Le Konbini Book Club vous fait entrer dans la bibliothèque des plus grands réalisateurs du moment. Après Christopher Nolan, place à Lars von Trier.
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Kirsten Dunst dans Melancholia (2011), réalisé par Lars von Trier.
“Ce qui est bien avec les films, c’est que c’est toujours plus vaste que les mots.”
Cinéaste de la mélancolie, du naturalisme cru et du scandale, Lars von Trier s’est fait une spécialité de provoquer et de heurter le spectateur avec une esthétique déstabilisante, des histoires dérangeantes et un message parfois problématique. Que ce soit sur le fond ou sur la forme, le cinéaste Danois s’appuie sur d’innombrables références culturelles pour justifier ses outrages. Il les parsème autant dans ses films que dans ses interviews et convoque les grands artistes de la planète comme inspiration première de son cinéma. Des réalisateurs comme son maître de toujours, Andreï Tarkovski, des peintres comme Jérôme Bosch et surtout des écrivains qui, mieux que quiconque, nous permettent de disséquer son œuvre.
Quelques semaines après Christopher Nolan et l’inauguration de notre série sur les inspirations littéraires des plus grands réalisateurs, la sortie en salles du nouveau film de Lars von Trier, The House that Jack Built, nous a donc donné quelques idées. Il est temps de percer, à travers les livres, le mystère d’un des cinémas les plus sulfureux de notre époque et de comprendre ce qui se cache derrière tant de provocations et de controverses.
Être le pionnier d’une forme nouvelle avec Bertolt Brecht
“N’attendez pas du théâtre qu’il satisfasse les attentes du public mais plutôt qu’il les bouscule, la provocation est une manière de remettre la réalité sur ses pieds” : ces mots sont de Bertolt Brecht mais pourraient tout à fait sortir de la bouche de Lars von Trier. Et pour cause, la vision artistique du dramaturge allemand joue un rôle décisif dans la conception des films du réalisateur danois. Les écrits théoriques de Brecht sur le théâtre et la manière dont il les met en application dans ses pièces sont un exemple de modernité, d’intelligence et d’audace qu’il tente de reproduire à chaque nouveau projet.
Qui est Bertolt Brecht ? Poète, dramaturge, metteur en scène, il est l’un des plus grands théoriciens du théâtre moderne. Auteur d’ouvrages polémiques pendant l’entre-deux guerres dont le génial L’Opéra de Quat’sous, il est forcé de quitter l’Allemagne pour fuir le nazisme. Pour son marxisme et son audace formelle, son œuvre est pendant des années la cible prioritaire du régime, qui le déchoit de sa nationalité allemande et brûle ses livres lors d’un immense autodafé public. Toute sa vie, il ne cessera de voguer à contre-courant multipliant le nombre de ses ennemis autant que de ses admirateurs. Vous voyez le parallèle se faire tout seul ?
De la même manière que Bertolt Brecht a inventé une nouvelle esthétique théâtrale, Lars Von Trier a voulu mener sa révolution cinématographique. Brecht est l’inventeur de ce qu’il appelle le théâtre épique. Selon lui, la beauté du théâtre ne se trouve pas dans l’identification. Ni les acteurs, ni les spectateurs ne doivent se retrouver happés par l’histoire, oubliant tout autour. Bien au contraire, il prône la distanciation, c’est-à-dire qu’au sein d’un théâtre, tout le monde doit être actif, se forger une opinion et être conscient qu’il fait partie d’un moment artificiel. Le spectacle est interrompu par des commentaires narrés ou des chansons qui invitent le public à réfléchir sur ce qui vient de se passer et sur les moyens de changer la donne.
Ce qui est troublant, c’est de voir tout cela mis en image au cinéma par Lars Von Trier. Surtout dans la première partie de sa carrière. En 2000, il secoue déjà la critique avec Dancer in The Dark, un ovni cinématographique qui vaut à la chanteuse Björk la palme d’interprétation féminine à Cannes. L’histoire est une allégorie grossière du marxisme de Brecht. Une immigrée vivant aux États-Unis se retrouve en pleine lutte des classes. Elle travaille sans relâche, comme emboutisseuse dans une usine métallurgique pour réunir l’argent capable de soigner son fils atteint, comme elle, de cécité. Avant que l’injustice ne vienne la frapper et que son voisin, un entrepreneur ruiné à qui elle s’est confiée, ne vienne lui dérober ses économies. L’URSS n’aurait pas fait meilleur clip de propagande.
