkelsen aurait eu le prix d’interprétation à Cannes.
Et puisque l’on évoque les révélations et les prestations de l’année, citons Pete Davidson pour le semi-autobiographique The King of Staten Island mais aussi Awkwafina et Lulu Wang pour la comédie douce-amère L’Adieu ou encore Benjamin Voisin, qui crève l’écran dans le solaire Été 85 d’Ozon.
<em>Queen and Slim</em>
Entre deux vagues de confinement, on a pu apprécier l’audace hypnotisante de Lux Æterna, mourir de rire devant Tout simplement noir et retrouver un semblant de poésie avec Garçon chiffon. Si, en apparence, aucun de ces films ne se ressemble, ils ont tous eu une vertu thérapeutique à court terme, de quoi soigner tous nos maux de 2020.
1. Mank
2. Drunk
3. The King of Staten Island
4. L’Adieu
5. Été 85
6. Lux Æterna
7. Les Filles du docteur March
8. Queen and Slim
9. Garçon chiffon
10. Tout simplement noir
Arthur Cios
L’année commençait pourtant assez bien. Avec Adam Sandler chez les frères Safdie pour Netflix, le fameux faux plan-séquence de Sam Mendes dans les tranchées, Taika Waititi en Hitler imaginaire ou même Awkwafina en voyage pour aller voir sa grand-mère mourante (mais qui ne le sait pas), on a eu un mois de janvier cinéphile assez dingue. Mais la crise sanitaire a tout mis en branle.
Sauf que, autant les mois de confinement et les salles fermées ont tout chamboulé, autant le décalage de gros blockbusters a permis à d’autres plus petits films d’exister, Ema et Drunk en tête de lice. La Communion aurait pu passer à la trappe, sorti juste avant le premier confinement. Mais s’agissant de l’une des propositions cinématographiques les plus fortes de l’année, il a fait parler de lui – pas assez, mais tout de même.
<em>Ema</em>
La fin 2020, marquée par la fermeture des cinémas pendant plus de deux mois, sera ponctuée par deux sorties en grande pompe sur plateforme, Mank de David Fincher (Netflix), et Soul de Pete Docter (Disney+), pour ne citer qu’elles. Mais la vérité est que malgré l’apparente pénurie, plein d’autres titres marquants sont sortis cette année. Des pépites qui méritent tout autant votre attention, des pépites qui feront taire ceux qui disent que 2020 fut une année maigre côté septième art.
1. Drunk
2. Mank
3. Ema
4. Uncut Gems
5. La Communion
6. Tenet
7. Soul
8. 1917
9. L’Adieu
10. Jojo Rabbit
Aurélien Chapuis
En 2020, il n’y a qu’un seul film de mon top 10 que j’ai vu au cinéma : 1917. Et il le méritait bien, les films de guerre sont toujours plus impressionnants en grand car de plus en plus techniques. J’aurais aimé y voir aussi Assiégés (The Outpost), deuxième meilleur film de guerre de 2020, avec notamment Scott Eastwood, le fils de Clint, et un Orlando Bloom bien bluffant.
À côté de cela, les sorties directes sur plateforme ont donné plus de latitude à certains réalisateurs. Le dernier Spike Lee est aussi un film de guerre, mais surtout un étrange mélange entre Le Trésor de la Sierra Madre, De l’or pour les braves et Platoon. Le résultat n’est pas exempt de problèmes mais offre une vision sincère sur la communauté afro-américaine dans l’Amérique d’aujourd’hui, et son passé au Vietnam. Le casting est incroyable, il y a même Jean Reno avec une casquette MAGA. Mais les frères Sadfie ont fait encore plus fort et plus électrique avec Adam Sandler et l’indéfinissable Uncut Gems, une chute vertigineuse où toute la vie n’est qu’un pari. Le choc de l’année.
Le côté direct en VOD m’a aussi donné accès aux films indépendants comme Charm City Kings, qui ausculte les jeunes bandes à motocross de Baltimore, comme une version de The Wire avec les pots d’échappement en plus. Et Meek Mill. Cette tendance m’a aussi offert Le Gang Kelly, film très didactique qui raconte toute une épopée criminelle australienne au XIXe siècle avec Russell Crowe et Charlie Hunnam. Un régal.
<em>Dark Waters</em>
Mais ce côté plus intimiste du cinéma dans son salon m’a aussi permis de rentrer dans des films plus procéduriers, des mélanges d’enquêtes et de tribunaux, de paperasses et de plaidoiries. C’est le cas pour les très bons Dark Waters avec un Mark Ruffalo intouchable, Bad Education avec un Hugh Jackman au top et le film choral d’Aaron Sorkin Les Sept de Chicago. Ces films m’ont marqué pour leurs dialogues (surtout chez Sorkin, toujours excellents), leurs rythmiques incroyables et leurs narrations parfois académiques mais très fortes.
Ce côté intimiste m’a aussi donné l’occasion de découvrir le très bon The Vast of Night, qui se consomme presque comme un podcast, où l’audio est roi dans les années 1950. Sans oublier un magnifique plan-séquence pour se mettre dans le bain, comme si on était présent, juste là, sans introduction. Un premier film qui ne te prend pas par la main (enfin).
