Le rappeur et chanteur Russ a provoqué de vives réactions suite une série de tweets qu’il a faite concernant l’industrie musicale et plus particulièrement le journalisme musical. Tout a commencé le 12 octobre dernier lorsque Russ a tweeté un long pavé dans lequel il expose ses soucis avec l’état du journalisme musical :
À voir aussi sur Konbini
“Les journalistes respectés veulent que les artistes leur accordent des interviews (ce qui est logique), mais voici le problème :
1. La plupart des journalistes n’ont pas leur propre plateforme, ce qui oblige en quelque sorte l’artiste à financer et à produire lui-même l’interview (je l’ai fait parce que j’en vois la valeur, mais je comprends qu’un artiste ne veuille pas payer pour sa propre interview)
2. Naturellement, en tant qu’artistes, nous avons des choses à dire et nous voulons que ce que nous avons à dire atteigne le plus grand nombre de personnes, donc aller là où se trouvent la majorité des regards des gens (streamers, etc.) est attrayant
3. Personne ne se soucie plus de LIRE les interviews dans les magazines. Les interviews vidéo sont reines et les interviews vidéo coûtent de l’argent (voir point 1)
4. En réalité, la seule solution est que les journalistes, comme tout le monde, doivent construire leur marque/base de fans et se faire un nom afin de pouvoir attirer les artistes sur leur plateforme OU les artistes investissent simplement de l’argent dans la production de leurs propres interviews avec des journalistes respectés et les mettent sur leur propre plateforme (je l’ai fait avec B Dot plusieurs fois)”
Chargement du twitt...
“Vous êtes journaliste, votre carrière n’existe pas sans les artistes”
La journaliste Najma Sharif Alawi est entrée dans la discussion en répondant de façon un peu bousculante : “Russ tweete comme s’il avait du talent. Je ne peux m’empêcher de rire. Quel journaliste se précipite pour interviewer RUSS ?” Ce à quoi Russ a répondu (et c’est là que ça devient intéressant) : “Vous êtes journaliste. Votre carrière n’existe pas sans les artistes, les athlètes ou toute autre personne sur laquelle vous écrivez. Ma vie (et celle de tous les artistes) et ma carrière existent sans vous tous. Vous devenez trop audacieux ici et vous oubliez le rôle que vous jouez réellement dans le grand schéma des choses. Votre travail consiste à rester sur la touche et à attendre que les autres fassent des choses pour que vous puissiez avoir un emploi. Détendez-vous.”
Chargement du twitt...
Cet échange pimenté a mis un coup de pied dans la fourmilière et provoqué une fulgurance de débats, tweets et Spaces conversationnelles sur le sujet. Les journalistes ne sont-ils vraiment “rien” sans les artistes ? Bien évidemment que non. Un journaliste raconte des histoires, nuance, précise, met en lumière, crée des ponts, observe et transmet. Même si les artistes arrêtaient de donner des interviews, cela n’empêcherait pas un journaliste de parler de sa musique et de LA musique. Il existe une grande confusion autour du rôle de journaliste aujourd’hui, et l’une des erreurs les plus courantes est de confondre le journalisme avec le marketing. Aujourd’hui, de nombreuses interviews, qui devraient être des moments d’échanges sincères et de réflexions critiques, se transforment souvent en vitrines publicitaires pour promouvoir un projet. Cette dérive pousse à croire que si les artistes se détournent des plateformes journalistiques traditionnelles, le métier de journaliste pourrait devenir obsolète.
Nous sommes dans une ère où les plateformes se multiplient, les artistes ont un large choix de plateformes pour parler de leur art et peuvent ainsi privilégier d’aller chez des streamers, youtubeurs ou influenceurs pour “aller là où se trouvent la majorité des regards” pour reprendre ce que dit Russ dans son tweet initial. Même si ce signal peut inquiéter, le journalisme évoluera avec ces nouvelles dynamiques et gardera toujours sa pertinence. Le journalisme, contrairement à la promotion, a une fonction essentielle : celle d’analyser, de questionner, d’apporter un éclairage nouveau et, parfois, de susciter des débats. Il ne se limite pas à la simple mise en avant d’un produit ou d’un artiste. Même si le paysage médiatique évolue, avec l’essor des influenceurs improvisés journalistes et du contenu sponsorisé, le rôle du journaliste ne peut être remplacé.