Mais ce premier succès est bien plus intéressant dans la mise en application de la révolution esthétique de Brecht. C’est la forme qui bouscule le plus le public. Dancer in The Dark est une comédie musicale, un opéra dramatique tourné caméra au poing. Le film est entrecoupé de chansons et de chorégraphies qui interpellent le spectateur sur les événements désastreux auxquels il assiste. L’hommage est total et sera réitéré dans son film suivant, Dogville (2003), dans lequel il mène une expérience cinématographique folle. Le film se déroule dans un décor minimaliste et artisanal que Lars von Trier nous dévoile volontairement, histoire de bien montrer au spectateur que tout cela est artificiel. Hallucinant d’audace.
Tomber dans l’outrance avec Hubert Selby Jr.
(© éditions de la table ronde)
La provocation est partie prenante de l’œuvre cinématographique de Lars von Trier. Elle est présente partout dans les différents films du Danois et c’est sûrement avec elle qu’il restera dans les annales du septième art. Mais cela ne va pas sans un revers de médaille. Sa carrière est entachée de polémiques en tout genre générées aussi bien par ses films que par sa personnalité. L’outrance, la volonté de bousculer le public ont évidemment toujours été des moteurs dans la création artistique mais elles doivent nourrir une vraie vision. Et c’est tout le problème de Lars von Trier, les critiques les plus virulentes à son encontre crient souvent à la provocation gratuite.
Difficile de les faire mentir avec une œuvre comme Antichrist. Bien qu’il vaille à Charlotte Gainsbourg la Palme d’interprétation à Cannes en 2009, il reste le film le plus symbolique d’une certaine dérive du cinéma de Lars von Trier. Dans un thriller érotico-horrifique, il raconte l’histoire d’un couple qui décide de s’installer dans une maison retirée au fond des bois. Le mari, thérapeute, tente de soigner sa femme traumatisée par la mort tragique de leur enfant, laissé sans surveillance alors qu’ils faisaient l’amour. En plus d’un prologue étonnant (horrible ?), le réalisateur danois donne à son film toutes les couleurs de la provocation. Misogynie, pornographie, ultra-violence, tout est prétexte à choquer sans jamais délivrer un quelconque propos.
Grand admirateur du travail de l’écrivain américain Hubert Selby Jr, Lars von Trier connaît pourtant mieux que quiconque les dangers qui guettent les artistes adeptes de la polémique. Il sait combien il est difficile de trouver continuellement de quoi nourrir son œuvre sans jamais tomber dans l’outrance inutile et néfaste.
Hubert Selby Jr est l’un des écrivains les plus décriés du XXe siècle, un romancier au style brutal qui ne recule devant rien pour décrire les horreurs de ce monde. Dans Last Exit to Brooklyn, son premier roman devenu culte, il témoigne avec une violence rare du désœuvrement du quartier de Red Hook à New York. La brutalité avec laquelle il raconte la misère lui vaut en quelques jours un procès retentissant pour obscénité et une interdiction dans plusieurs États d’Amérique et même en Europe.
Il persiste et signe tout au long de sa carrière, s’attirant des ennuis à chaque parution. Sa littérature doit choquer pour exister. En témoigne un autre roman, Retour à Brooklyn, dans lequel il met en scène des personnages issus de la classe populaire américaine sombrant peu à peu dans la dépendance à la drogue. Le récit, cru et morbide, fait grand bruit et deviendra des années plus tard le film culte de Darren Aronofsky, Requiem for a Dream. Tout simplement un des films les plus remuants de ces dernières années.
