Aujourd’hui sort au cinéma la nouvelle adaptation du roman Emmanuelle, signée Audrey Diwan (L’Événement). Dans cette version, qui s’appuie sur le livre éponyme de l’autrice thaïlandaise Emmanuelle Arsan (de son nom civil Marayat Bibidh) et qui s’affranchit absolument du film de 1974 réalisé par Just Jaeckin, la réalisatrice met l’emphase sur un personnage (joué par Noémie Merlant) qui ne ressent pas le plaisir et qui navigue, de porte en porte au sein de l’hôtel où elle séjourne, dans cette quête.
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Situé à Bangkok, l’hôtel reflète l’architecture de son désir, à l’image de cette aile abandonnée en reconstruction, et s’inscrit dans un contexte colonial lourd. Dans cette volonté de se détacher du film de 1974, aussi problématique que populaire, Audrey Diwan occulte totalement l’iconique fauteuil en rotin. À l’occasion de la sortie du film, revenons un peu sur l’histoire de cet objet de désir et de cinéma devenu culte.
Un fauteuil avec des origines tahitiennes…
Même si vous n’avez pas vu le film Emmanuelle de 1974, qui a attiré 50 millions de spectateur·rice·s, vous n’avez pas pu passer à côté de ce fauteuil en rotin. L’objet figurait sur l’affiche du film, et servait d’assise à l’actrice Sylvia Kristel, dénudée et alanguie, bottes aux pieds, jouant avec un collier de perles. Ayant des origines tahitiennes, ce fauteuil a été créé durant le règne du roi Pōmare et, assez logiquement, il portait le nom de son roi. D’autres l’ont appelé “Peacock Chair” (fauteuil paon). Depuis que le film est sorti, on le connaît davantage sous le nom de “fauteuil Emmanuelle”.
Grâce au film, ce fauteuil tressé en forme de trône connaît une seconde vie et tout le monde se l’arrache, pour la référence culturelle mais aussi symbolique : il est le reflet de la libération des mœurs post-1968. Grâce à cette notoriété cinématographique, le fauteuil a pu faire des caméos dans des shootings photo, d’Ellen von Unwerth par exemple, relate Vanity Fair, ou faire des excursions dans des expositions qui lui étaient entièrement dédiées. Ce siège a infusé la culture pop aussi : AD Magazine précise qu’il n’y a pas qu’Emmanuelle qui est connue pour s’être assise sur un fauteuil Pomare, mais aussi Michelle Obama pour son bal de promo quand elle était lycéenne ou encore la chanteuse Dolly Parton.
… qui a joué un rôle dans la lutte africaine-américaine
Lors des mouvements des droits civiques aux États-Unis, le cofondateur du Black Panther Party, Huey P. Newton, a été photographié sur un trône Pomare. Cet objet est devenu un symbole fort de l’iconographie des Black Panthers et de la lutte africaine-américaine.
Ce trône et le symbole puissant de cette iconographie ont ensuite été réinvestis par d’autres figures noires américaines, dans des clips, des magazines, des pochettes d’album. C’était “un moyen emblématique de se représenter pour les Afro-Américains”, exprime Michelle Wilkinson, conservatrice au Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines auprès d’AD Magazine. À titre d’exemple, l’affiche du film Black Panther présentait un fauteuil Pomare. Et Beyoncé ou encore Missy Elliott ont toutes les deux posé sur cette assise en dentelle de rotin.