Un musée régional controversé à la gloire d’un dictateur de l’entre-deux-guerres en Autriche a été démantelé dans la discrétion face aux critiques, nouvelle affaire dans un pays souvent accusé d’avoir du mal à se confronter à l’Histoire. “Le musée a fermé définitivement”, a déclaré cette semaine à l’AFP le maire du village de Texingtal où la petite exposition avait ouvert en 1998 dans la maison natale du chancelier chrétien-social Engelbert Dollfuss, au pouvoir entre 1932 et 1934.
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Le parti conservateur ÖVP a longtemps considéré que ce dirigeant avait protégé l’Autriche du nazisme à la suite de l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en Allemagne. Il a d’ailleurs été assassiné en 1934 lors d’une tentative de coup d’État nazie. Mais il avait aussi dissous le Parlement, instaurant un régime autoritaire, réprimant massivement des militant·e·s du mouvement ouvrier et interdisant le parti socialiste.
Les critiques à l’égard du musée montrant quelque 200 pièces (comme un uniforme ou des photos) se sont faites plus fortes en 2021, lors de la nomination au ministère de l’Intérieur du premier édile de cette commune rurale, le conservateur Gerhard Karner. Dans la foulée, une commission d’historien·ne·s a recommandé son démantèlement progressif, accompagné d’un travail de mémoire. Mécontent·e·s, les héritier·ère·s et d’autres donateur·rice·s ont alors exigé que des objets alimentant l’exposition soient immédiatement retirés et remis à la région, bastion conservateur.
“Nous avons respecté leur souhait”, a expliqué le maire Günther Pfeiffer. Mais Alexander Hauer, qui dirige le groupe d’historien·ne·s, s’est dit “surpris” par la rapidité de la fermeture. Les spécialistes souhaitaient un démontage “constructif et critique sur place” de ce musée, qui avait tout du “mémorial”. “Dollfuss a été honoré” durant des décennies malgré son sombre héritage, a-t-il rappelé à l’AFP. Le chancelier Kurt Schuschnigg lui a succédé avant l’Anschluss (annexion) par l’Allemagne nazie en 1938. “Cette période de 1933 à 1938 a été totalement négligée”, déplore-t-il, alors que les milliers de victimes n’ont été réhabilitées qu’en 2012.
La manière de nommer cette séquence ne fait toujours pas consensus entre les historien·ne·s et dans la classe politique. Un portrait d’Engelbert Dollfuss ornait même les locaux du club parlementaire des conservateurs jusqu’en 2017. Contrairement à la RFA après guerre, l’Autriche a également éludé sa responsabilité dans les crimes nazis. Le tournant n’est intervenu qu’à la fin des années 1980 avec le débat international sur le passé nazi de Kurt Waldheim, ancien secrétaire général de l’ONU et président autrichien de 1986 à 1992. Ce n’est qu’ensuite qu’elle s’est penchée sur la période autoritaire précédant le nazisme.