Omar Victor Diop a un objectif : inscrire la “place des enfants d’Afrique dans la marche de l’humanité”. Celui qui a commencé la photographie comme un hobby du week-end pour “égayer une carrière pas toujours épanouissante à 100 %” jouit désormais d’une carrière internationale qui s’adresse à son continent d’origine, la diaspora et le reste du monde.
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En 2014, le photographe réalise Diaspora, un premier projet d’autoportraits qui “célèbre la mémoire d’Africains hors d’Afrique entre le XVe et XVIIe siècle”. “Ce sont des personnages que je présente comme des héros non célébrés, des gens qui sont partis du continent sous des conditions différentes, certains à cause de la traite négrière, d’autres étaient des émissaires diplomatiques ou des citoyens libres. L’idée, c’était de montrer la diversité des contributions de la diaspora africaine au monde”, explicite l’artiste, exposé à Paris Photo ce week-end.
Omar Ibn Said, 2015. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
La volonté de mettre en lumière ces contributions du continent et de la diaspora traverse son travail comme un fil rouge, partant du constat que le monde s’est trop longtemps privé “d’une énorme perspective”.
“On voit le monde dans lequel nous vivons d’un seul côté seulement, dans une perspective occidentale, alors qu’il y a tellement de choses dont on peut s’enrichir de chaque côté, y compris l’histoire des Noirs de ce monde. Il y a tellement de choses qu’on ne connaît pas, même nous les Noirs, sur notre histoire.
Il est important de lever le voile sur ces gros pans de l’histoire et de penser le monde sous toutes ses couleurs, y compris la couleur noire. Je voudrais donner envie à quiconque tombera sur mes images d’en savoir plus sur le sujet.”
Don Miguel De Castro, 2014. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
“Voir les choses dans leur globalité”
À visée universelle, ces célébrations oscillent entre différentes échelles et dimensions. À travers ses trois dernières séries, Omar Victor Diop met en tension passé, présent et futur. Après Diaspora, sa série Liberty (2016) s’intéressait aux mouvements de protestation des Noir·e·s à travers l’histoire, en les plaçant sur une même chronologie, de Black Lives Matter aux révoltes haïtiennes en passant par les manifestations estudiantines de Soweto. Le but était de “voir les choses dans leur globalité plutôt que comme des phénomènes séparés”.
Aujourd’hui, l’artiste présente Allegoria, un projet de collages très graphiques sous forme de “lettre d’amour à la nature”, qui imagine un futur où la faune et la flore n’existeraient plus que dans les manuels scolaires, comme des reliques d’un passé détruit par l’homme.
Allegoria, 2021. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
En plus d’interroger les époques, Omar Victor Diop fait entrer en collision les échelles, et notamment l’individuel et le collectif. Le photographe se met en scène dans ses autoportraits afin que “tout le monde et n’importe qui” puisse se sentir à sa place, citant un potentiel “mécanisme de distanciation” qui fait que le public ne le reconnaît pas forcément.
Une contribution internationale
Aujourd’hui, Omar Victor Diop jouit d’une reconnaissance internationale. Si son travail de portraitiste a plusieurs fois été rapproché de celui de Malick Sidibé ou de Seydou Keïta (un trio de noms lié lors d’une exposition organisée par La Filature de Mulhouse en 2020 par exemple), l’œuvre de l’artiste n’a pas besoin d’être comparée pour exister et frapper là où il faut.
La guerre des femmes, 1929, 2016. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
Reconnaissant le caractère audacieux de sa volonté de s’adresser d’un même jet de pierre au continent, sa diaspora et aux autres, Omar Victor Diop confie s’être tout de même interrogé à ses débuts :
“J’avais peur de me priver d’une partie du public mais je touche du bois, je n’ai pas eu de problèmes concernant la compréhension de mon travail ou l’adhésion à mes idées jusqu’ici. J’ai montré mon travail dans des endroits très différents – Tokyo, Dakar ou Paris – et le message passe. Je pense que les gens comprennent quelles sont mes intentions.
Je ne suis pas historien, il y a une base factuelle mais ce que j’essaie de faire, c’est déclencher de l’empathie, et ça, on peut le faire sans faire d’impasse sur la vérité. C’est peut-être ça qui fait que mon contenu est compris et que les gens se l’approprient, quels que soient leur âge, catégorie socioprofessionnelle ou leur couleur.”
À la fin de notre entretien, Omar Victor Diop souffle : “Si, à la fin, j’ai l’impression d’avoir pu contribuer aux grandes conversations de mon temps, j’aurais le sentiment d’avoir réussi et de ne pas avoir fait ça pour rien.” L’artiste est loin d’en être “à la fin”, mais il peut d’ores et déjà s’enorgueillir de ne pas faire les choses pour rien.
El Moro, 2014. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
Thiaroye, 1944, 2016. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
Albert Badin, 2014. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
Selma, 1965, 2016. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
Les Cheminots du Dakar – Niger, 1938 et 1947, 2016. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
Free Breakfast Programme, 1969, 2017. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
Dutty Boukman, 1791, 2017. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
Allegoria, 2021. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
Allegoria, 2021. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
Allegoria, 2021. (© Omar Victor Diop/Galerie Magnin-A)
La nouvelle série d’Omar Victor Diop, Allegoria, sera présentée au stand de la galerie MAGNIN-A à Paris Photo (Paris), du 11 au 14 novembre 2021. Vous pouvez retrouver le travail de l’artiste sur son site et sur son compte Instagram.