Le monde des séries françaises accueille un véritable ovni qui a tout pour trouver son public : un condensé d’action, de flingues et de véritables patronnes de la baston qui évoluent dans un Paris aussi familier qu’impitoyable, le tout porté par l’attachante Lina El Arabi, le charismatique Mathieu Kassovitz et Marina Foïs, dans un rôle où on ne l’attend pas – et qui impressionne comme “une bombe atomique”, c’est l’actrice Lina El Arabi qui le dit.
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Alors qu’elle a évolué dans le cinéma d’auteur mais aussi au théâtre, Lina El Arabi crée la surprise dans un rôle à grande échelle, au cœur d’une superproduction Netflix qui ne s’interdit rien, et use de spectacle et d’explosivité pour mieux raconter cette extraordinaire épopée mafieuse qui nous rappelle que la France se donne enfin le courage et les moyens de proposer une série d’action musclée, “comme les Américains”, comme Lina a à cœur de nous rappeler.
Rencontre avec l’actrice de ta nouvelle série de flingues préférée.
Konbini | Après le cinéma d’auteur et le théâtre, on te retrouve dans une superproduction Netflix, dans une série d’action aux côtés de Marina Foïs et Mathieu Kassovitz. Quand on voit les mots “superproduction Netflix”, on peut vite s’imaginer que le spectacle et les effets spéciaux vont l’emporter sur le jeu. T’avais peur de ça ?
Lina El Arabi | Tu veux rire ? Justement, c’est tout le contraire ! La base de cette série, comme dans un film d’auteur, c’est la sincérité. Sauf qu’on s’autorise carrément à pousser le jeu plus loin, car on veut qu’il soit au niveau des choses qui sont racontées et qui sont mises en place et qui sont toutes extraordinaires. Mais le jeu passe avant tout.
Cédric Nicolas-Troyan, qui réalise les premiers épisodes de la saison, utilisait souvent la même “métaphore de la boutique” : il fallait que l’intérieur de la boutique soit à la hauteur de la vitrine. Ici, la vitrine, c’est les cascades, les crop tops, les flingues et les explosions, et l’intérieur de la boutique, c’est le jeu, le talent fou de ces acteurs et actrices incroyables.
Une série d’action à la française, sur papier, ça t’a fait peur ?
Non, justement ! J’attendais depuis longtemps une proposition différente. On est dans un milieu qui a tendance à enfermer ses acteurs et actrices dans des rôles ou des schémas qui se répètent. Moi-même, je suis dans ce milieu depuis assez longtemps pour avoir subi ça.
Avec Furies, j’ai enfin eu droit à un rôle rafraîchissant, et je n’ai pas hésité une seconde. Je suis contente de voir que la France s’autorise la fiction comme les Américains : sans trop se prendre au sérieux, mais en le faisant bien. La seule condition pour que je participe, d’ailleurs, c’était que ce ne soit pas ridicule.
Comment ça ?
Avec ce genre de registre, dans l’action, c’est facile de tomber dans quelque chose de cheap, ou de pas assez abouti. Mais j’ai justement compris assez tôt que ce n’était pas le cas ici, j’ai suivi une formation intensive, avec notamment un coordinateur de cascades de renommée internationale, Jude Poyer. J’avais des doublures incroyables aussi. J’ai bénéficié d’un accompagnement poussé de Frédéric Mompo, quintuple champion du monde de culturisme.
Donc avant le tournage, rien qu’avec la préparation physique qu’on m’a donné l’occasion de suivre, je savais où je mettais les pieds, et j’avais entièrement confiance en toute l’équipe quant à la gueule que ça allait avoir au final.
Tu avais hâte d’expérimenter un rôle “de corps”, qui convoque une performance tant dans le jeu que dans le physique ?
