C’est peut-être parce qu’en 2021, on sortait de mois de confinements, de grèves, de maladie et de tristesse que tout le monde s’est empressé de se faire des câlins non protégés (et consensuels) que neuf mois plus tard, des milliards de bébés se sont retrouvés sur les réseaux sociaux. Ce qui est normal, nous direz-vous. Ainsi va la vie.
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Mais ce n’est pas vraiment le sujet. Le sujet, c’est qu’on travaille sur les réseaux sociaux depuis un certain temps (oui, on a beaucoup de chance), qu’on les étudie et qu’on les vit. Mais même avant de bosser dessus, on les vivait déjà pleinement — croyez-nous. On a eu le temps de voir toutes sortes d’influenceuses : des modeuses, des fêtardes qui nous donnaient les bonnes adresses de Londres et de Cancún, des filles qui menaient la vida loca avec l’argent d’autrui (un de nos styles préférés d’influenceuses), des couples qui ne mangeaient pas de viande, ni de poisson et encore moins d’omelette, des groupes d’amies qui aimaient faire des retraites dans des endroits reculés pour trouver le véritable sens de la vie, des personnes qui avaient fait une émission télé et qui se contentaient de vivre au jour le jour et de nous parler dès leur réveil…
Même si tous ces profils étaient bien différents, ils avaient quand même des points communs : celui d’être souvent sans enfant, celui d’être de véritables globe-trotteurs et d’avoir, malgré tout, une activité plus ou moins professionnelle. Là, on sait ce que vous allez nous dire : “Et les femmes de footballeurs, alors ?”
Oui, elles, elles sont là depuis longtemps et elles ont souvent des enfants, mais ce n’est pas vraiment la même chose. Qu’il s’agisse des femmes de footeux de Manchester City, les conjointes de basketteurs des Miami Heat ou les compagnes de footballeurs américains des Vikings du Minnesota, elles nous vendaient avant tout leur vie de “femme de”.
Mais les mères au foyer qui sont aujourd’hui devenues d’immenses influenceuses sont très différentes des “femmes de”. Elles ne sont pas mises en lumière, principalement, par le travail ou la position sur le terrain de leur mari. Ce sont juste des femmes “lambdas” qui ont décidé de filmer leur quotidien de maman. Bizarrement, ça cartonne sur les réseaux.
On pourrait vite croire que c’est un truc générationnel et qu’il s’agit simplement des mêmes personnalités d’antan qui se sont posées et qui ont décidé de fonder une famille. Mais les mamans influenceuses qui sont tous les jours en top tendance en ce moment ont à peine 20 ans et en 2019, on ne savait pas du tout qui elles étaient. Elles s’appellent Poupette Kenza, Doussa, Cindy… Elles sont suivies par des très jeunes filles (et d’autres beaucoup moins jeunes).
À quoi ressemblent leurs snaps et stories Insta ? À une journée de maman ultra-normale ! L’une a mal dormi parce que bébé numéro 1 est congestionné et elle a dû se réveiller tôt parce qu’elle a décidé de l’emmener chez le médecin pour être sûre que ce n’est pas la bronchiolite. L’autre est super heureuse parce que ces deux petits amours l’ont laissée dormir jusqu’à 9 heures. Elle s’est même réveillée avec l’envie de faire des pancakes et elle a eu le temps de filmer un petit tuto bien-être sponsorisé.
À la différence des instamoms ou encore des tradwives qui, souvent, véhiculent une image faussement parfaite de la mère de famille ou au foyer, ces influenceuses nouvelle génération partagent tout. Surtout leurs moments de tristesse et de blues. Comme les pleurs stridents du matin avant l’école, les disputes familiales, les boutons et les fièvres des petits, le surmenage, le sentiment de ne plus se sentir elles-mêmes et celui d’être dépassées. Les gens adorent ça.
Peut-être qu’on est tous un peu voyeuristes dans l’âme (et voir que tout le monde est autant dépassé que nous, ça rassure un peu) ou que ça nous fait du bien de voir des personnalités qui n’ont pas une vie hors du commun et qui semblent donc beaucoup plus proches et accessibles qu’une Kylie Jenner ou une Beyoncé.
Être mère au foyer est un choix personnel. Les femmes se sont battues pendant des décennies pour être libres de le faire ou pas. Mais qui s’attendait à ce que ce mode de vie soit aussi populaire à notre époque ? Si vous pensiez que filmer ses journées à la maison “sans travailler” (on met les guillemets parce que nous faisons partie de la team qui pense qu’être mère au foyer est un travail à plein temps) était juste un petit phénomène isolé, vous n’êtes pas au bout de vos surprises.
Sur TikTok, il y a une trend qui prend de plus en plus d’ampleur. Sur le hashtag #stayathomegirlfriend, entre quelques vidéos satiriques, des femmes filment leur quotidien de mère au foyer. Étrangement, ils sont tous très similaires : elles se lèvent, elles font le lit, elles font couler le café, elles préparent un petit-déjeuner équilibré pour leur copain, elles font un peu de gym, elles suivent leur routine beauté, elles vont marcher, elles rangent un peu la maison, elles préparent le dîner… et elles attendent le retour de Monsieur.
@kendelkay everyday’s a self care day
Dream Lover - Bobby Darin
Quand on regarde ces vidéos de très loin, on pourrait croire qu’on revit notre premier mois de confinement, quand on devait avoir une attestation pour sortir et qu’on s’était promis d’utiliser tout ce temps libre que le destin nous offrait pour remettre notre vie en ordre et commencer un journal de bord.
Mais d’autres internautes et journalistes ont décortiqué les contenus du #stayathomegirlfriend d’un peu plus près et beaucoup commencent à tirer la sonnette d’alarme. En laissant de côté la sensation un peu désagréable que chacune de ces filles vit dans son propre Truman Show, leur style de vie peut s’avérer dangereux sur le long terme. Premièrement, ces femmes ont construit leur vie autour de celle de leur compagnon et ça peut créer une dépendance affective néfaste. Deuxièmement, surtout, la plupart d’entre elles dépendent financièrement de leur conjoint et nos mères nous ont toujours dit que c’était LA chose à éviter à tout prix. Elles avaient raison. Être indépendantes financièrement nous donne une plus grande marge de manœuvre et ça nous laisse plus de choix. Comme celui de partir “plus facilement” si la situation devient trop compliquée.
Que ce soit les mères plus “lambdas” ou les femmes au foyer qui filment la préparation de leur matcha latte tous les matins, on ne peut pas nier que ce genre de contenu fait de plus en plus d’adeptes. Qui dit adeptes, dit personnes susceptibles d’envier ou d’idéaliser leurs situations. Alors on aimerait vous mettre en garde.
Être mère au foyer est sans doute un style de vie magnifique pour celles qui l’ont choisi de leur plein gré. Mais il comporte aussi son lot d’inconvénients à ne pas négliger, comme celui d’être plus facilement isolée ou d’avoir moins (voire quasiment pas) de statut social, ce qui veut souvent dire n’avoir ni salaire ni protection.
Alors avant de vous lancer tête baissée dans l’idée de devenir copine au foyer, n’oubliez pas que beaucoup de celles qui partagent leur vie sur Snapchat et Instagram brassent une petite (ou très belle) somme d’argent grâce à leurs réseaux sociaux !