On le sait tous désormais, RENAISSANCE de Beyoncé est pensée comme une trilogie dont l’acte I a rythmé notre année 2023 : une célébration de la musique dance et des contre-cultures queers noires. L’acte II est un album orienté country en plein effeuillage : il est intitulé COWBOY CARTER et prévu pour le 29 mars prochain. Enfin, l’acte III, quant à lui, est encore un grand mystère mais de nombreuses théories laissent croire que ce serait un projet centré sur le rock. Ce mardi 19 mars, Beyoncé a révélé la cover tant attendue de COWBOY CARTER, accompagnée d’un communiqué très dense qui vient donner de nouveaux éclairages concernant la direction de cette nouvelle era.
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Si, jusqu’ici, COWBOY CARTER avait été mis dans la catégorie musicale de la country un peu partout dans la presse, reflétant les deux premiers singles du projet qui représentent ce genre, “16 CARRIAGES” et “TEXAS HOLD ‘EM”, Beyoncé a tenu à clarifier la direction globale de l’album en expliquant : “Ce n’est pas un album de country. C’est un album de Beyoncé”. Dans ce communiqué, Beyoncé a également pris le temps de faire part de sa reconnaissance concernant les records qu’elle a établis en tant que femme noire avec ces deux premiers singles, tout en exprimant une amertume que sa race soit encore mentionnée lorsque l’on évoque ses accomplissements musicaux : “Je suis honorée d’être la première femme noire à être numéro un au classement Hot Country Songs. […] J’espère que dans quelques années, la mention de la race d’un artiste, en ce qui concerne la diffusion de genres musicaux, n’aura plus lieu d’être.”
Dans l’histoire des Grammys, seulement quatre femmes noires ont gagné un prix dans la catégorie Meilleur enregistrement dance/electronic : Donna Summer, Janet Jackson, Rihanna et enfin Beyoncé, en 2023, pour son album RENAISSANCE. Cette année Beyoncé est devenue la première femme noire à être numéro 1 au classement Hot Country Songs avec ses deux singles “16 CARRIAGES” et “TEXAS HOLD ‘EM”. Ce sont des records et reconnaissances très tardives pour des genres musicaux dont les communautés afro-descendantes sont les précurseures et c’est pour cette raison précise qu’un album orienté vers la country et porté par Beyoncé représente une forme de révolution dans l’industrie musicale.
Beyoncé explique également dans ce communiqué que c’est à la suite d’une expérience désobligeante avec la communauté country américaine (plutôt blanche et conservatrice) qu’elle a commencé à approfondir ses connaissances sur l’histoire de cette musique afin de se la réapproprier : “Cet album est né d’une expérience que j’ai vécue il y a plusieurs années, au cours de laquelle je ne me suis pas sentie la bienvenue et il était très clair que je ne l’étais pas. […] Cela fait du bien de voir comment la musique peut unir tant de gens à travers le monde, tout en amplifiant les voix des personnes qui ont consacré une grande partie de leur vie à l’enseignement de notre histoire musicale”.
Cette fameuse expérience désobligeante aurait eu lieu en 2016, lorsque Beyoncé a interprété sa chanson “Daddy Lessons” en compagnie du groupe The Chicks à la cérémonie des Country Music Association Awards, la soirée la plus importante de l’année pour la country aux USA. La présence de Beyoncé à cet événement n’a pas ravi la communauté country qui a attaqué la chanteuse avec des messages haineux et racistes sur les réseaux sociaux. Ceci est non sans rappeler le harcèlement raciste et classiste subi par Aya Nakamura en France, basée sur l’hypothèse (présidentielle) qu’elle pourrait ouvrir la cérémonie des JO en reprenant un morceau de variété française et plus précisément un morceau d’Édith Piaf.
Le groupe The Chicks avait alors pris la défense de Beyoncé en invitant tout le monde à streamer le plus fort possible ce morceau de Beyoncé “pour noyer la haine”. La même année, cette fameuse chanson “Daddy Lessons” issue de son album Lemonade (et incontestablement une chanson country) avait été refusée par le jury country de la Recording Academy des Grammy Awards.
En réponse à tout ce raffut, pour COWBOY CARTER, Beyoncé s’est surpassée. C’est en tout cas ce qu’elle promet. Elle poursuit son communiqué en ajoutant : “Les critiques auxquelles j’ai dû faire face lorsque je me suis lancée dans ce genre m’ont forcée à dépasser les limites qui m’avaient été imposées”. Cet album, alors qu’il n’est pas encore sorti, est déjà un clap back immense contre l’Amérique blanche raciste et conservatrice qui a osé mépriser la reine des abeilles.
Beyoncé a également dévoilé une cover alternative de cet album sur laquelle elle porte une écharpe où figure le nom “Beyincé”. Beyincé, c’est le vrai nom de jeune fille de sa mère, Tina. Mais en raison d’une erreur administrative raciste, Tina et son frère sont les seuls de leur famille à avoir le nom “Beyoncé” sur leur certificat de naissance. Lorsque Tina a demandé à sa mère pourquoi elle n’avait pas fait corriger la faute, cette dernière lui a expliqué que l’administration lui avait dit : “Soyez heureux d’obtenir un acte de naissance”, car à une époque, les Noirs n’obtenaient pas d’acte de naissance.
Dans le remix de “Savage” de Megan Thee Stallion avec Beyoncé, cette dernière nous a offert une punchline qui résume assez bien l’énergie de cette nouvelle era à venir : “Can’t argue with these lazy bitches, I just raise my price” en bon français : “Je ne débats pas avec ces salopes fainéantes, j’augmente simplement mes prix” et franchement ? C’est ça.