Oui, j’avais hâte de pouvoir aller plus loin avec mon corps. Ce n’était pas un luxe de pouvoir travailler mon corps, c’était un devoir. Il fallait que ce que mon personnage incarne et défend passe d’abord par sa manière de se présenter, et je ne parle pas seulement d’apparence. C’était surtout une question de posture, de la façon dont j’occupais l’espace avec mon corps. Ces trois mois de préparation physique avec Fred Mompo m’ont été indispensables et précieux pour développer ça.
Et tu continues de suivre ce mode de vie ?
À ma grande surprise, oui ! Je pensais que, dès que la série serait finie, j’allais abandonner, mais j’ai continué mes cinq séances de sport par semaine. Par contre, j’ai recommencé à manger normalement, parce que les légumes sans glucides, ça va deux minutes. [rires]
Qu’est-ce qui t’a intéressée dans le rôle de Lyna ?
Comme dans la plupart de mes rôles, il y a une dimension mythologique dans ce personnage, dans le sens où elle essaie de dépasser un certain déterminisme. Elle a une espèce de complexe d’Œdipe qui fait qu’elle essaie de s’éloigner de ses parents et de leur trajectoire de vie, mais tout la ramène à cet héritage. Ça m’a rappelé le concept de “pousser-tirer” qu’un de mes profs de clown m’avait appris à l’époque : c’est le fait qu’un personnage se retrouve toujours dans une posture d’entre-deux, dans un équilibre instable. Ça m’a beaucoup touchée, cette complexité et cette envie d’avancer malgré tout.
Quand on incarne une femme forte et puissante comme Lyna à l’écran, est-ce qu’on a forcément la pression de vouloir offrir une bonne représentation féminine ?
Pas forcément. Je ne peux pas “mal incarner” une femme à l’écran, sachant que j’en suis une tous les autres jours de ma vie. [rires] Mais ce que j’ai particulièrement aimé avec ce personnage, c’est que Lyna n’est jamais soumise au male gaze. Elle ne minaude pas, contrairement aux nombreuses représentations de femmes qu’on a pu voir par le passé, notamment dans les films d’action.
Le personnage de Marina, c’est pareil. Ce sont des femmes puissantes. Et ces femmes ne sont pas imaginaires ou fantasmées, elles m’entourent tous les jours, elles existent aussi dans la vraie vie. Les femmes puissantes ont toujours été là, c’est juste qu’aujourd’hui, on les voit enfin.
C’était quoi le plus challengeant sur ce genre de série ?
Le tournage de la série a duré 110 jours, et j’étais présente sur chacun d’entre eux. C’est une chance de pouvoir participer à un tournage aussi long pour une production française, mais c’est aussi un défi de tenir sur la longueur et de livrer la même énergie tout du long. C’était aussi un vrai challenge d’être à la hauteur des moyens déployés pour réaliser la série mais aussi du niveau de jeu de mes camarades de jeu, qui étaient tous exceptionnels. Même les petits rôles, ou des personnes qui n’apparaissent que sur un seul épisode, tout le monde a déployé un jeu absolument bluffant.
Mon challenge, c’était d’être à leur hauteur.
T’as préféré te bagarrer avec Marina Foïs ou Mathieu Kassovitz ?
[rires] Alors, je me bagarre beaucoup plus avec Mathieu, pour le coup ! Mais la seule bagarre avec Marina, ça m’a fait quelque chose de tourner cette scène. Mathieu, on s’attend à le retrouver à cet endroit, il a des affinités avec les arts martiaux qui font que c’est une zone de confort pour lui. Marina, par contre, on ne l’attend pas dans une scène de bagarre. Et ce qui est fou, c’est que même si je savais que tout était chorégraphié, je n’osais pas y aller, je n’osais pas l’attaquer. [rires] Elle est trop charismatique, Marina, c’est une bombe nucléaire. T’as pas besoin d’appuyer sur le bouton pour en avoir peur.
Et ça m’a aidée pour construire notre relation à l’écran.
La série Furies est disponible dès à présent sur Netflix.