Hubert Selby Jr comme Lars von Trier sont des artistes extrêmes. Souvent sublimes dans leur violence et leurs efforts pour emmener l’art au-delà des carcans classiques, ils sombrent parfois dans le grotesque et même l’inexcusable. Grotesque pour certaines de leurs œuvres qui s’affichent comme des courses au scandale sans visée artistique, inexcusable pour leur attitude publique outrancière. Comme si la provocation, à force de faire partie intégrante de leurs œuvres, devait aussi gouverner leur vie.
Dans Le Démon, l’œuvre la plus scandaleuse d’Hubert Selby Jr, il décrit magnifiquement ce moment où l’ascension sociale foudroyante va de pair avec une descente aux enfers psychologiques. C’est à se demander si l’on ne devient pas avec le temps le personnage de son œuvre. Peut-être à force de peupler ses romans de drogués ultra-violents, Hubert Selby s’est offert de nombreux séjours en prison à cause de son alcoolisme et son addiction à l’héroïne. Quant à Lars von Trier, ses provocations misogynes se sont transformées en suspicion de viol et sa soif de polémique en célébration du nazisme. Tout un programme.
Une mélancolie romantique avec Les Fleurs du Mal de Baudelaire
Quoi de mieux pour Lars von Trier que d’ériger le romantisme, courant littéraire polémique, comme mouvement artistique suprême. Encore et toujours cette obsession pour l’œuvre qui renverse l’ordre établi, avec en plus, une forme de fascination pour la figure de l’artiste maudit. Mais au-delà du simple clin d’œil, le réalisateur danois partage surtout la même vision du monde que ces poètes du XIXe. Il a imprégné toute son œuvre des préoccupations et des thématiques romantiques jusqu’à leur dédier une œuvre entière, son chef-d’œuvre, Melancholia. De l’avis de la critique comme du public, c’est de loin le meilleur film de Lars von Trier. Porté par le duo d’actrices éblouissantes Kirsten Dunst (qui obtiendra la Palme d’interprétation à Cannes) et Charlotte Gainsbourg, et par une esthétique à couper le souffle, il figure instantanément parmi les classiques du cinéma.
<em>Ophélie</em> de Sir John Everett Millais. (1851)
Dès l’affiche du film, l’hommage au romantisme est flagrant. Kirsten Dunst est Ophélie de Sir John Everett Millais, une œuvre phare du romantisme anglais. Tout au long du film, les parallèles vont se répéter, Bruegel, Dürer et bien d’autres. Lars Von Trier a conçu les différents tableaux de son film comme les grands chefs-d’œuvre de la peinture romantique. Notamment dans une scène d’introduction sidérante qui a marqué l’histoire du cinéma.
Mais il n’est pas seulement question d’esthétique, dans l’histoire même que raconte le film, le mouvement romantique est omniprésent. À l’occasion de leur mariage, Justine (Kirsten Dunst) et Michael (Alexander Skarsgård) donnent une somptueuse réception dans la maison de Claire (Charlotte Gainsbourg), la sœur de Justine, et de John (Kiefer Sutherland), le très riche mari de Claire. Tout est fait pour que la réception soit divine mais au fil des minutes les relations familiales se dégradent et le mariage tombe à l’eau. En cause, deux phénomènes qui portent le même nom : Melancholia.
Justine est envahie par la mélancolie ou plutôt par le spleen baudelairien. Cette angoisse inexplicable d’exister, cette culpabilité qui vous ronge, l’ennui allié à la peur du temps qui passe, la résignation surtout qui permet d’accepter plus sereinement une mort inévitable. Dans le film, Melancholia est aussi le nom de cette planète qui menace de s’abattre sur le Terre. Un scénario catastrophe qui redistribue toutes les cartes et pousse les personnages à s’en remettre à la nature, qui vient reprendre ses droits. Lars von Trier ou le romantisme 2.0.