C’était aussi le moment parfait pour appréhender le surprenant Color Out of Space avec Nicolas Cage, adaptant une nouvelle hallucinée d’H. P. Lovecraft dans notre monde moderne. Quoi de plus actuel que Lovecraft. Guerre, tribunal, fantastique, gang australien ou bande à moto, 2020 fut une belle année de films de genre, à consommer tranquillement dans son salon, accroché aux bras du canapé.
1. Uncut Gems
2. 1917
3. Dark Waters
4. The Vast of Night
5. Les Sept de Chicago
6. Charm City Kings
7. Da 5 Bloods
8. Color Out of Space
9. Le Gang Kelly
10. Assiégés
Donnia Ghezlane-Lala
On commence l’année 2020 par un Adieu, un adieu qu’on aurait préféré effectif, pour ne jamais avoir à la vivre. Dans ce film bouleversant, Billi dit au revoir à sa grand-mère malade, en toute pudeur, et opère un retour aux racines, en Chine. Cette œuvre signée Lulu Wang, aussi douce que triste, a trouvé un écho rare et tout particulier auprès des familles dont le passé est marqué par des histoires d’immigration. Et Awkwafina y est magistrale.
Peu avant la fin du monde, deux films ont également su tirer leur épingle du jeu, de justesse, avant la fermeture des salles : Swallow et Adam, mettant en scène des femmes prisonnières de leur maison et d’injonctions, qui s’affranchissent dans la défiance ou la solidarité.
<em>L’Adieu</em>
Puis, c’est encore une histoire de séparation et de déchirement qui nous a secoué·e·s, de foyer en foyer, d’éducateur en éducateur ; Benni, endossée par la jeune actrice Helena Zengel, a tambouriné nos cœurs. Ema, l’ovni du déconfinement d’une beauté photographique sans nom, est tombé pile pour l’été, pour nous réveiller, nous faire danser, nous exciter. La délicatesse d’Eva en août ; la poésie de Kajillionaire (et de ses toilettes-cosmos) ; l’éprouvant Never Rarely Sometimes Always ; et le suffoquant Madre (avec sa sublime scène d’ouverture en plan-séquence) ont achevé avec brio notre torpeur estivale.
Pour la rentrée des classes, et un semblant de retour à la normale, Adolescentes a agi comme un crève-cœur, nous faisant presque regretter nos premières fois, nos peines et émois juvéniles, certes, mais intenses. L’année n’était franchement pas au beau fixe pour l’industrie du cinéma. Mais il faut se dire que rien n’empêchera les spectateur·rice·s de salles obscures de ressentir, pleurer, s’émouvoir devant des films. Rien, même pas 2020.
1. L’Adieu
2. Benni
3. Ema
4. Adolescentes
5. Never Rarely Sometimes Always
6. Kajillionaire
7. Adam
8. Madre
9. Swallow
10. Eva en août
Louis Lepron
Avec un peu de recul, 2020 au cinéma semble avoir été le meilleur guide pour se sortir d’une année exceptionnelle. Et c’est à travers des portraits de protagonistes, terme cher à Nolan, qu’on s’est identifié, dans des temporalités nostalgiques (Play), troublées (Drunk, The Way Back), culturelles (L’Adieu) ou imbriquées (Tenet). Il fallait retrouver son amour d’enfance, aider un pote en détresse, se rapprocher de sa famille, et même éviter un effondrement annoncé du monde.
De New York (The King of Staten Island) à l’Ohio (Queen and Slim) en passant par la Pennsylvanie (Never Rarely Sometimes Always), les récits venus des États-Unis étaient aussi divers que sensibles, personnels qu’universels et avaient tous un point commun : la puissance de leur honnêteté.
<em>The King of Staten Island</em>
Enfin, à la manière d’un Boyhood (Richard Linklater) qui aurait croisé Un samedi soir en province (documentaire culte réalisé par Gazoil et Jean-Michel Destang), Adolescentes de Sébastien Lifshitz a aussi souligné le souffle cinématographique que pouvait procurer une histoire vraie. Celle d’Emma et Anaïs, de leurs 13 ans à l’obtention de leur bac, amies de collège rattrapées par les aléas de la vie et de leurs conditions sociales. Cinq années qui défilent à l’écran en un peu plus de deux heures pour mieux nous ramener des années en arrière. 2020, l’année du recul sur nous-même ? Le cinéma en aura été le miroir.
1. The King of Staten Island
2. Uncut Gems
3. L’Adieu
4. Drunk
5. The Way Back
6. Queen and Slim
7. Never Rarely Sometimes Always
8. Adolescentes
9. Tenet
10. Play
Manon Marcillat
Si l’année 2020 aura effectivement été amputée d’une bonne partie de ses sorties cinéma, ce régime forcé aura également permis à certains très bons films de briller encore plus qu’à l’accoutumée. Et de bons films, il y en a eu, à commencer par Ema de Pablo Larrain, son dernier film incandescent sorti de façon très confidentielle à la fin de l’été. Si nous avons toujours aimé le cinéma du réalisateur chilien, Ema est son coup de maître et notre coup de cœur de l’année.
