La pression s’accentue sur les artistes russes, au sixième jour de la guerre en Ukraine, pour que ces dernier·ère·s prennent leurs distances avec le président Vladimir Poutine, sous peine d’être personae non gratae sur les scènes occidentales.
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Le monde de la musique classique a ainsi été secoué mardi par le limogeage du chef d’orchestre Valery Gergiev, un proche du Kremlin, de la direction de l’Orchestre philharmonique de Munich, tandis que la soprano Anna Netrebko, en délicate posture, a décidé de suspendre ses concerts. Les annulations de concerts s’étaient enchaînées, ces derniers jours, pour le maestro de 68 ans, l’un des plus actifs sur la scène internationale. Plusieurs institutions lui avaient adressé un ultimatum, son soutien affiché à Vladimir Poutine lui valant des critiques depuis plusieurs années.
“Munich se sépare du chef d’orchestre principal Valery Gergiev”, a annoncé le maire de la ville, Dieter Reiter. L’élu bavarois lui avait demandé de se “distancer de façon claire et catégorique” de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais le chef d’orchestre est resté silencieux. Ce mutisme lui vaut également d’être retiré de l’affiche à la Scala de Milan le 7 mars 2022, et probablement pour les autres représentations du mois. Le prestigieux théâtre italien l’avait exhorté, en vain, à plaider publiquement pour une “solution pacifique” au conflit.
Rencontres avec Poutine
Outre ses fonctions à la tête de la philharmonie munichoise, depuis 2015, ce maestro hyperactif et controversé est également directeur du prestigieux théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, la ville natale du président russe. Sa proximité avec Vladimir Poutine, qu’il connaît depuis 1992, et sa loyauté envers lui ont valu maintes polémiques, notamment au moment de sa participation à des concerts en Ossétie du Sud où les soldats russes sont intervenus et, en 2016, à Palmyre, en Syrie, aux côtés de l’armée du régime de Bachar al-Assad.
En 2018, dans un entretien avec l’AFP, Valery Gergiev s’était félicité de la réélection pour un quatrième mandat de M. Poutine, qu’il disait rencontrer “cinq à six fois par an”. Jusqu’ici, aucune de ses prises de position ne l’avait empêché de diriger un concert. Mais son refus de désavouer l’invasion militaire de l’Ukraine a changé la donne.
La Philharmonie de Paris, le festival suisse de Lucerne ou encore la salle new-yorkaise Carnegie Hall ont annulé plusieurs dates de ses concerts. Il a également dû démissionner de ses postes de directeur musical des orchestres du Verbier Festival, en Suisse, et du festival d’Édimbourg, en Écosse. Dimanche, c’est son agent artistique allemand, Marcus Felsner, qui avait décidé de cesser de représenter Valery Gergiev.
“Au-delà des clivages politiques”
Dans le sillage du maestro, d’autres artistes russes sont mis·es en cause. L’Opéra de Bavière et la Scala ont déprogrammé mardi des représentations de la soprano russe Anna Netrebko. L’ambassadeur d’Ukraine en Allemagne, Andrij Melnyk, avait plus tôt appelé sur Twitter à boycotter sa représentation de mercredi à la Philharmonie de l’Elbe de Hambourg. Celle-ci a finalement été reportée à septembre 2022 : dans l’après-midi, l’organisateur du concert, River Concerts, a diffusé un communiqué de la diva de 50 ans dans lequel elle annonce “renoncer aux concerts jusqu’à nouvel ordre”.
“Ce n’est pas le bon moment pour moi de me produire et de faire de la musique. J’espère que mon public comprendra cette décision”, a-t-elle ajouté. Si la chanteuse n’a pas ouvertement clamé son soutien au président russe, il lui est notamment reproché de s’être rendue à Donetsk, dans l’est de l’Ukraine, en décembre 2015 pour y poser avec le drapeau des rebelles séparatistes prorusses.
Sur Instagram, Mme Netrebko s’était déclarée “opposée à cette guerre” avec l’Ukraine, mais sans prendre parti contre les dirigeants de son pays ou clairement manifester sa solidarité avec le peuple ukrainien. “Il n’est pas juste de forcer les artistes, ou toute autre personnalité, à exprimer leurs opinions politiques en public et à dénoncer leur patrie. […] Je ne suis pas une personne politique. Je ne suis pas une experte en politique. Je suis une artiste et mon but est d’unir les gens au-delà des clivages politiques”, s’est-elle défendue.
Konbini arts avec AFP