Qu’elles soient honteuses, politiques, intimes, perverses ou banales, nos recherches Google en disent beaucoup sur nous, et peu d’entre nous seraient ouvert·e·s à les partager publiquement, sans filtre. Pourtant, Albertine Meunier a décidé, elle, de mettre à nu son historique entier de recherches Google – ou, en tout cas, tout ce qui est disponible depuis 2006, date à laquelle le moteur de recherche états-unien a “compris la valeur du chemin personnel parcouru par chacun sur le réseau” et “que la totalité des recherches faites sur leur moteur parlait de nous tous mais aussi de chacun”.
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“En 2006, Google lance le service Search History et stocke les recherches des internautes. Depuis ce premier jour, Albertine Meunier compile scrupuleusement ses recherches et les donne à voir au public. Plus de 16 années se sont écoulées : les recherches d’Albertine mises bout à bout racontent une histoire, la sienne mais aussi celle du réseau”, peut-on lire sur le site de l’artiste. En trois tomes, nommé My Google Search History, ce projet s’intéresse à la mémoire d’Internet, à “nos vies, distillées sur les réseaux numériques”, qui “laissent des traces”.
Lecture de My Google Search History, les premières recherches stockées from albertine meunier on Vimeo.
“Chaque moment passé sur Internet est guidé par des sites d’information mais surtout par des moteurs de recherche, et laisse sur le réseau une petite trace invisible, comme un geste inutile. Jour après jour, notre pratique se répète, les mêmes gestes, les mêmes réflexes, les mêmes habitudes. De ces répétitions un sillon invisible se creuse qui trace le chemin numérique de chacun. Et l’on se demande : depuis qu’Internet existe, combien de temps passé devant le halo d’un écran ? Combien de fois la page d’accueil Google s’est affichée ? De cette page quasi immuable depuis des années, combien de recherches faites ? Difficile à quantifier à l’échelle humaine, tous ces octets avalés”, questionne l’artiste.
Celle qui se définit comme une “Net artiste” a mis en libre accès ses deux premiers tomes qui retracent son historique du 6 novembre 2006 au 7 janvier 2011 d’une part, et du 8 janvier 2011 au 20 septembre 2016 d’autre part. Elle a publié son tome 3, aux éditions Avant Galerie Vossen, qui va du 21 septembre 2016 au 21 juin 2022, ainsi qu’une série de retranscriptions audio, vidéo et textuelle et des lectures. Les recherches sont triées par ordre chronologique et des chapitres thématiques guident la lecture comme “Elle aime le sac de sa mère” ou “Le truc vu du ciel”.
On retrouve beaucoup d’adresses, de lieux cherchés : en 2010, elle a par exemple tapé le “19 Avenue Youri Gagarine, 94 400 Vitry-sur-Seine” sur Google. Beaucoup de traductions de mots, et de devises à convertir. Mais aussi des noms communs, tous ces restaurants dans lesquels elle prévoyait d’aller, comme “L’Abysse” ou “Takara”, peut-être y a-t-elle été ? Et les mots du quotidien qui dessinent le récit de sa vie : “espace client orange”, “banque postale”, “hôpital Chevilly-Larue rééducation”, “achat vélo électrique”, “vols au départ de Paris à destination de Chennai”.
Ces éléments nous ouvrent les coulisses du processus créatif de l’artiste, de ses projets en cours à l’époque où elle recherchait ces mots, en plus des instants figés de sa vie. Cet inventaire dresse un historique de l’évolution de son art et de sa pratique, qui tournent toujours autour du numérique, d’Internet, des GAFAM et de leur matérialité poétique. Si vous voulez découvrir davantage de projets, on vous recommande d’aller jeter un œil à ses séries Chamboulons les GAFA !, Internet, est-ce que tu m’aimes ? sur l’absurdité des likes, Dad Won’t Come Back sur ce grand fou d’Elon Musk et Hybrides sur des peintures-NFT.
© Albertine Meunier/Avant Galerie Vossen
Couverture du tome 3 de <em>My Google Search History</em> d’Albertine Meunier aux éditions Avant Galerie Vossen.