Briser les tabous avec Histoire d’O de Pauline Réage
Nymphomaniac (2013)
(© Le Livre de Poche)
“Enfin une femme qui avoue ! Qui avoue quoi ? Ce dont les femmes se sont de tout temps défendues (mais jamais plus qu’aujourd’hui). Ce que les hommes de tout temps leur reprochaient : qu’elles ne cessent d’obéir à leur sang ; que tout est sexe en elles, et jusqu’à l’esprit. Qu’il faudrait sans cesse les nourrir, sans cesse les laver et les farder, sans cesse les battre. Qu’elles ont simplement besoin d’un bon maître, et qui se défie de sa bonté : car elles emploient à se faire aimer autant par d’autres tout l’entrain, la joie, le naturel qui leur vient de notre tendresse, sitôt qu’elle est déclarée. Bref, qu’il faut prendre un fouet quand on va les voir.” Jean Paulhan, préface d’Histoire d’O
Plus d’un demi siècle après sa parution, le roman Histoire d’O fait encore parler de lui. C’est l’œuvre scandaleuse par excellence autant pour son contenu que pour le mystère qui a plané pendant des années sur l’identité de son créateur. Pauline Réage n’est en fait qu’un pseudo et publier en 1954 une telle histoire avec son véritable nom aurait été un coup de folie. Les spéculations ont excité la planète littéraire mais ce n’est qu’en 1994 que Dominique Aury crachera le morceau. Grande intellectuelle de l’après-guerre (elle a calmement fait découvrir Fitzgerald en France), elle a conçu son œuvre comme une lettre d’amour en forme de roman. Une manière un peu spéciale de déclarer sa flamme.
Le livre raconte l’histoire d’une jeune femme appelée O, alors qu’elle est emmenée par son amant René dans le mystérieux château de Roissy. Entre ces murs, elle va découvrir une initiation sexuelle d’un tout nouveau genre. Elle va affronter les sévices les plus extrêmes. O est offerte et prise, fouettée et murée dans le silence, elle commence l’apprentissage de l’esclavage. Par amour pour René, O ira très loin dans la négation de soi. Elle abdiquera toute volonté et perdra définitivement sa liberté. Elle n’a qu’une idée en tête, éprouver ce plaisir extrême d’être livrée corps et âme au sens strict à celui qu’elle aime. Le roman nous embarque dans une plongée sidérante au cœur d’un monde méconnu où les plus grands plaisirs naissent d’une souffrance intolérable. Le lecteur est déchiré, vient-on de lire l’histoire d’une femme intensément libre ou assiste-t-on à une descente aux enfers morbide ?
Une chose est sûre, Lars von Trier a lu Histoire d’O avec délectation. On dit même que son film Manderley serait inspiré de la préface du roman de Pauline Réage. Mais c’est quelques années plus tard, avec Nymphomaniac, qu’il satisfait à son tour l’envie irrépressible de se plonger dans le mystère du plaisir féminin. Dans un film en deux parties, il raconte à la première personne le parcours sexuel d’une femme qui s’est autodiagnostiquée nymphomane. Avec fracas, une froideur sinistre, et une touche très personnelle de misogynie, il se penche sur la manière dont la société appréhende cette indifférence aux sentiments, cette orgie de sexe mécanique, sans jouissance aucune. Il dénonce brutalement l’impossibilité cruelle de mener une vie normale quand on se heurte à la morale de ce monde. (une petite part d’autobiographie ?)
De la même manière que le personnage d’O dans le roman de Pauline Réage, Lars von Trier fait de la soumission, de la violence, de la douleur physique et morale, un chemin inexorable vers un nouvel éveil et une nouvelle liberté. Résultat : deux œuvres fondamentales pour comprendre cette confrontation entre notre rapport personnel au corps et celui que la morale sociale espère bien nous imposer. Alors oui, comme toujours chez le réalisateur danois, la provocation est poussée à son paroxysme mais quand elle sert un but plus vaste, elle en est d’autant plus belle.
Ériger les psychopathes en artistes avec American Psycho
Au rayon des scandales littéraires modernes (histoire de mettre de côté Sade, champion toutes catégories), il y a un romancier et une œuvre qui dominent le game : American Psycho de Bret Easton Ellis. Quand il rédige ce chef-d’œuvre, l’écrivain américain connaît déjà un succès considérable avec ses deux premiers livres. Il forme avec un autre romancier à qui tout réussit, Jay McInerney, le “Brat Pack”, un petit cercle fermé d’écrivains stars établi à New York dans les années 1980 et qui ont fait des soirées, de la cam et d’autres abus en tous genres un pendant obligatoire à leur talent littéraire. Scandaleux, Bret Easton Ellis l’est donc dans la vie mais il lui manque encore le livre qui lui permettra de l’être aussi dans son œuvre.