Dans un registre tout à fait différent, nous avons également beaucoup pleuré devant Adieu les cons, la dernière création du génial Dupontel qui a signé le meilleur démarrage en salles de sa carrière. Nous ne fûmes donc visiblement pas les seuls à avoir été séduits par cette comédie romantique et burlesque interprétée à la perfection, décalée mais parfaitement maîtrisée.
<em>Waves</em>
Les spectateurs français auront eu un privilège cette année : celui de pouvoir apprécier le dernier film de Judd Apatow au cinéma. Alors que le travail du “King of Comedy” est très sous-estimé en France, nous sommes pourtant un des rares pays à avoir pu rire et pleurer devant The King of Staten Island sur écran géant. Et 2020 a signé à la fois le grand retour et le grand renouveau du cinéaste, ravissant l’inconditionnelle de la patte Apatow qui sommeille en nous.
Un remerciement à Netflix est de rigueur car si la plateforme nous a inondés de films à la qualité mitigée, elle a également démarré cette année sur les chapeaux de roues en catapultant Adam Sandler dans l’univers survolté des frères Safdie. En 2020, notre “Sandman” préféré a quitté sa zone de confort et sa pelletée de mauvaises comédies pour enfin être apprécié à sa juste valeur dans ce rôle de sublime loser qui porte à bras-le-corps l’explosif Uncut Gems. Toujours du côté des plateformes, les studios Pixar ont quant à eux injecté toute la poésie dont ils sont capables sur Disney+ avec Soul, leur dernière pépite.
C’est certainement l’absence de contact humain et de soirées alcoolisées qui a parlé pour nous, mais Drunk avec son final déjà légendaire demeure un de nos meilleurs moments de cinéma cette année, tandis que les très beaux Waves, Queen and Slim et L’Adieu auront été au rendez-vous pour réenchanter ce cru 2020 grâce à leur ton, leur vision et leur originalité.
Enfin, nous ne pouvons conclure ce top sans évoquer le travail du cinéaste français Sébastien Lifshitz qui nous a livré deux documentaires bourrés d’humanité à quelques mois d’intervalle pour nous plonger dans l’enfance transgenre de Sasha et l’adolescence plus classique mais bouleversante d’Emma et Anaïs. Le poncif “il n’y a jamais rien au cinéma” ne sera donc pas accepté cette année non plus.
1. Ema
2. Adieu les cons
3. The King of Staten Island
4. Uncut Gems
5. Drunk
6. Waves
7. Queen and Slim
8. Adolescentes
9. L’Adieu
10. Soul
Émilie Papatheodorou
Tout avait commencé sous les meilleurs auspices, puisque les frères Safdie ouvraient le bal en beauté dès janvier. Avec Uncut Gems, joyau du cinéma indépendant, le duo new-yorkais a offert à Adam Sandler l’écrin qu’il méritait, et prouvé qu’il n’était pas juste un acteur de comédies américaines franchement médiocres. On attendait ça depuis Punch-Drunk Love, en 2002 (si, si).
D’un Drunk à l’autre, il n’y a qu’un pas. Avant la disette actuelle, on a eu la chance de voir en salles le dernier film du toujours si nuancé réalisateur danois Thomas Vinterberg. La scène finale est simplement inoubliable ; Mads Mikkelsen s’y révèle d’une sensualité envoûtante. De quoi nous faire bondir de notre fauteuil de cinéma pour rentrer dans la danse. Même montée d’émotions devant Adieu les cons, l’ovni poético-punk d’Albert Dupontel, où l’on sent planer le surréalisme de son mentor Terry Gilliam.
<em>Uncut Gems</em>
C’est aussi une grande année pour le documentaire français. Dans ce palmarès de cœur, on retrouve Petite fille, un film bouleversant sur la notion du genre, un sujet qui traverse déjà tout le début du XXIe siècle. Dans un tout autre style, La Cravate a de quoi surprendre par sa forme. On n’est pas loin d’une version française d’American History X racontée par Christophe Honoré. Qui pensait possible de raconter à la sauce Nouvelle Vague l’histoire d’un ancien skin passé au Rassemblement national ? Pas nous en tout cas.
2020, année ratée, mais année engagée ? Oui, et Tout simplement noir excelle dans un registre rarement exploré en France. On n’est pas loin de ce que peut faire Sacha Baron Cohen avec ce sentiment d’assister à une performance live qui secoue nos entrailles, pour aborder et saborder le racisme. Il est impossible de tous les citer, et pourtant ils nous ont tous fait vibrer !
1.Uncut Gems
2. Drunk
3. Petite fille
4. The King of Staten Island
5. La Cravate
6. Dark Waters
7. Adieu les cons
8. Les Sept de Chicago
9. Tout simplement noir
10. Tenet
Rachid Majdoub
1. The King of Staten Island
2. Drunk
3. 1917
4. Uncut Gems
5. Tenet
6. Da 5 Bloods
7. Mank
8. Jojo Rabbit
9. Dark Waters
10. The Platform