En 1988, Hiền Hoàng reçoit une lettre de sa tante, expédiée de Berlin. “Tout va bien de l’autre côté de l’océan”, assure cette dernière, se voulant rassurante sur son intégration. En 2014, la jeune femme lui rend visite en Allemagne et s’y installe à son tour. Mais contrairement aux mots positifs de son aïeule, son installation en Occident est jalonnée d’expériences liées au racisme.
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Dans “De l’autre côté de l’océan”, l’artiste vietnamienne aborde la façon dont les cultures asiatiques ont été homogénéisées, réduites et fétichisées par les désirs et les perceptions occidentales. Une exposition à découvrir jusqu’au 27 août à l’église des Frères Prêcheurs dans le cadre du Prix Découverte Fondation Louis Roederer des Rencontres de la photographie d’Arles.
Comme un cheveu sur la langue, 2018-2019. (© Hiền Hoàng)
Une culture lissée et réduite dans le white gaze
Une langue prise entre des baguettes, un pavé de saumon pourvu d’une paire d’yeux bridés, un autel duquel découlent des nouilles de riz… Dans ses tableaux qui mêlent installation et photographie, Hiền Hoàng représente une culture homogénéisée par des produits de consommation prisés en Occident. Habituée à travailler sur les questions identitaires et le système de valeurs sociales, l’artiste visuelle “utilise la distorsion physique comme une métaphore de la déformation identitaire”, explique Tanvi Mishra, commissaire de l’exposition.
Refusant de voir son identité réduite à des stéréotypes autant que de répondre aux désirs occidentaux d’exotisme et de fétichisation, l’artiste donne à voir des images saisissantes qui soulignent les stéréotypes qui pèsent sur les personnes asiatiques en Occident. Entre la cuisine très populaire dite “asiatique” et les femmes fétichisées pour leur identité, elle met brutalement en lumière la manière dont des communautés asiatiques aux cultures et croyances différentes se sont retrouvées réduites à une identité unique dans le regard d’un public occidental mondialisé.
“Malgré l’étouffement provoqué par le poids de l’identité, l’immigrée idéale doit apprendre à sourire sans sourciller. En construisant une image aux antipodes des tropes répandus, Hoàng incarne, à travers la performance, son refus d’enfermer l’identité dans une case”, poursuit Tanvi Mishra. Autant d’images qui témoignent de l’étouffement culturel et identitaire vécu par de nombreuses communautés issues de diasporas.
Soie lisse, 2018-2019. (© Hiền Hoàng)
Sois sympa, 2021. (© Hiền Hoàng)
L’exposition “De l’autre côté de l’océan” de Hiền Hoàng est à voir jusqu’au 27 août 2023 à l’église des Frères Prêcheurs dans le cadre du Prix Découverte Fondation Louis Roederer lors des Rencontres de la photographie d’Arles.