L’occasion lui tombe toute crue dans la bouche quand Simon & Schuster, la plus prestigieuse maison d’édition du pays, lui fournit une avance de 300 000 dollars pour écrire une histoire qui tournerait autour d’un serial killer. L’opportunité est trop belle de foutre le bordel dans le milieu bien établi des lettres américaines. Et puis tant qu’à faire, autant secouer la société toute entière. Le choc est tel, qu’après avoir lu le manuscrit, l’éditeur préfère renoncer à son avance plutôt que de le publier. C’est un autre éditeur qui prendra le risque et il s’en frottera ensuite les mains puisque American Psycho devient un best-seller mondial.
L’histoire, c’est celle de Patrick Bateman, 27 ans, un flamboyant golden boy de Wall Street. Patrick est beau, riche et intelligent, comme tous ses amis. Il est ce qu’on appelle un Yuppie (Young Urban Professional), un de ces jeunes cadres de haut niveau qui peuplent les villes comme New York, fréquentent les endroits les plus chics pour se faire voir et crament leur fric en coke dans les boîtes branchées. Mais Patrick a une petite particularité : c’est un psychopathe. À l’abri dans son appartement hors de prix, au milieu de ses gadgets dernier cri et de ses meubles en matériaux précieux, il tue, décapite, égorge, viole. Pire, ses cibles favorites sont les animaux, les pauvres, les étrangers et les femmes qu’il méprise par-dessus tout.
Au-delà de l’histoire et de son immoralité qui heurte sans surprise le puritanisme américain, c’est l’esthétisation de la cruauté et du meurtre qui achèvent le public. Patrick Bateman est méticuleux, appliqué et tuer est un rituel artistique pour lui. Un aspect particulièrement bien retranscrit par la réalisatrice Mary Harron lorsque lui a été confiée l’adaptation du livre en 2000 (bien aidé aussi par un Christian Bale grandiose).
Il manquait à Lars von Trier son histoire de serial killer. C’est maintenant chose faite avec The House that Jack Built, actuellement en salles. Il met en scène le personnage de Jack, un tueur en série sérieusement cabossé et atteint de tous les TOC possible. Pendant dix ans, entre 1970 et 1980, il sillonne l’État de Washington à la recherche de ses victimes (des femmes surtout) pour commettre le crime parfait.
Avec minutie, sophistication et un redoutable sens de la mise en scène, il veut, exactement comme Patrick Bateman, élever le meurtre au rang d’art. Malgré les tortures abominables et les litres de sang, il donne une dimension poétique à son entreprise mortuaire. Ce n’est d’ailleurs pas à nous qu’il raconte son histoire mais à un certain Verge (pas dingue comme prénom), une apparition qui représente en fait Virgile, celui qui guida Dante en Enfer dans La Divine Comédie. Un ego trip mégalo qui lui fait un point commun de plus avec Bret Easton Ellis.
The House that Jack Built est une œuvre symbolique et illustre les raisons pour lesquelles Lars Von Trier divise tant. Si ses détracteurs crieront à la recherche gratuite de la polémique et à une misogynie de plus en plus insupportable, ses défenseurs verront ce film comme une nouvelle étape dans la révolution cinématographique entreprise par le réalisateur danois. Le fait est qu’au fond, Lars Von Trier est d’un autre temps et mène un combat perdu d’avance contre la modernité. Il s’est battu toute sa vie, souvent maladroitement mais toujours avec un immense talent, pour un art sans entrave et contre l’obsession du moment, qui consiste à injecter de la morale dans l’art. La provocation restera toujours son arme de prédilection, quitte à se faire bien plus d’adversaires que de soutiens. Mais cela, Lars Von Trier s’en fiche éperdument. Qui peut s’asseoir à sa table et dire : “Mon cinéma fait plus débat que le tien ?”