Début novembre, le Musée national de Hongrie s’est dit incapable de mettre en œuvre une interdiction aux mineur·e·s imposée à une exposition du prix World Press Photo, au titre d’une loi de 2021 contre la “promotion de l’homosexualité”. L’exposition, qui présente à Budapest les photographies primées en 2023 par ce prix qui récompense chaque année “le meilleur journalisme visuel” dans le monde, a commencé en septembre et se tenait jusqu’au 5 novembre dans ce musée national situé à Budapest.
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Le parti d’extrême droite Notre Patrie a dénoncé l’exposition pour des photos illustrant les violences contre des personnes LGBTQIA+ et d’autres sur une communauté LGBTQIA+ des Philippines, et le ministère hongrois de la Culture a par la suite ordonné au musée d’appliquer la loi contre la “promotion de l’homosexualité” à l’égard des mineur·e·s. Mais le musée a déclaré à l’AFP “ne pas pouvoir légalement appliquer” la consigne donnée par le gouvernement, disant ne pas pouvoir contrôler les pièces d’identité et s’en remettant à la “coopération” du public pour appliquer la loi.
“Le fait que les moins de 18 ans ne sont pas autorisés à acheter des billets est mentionné sur le site, et il y a également un sigle d’interdiction aux mineur·e·s à l’entrée de l’exposition”, a également justifié le musée. Un journaliste de l’AFP en visite a cependant vu, parmi les dizaines de visiteur·se·s faisant la queue à la billetterie, quelques familles avec enfants. “Ils nous ont laissés entrer sans aucun problème”, a dit Premek Beran, un visiteur tchèque qui a acheté les billets sur un distributeur, y compris pour ses quatre enfants âgé·e·s de 10 à 15 ans.
La directrice du World Press Photo, Joumana El Zein Khoury, s’est dite “surprise” de la décision de la Hongrie d’interdire l’exposition aux mineur·e·s. “Il n’y a rien d’explicite ni d’offensant dans ces images”, a-t-elle souligné. Le gouvernement du Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban a fait adopter en 2021 cette loi punissant la “promotion de l’homosexualité” (aboutissant à des sanctions financières) auprès des mineur·e·s, suscitant la controverse dans le pays mais également des critiques de l’Union européenne. Une loi du même type avait été adoptée en 2013 dans la Russie de Vladimir Poutine, punissant la “propagande” devant des mineur·e·s de “relations sexuelles non traditionnelles”, puis élargie en 2022 à tous les publics.
Le directeur du musée licencié
Le 6 novembre, le gouvernement hongrois a décidé de licencier le directeur du Musée national de Hongrie, qui a, selon lui, “manqué” à son devoir d’appliquer cette loi : le directeur Laszlo Simon “n’a pas respecté les obligations légales lui incombant” et a “eu un comportement rendant impossible la poursuite de sa mission”, a indiqué le ministère de la Culture dans un communiqué, précisant que la mesure prenait effet immédiatement. Le directeur du Musée national est un ancien député du parti Fidesz de Viktor Orban et à ce titre, il avait voté cette loi combattue par les ONG, que l’UE entend annuler par le biais d’une procédure d’infraction toujours en cours.
Sur Facebook, il a déclaré “ne pas pouvoir accepter” son licenciement, affirmant ne pas avoir délibérément “violé la loi”. La semaine dernière, il avait remercié ironiquement sur Facebook l’extrême droite d’avoir suscité l’intérêt du public pour son exposition. En retour, cette dernière s’était indignée qu’il “se moque de son propre gouvernement, ce qui est inhabituel, car Viktor Orban ne tolère pas ce genre de choses”. En Hongrie, des compagnons de route de Viktor Orban ont été régulièrement évincés depuis 2010 après avoir contesté son action.