Comme chaque printemps (et de nouveau à l’automne), Magnum Photos organise une vente de photographies signées par les artistes ou estampillées par leurs fonds, à prix cassés. Pendant cinq jours, une multitude d’images, réalisées par une centaine de grand·e·s photographes, est disponible pour 100 dollars chacune (environ 92 euros).
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En ce début d’année 2020, Magnum s’est intéressé à des “turning points” photographiques, soit des tournants, des images “d’événements qui ont changé le cours de l’histoire, la société, une vie ou une pratique”. Les artistes participant·e·s proposent des images qui représentent une transition, qu’il s’agisse d’une transition dans leur travail et leur façon d’envisager leur œuvre ou dans le monde.
Berkeley, Californie, 1956. (© Elliott Erwitt/Magnum Photos)
“Dans les moments les plus tristes de l’hiver, quand on vit avec des nuages au-dessus de la tête depuis des semaines, parfois, apercevoir quelque chose d’incroyable peut changer la teinte de tout ce qui nous entoure, de tout ce qu’on ressent.”
Des artistes du monde entier partagent ainsi leur documentation et leur vision du monde, du quotidien de Bob Dylan en 1968 à la bande de Gaza en 2015, en passant par un nouveau regard donné à des communautés caribéennes. Jusqu’au 12 avril 2020, vous pouvez ainsi vous procurer ces histoires visuelles racontées par des artistes tel·le·s qu’Isadora Romero, Elliott Erwitt, Martin Parr ou encore Alec Soth.
En lien avec le “turning point” que vit une partie de la planète actuellement, une partie des recettes de la vente sera reversée à l’action d’urgence Covid-19 de Médecins sans frontières.
“Sydney, petite fille rêveuse aux cheveux roses”, Tallahassee, Floride, 2004. (© Alec Soth/Magnum Photos)
“En 2004, j’ai shooté l’un de mes premiers éditos de photo de voyage à Tallahassee, en Floride. J’ai pris en photo une célébrité de seconde zone pour un magazine quelconque. Mes images étaient horribles. Après la séance, je suis allé dans un restaurant local pour noyer mon désespoir dans une assiette de poulet frit. Quand j’ai passé la porte, j’ai vu une jolie petite fille qui s’endormait à table. Cette photo est devenue l’une de mes préférées.”
“Un homme semble flotter sur la rivière Mascarilla, sur la vallée Chtola, en Équateur. Pendant le week-end, les familles jouent et se baignent dans la rivière le matin.” (© Isadora Romero/Magnum Photos)
“La vallée de la Chtola est souvent photographiée de façon à montrer la pauvreté et son passé esclavagiste. Je trouve qu’il y a d’autres choses à montrer. J’étais captivée par les histoires que ces communautés racontent depuis des années, comme une forme de résistance. Cette image fait partie de ‘Stardust’, un projet que j’ai réalisé entre 2015 et 2017 à Mascarilla.
Ces images réinterprètent l’héritage intangible de la communauté afro-équatorienne des hauts plateaux. […] Ce projet m’a aidée à comprendre comment les images peuvent renforcer les perspectives d’oppression. J’ai décidé, grâce à ce village, de me situer de l’autre côté et de raconter les histoires de la dignité des gens.”
“Un bar sur l’île de la Grenade”, 1979. (© Alex Webb/Magnum Photos)
“Quand j’étais jeune photographe, je voulais travailler exclusivement en noir et blanc. Je trouvais que la couleur, c’était vulgaire, réservé à la photo commerciale – pas du tout là où se trouvait le cœur de la photographie selon moi. À la fin des années 1970 cependant, après quatre années passées à faire des photos dans les Caraïbes et le long de la frontière américano-mexicaine, je me suis rendu compte qu’il manquait quelque chose à mes images : je n’abordais pas les couleurs intenses et la lumière brillante de ces territoires, si différentes du gris/brun de mon enfance dans la Nouvelle-Angleterre, aux États-Unis.
Je me suis mis à la couleur et je ne l’ai plus jamais lâchée. Cette image prise dans un bar à la Grenade (dont le rouge, le vert et le jaune rappellent les couleurs du drapeau de cette nation caribéenne) m’a aidé à me mettre à la couleur. Cette image a fini par devenir la photo de couverture de mon premier livre.”
“Route 12”, Wisconsin, États-Unis. 1963. (© Danny Lyon/Magnum Photos)
“Skip Richheimer, un motard, un photographe et moi allions à une course, en dehors de la ville d’Elkhorn, dans le Wisconsin. Cinq motards sont arrivés derrière nous et nous ont contournés, comme un essaim d’abeilles. Ils ont atteint un pont, ce qui fait qu’ils avaient l’air de se détacher du sol. Un des bikers s’est penché sur le côté pour en dépasser un autre. C’était le magnifique langage corporel des motards.
Au printemps suivant, j’ai montré mes images de ces bikers au conservateur de l’Art Institute of Chicago. Le 8 mai 1963, il m’a envoyé une lettre qui disait ceci : ‘Comme j’aimerais avoir assez d’influence pour qu’il existe un livre sur ces hommes, avec un texte écrit par quelqu’un comme William Burroughs, James Jones ou John Dos Passos, édité par une grande maison de publication comme Conzett & Huber à Zurich ou Pizzi à Milan.’ Il citait trois des plus grands écrivains vivants et deux des meilleures maisons d’édition du monde. J’avais 21 ans. Cette lettre a changé ma vie.”
“Bob Dylan devant sa maison de Byrdcliffe”, Woodstock, New York, États-Unis, 1968. (© Elliott Landy/Magnum Photos)
“C’est pour capturer un moment éphémère de bonheur et pour pouvoir le partager avec d’autres que je me suis mis à la photographie – et c’est pour ça que je continue aujourd’hui. Ce que je préfère quand je regarde une image que je viens de prendre, c’est de voir quelque chose d’inédit. Donc j’ai toujours adoré expérimenter. C’est comme ça que je me suis mis à jouer avec des pellicules infrarouges dans les années 1960. Il était impossible de savoir comment allaient sortir les photographies, puisque les couleurs de l’image dépendent de la lumière infrarouge, invisible à l’œil nu.
Quand j’utilisais une pellicule infrarouge, j’essayais une grande variété de filtres colorés. Cette image était une surprise totale pour moi. En fait, ni Bob ni moi ne nous étions rendu compte de sa puissance et de sa beauté quand on l’a regardée pour la première fois, alors qu’on cherchait une image pour la couverture du ‘Saturday Evening Post’. Je ne me souviens même pas qu’on l’ait commentée. Cette image reflète le dépaysement de sa musique, différente de tout ce qu’on avait connu auparavant.”
“Vue depuis une fenêtre : la danse des robes”, Rome, Italie, 1953. (© Herbert List/Magnum Photos)
“Herbert List s’était blessé pendant l’été 1953, il a pris toutes ses images depuis sa fenêtre. Il utilisait pour la première fois un téléobjectif”, précise le fonds Herbert List.
Afghanistan, mars 2010. (© Moises Saman/Magnum Photos)
“Cette photographie est l’une des dernières que j’ai prises en Afghanistan, après avoir passé dix ans à documenter la plus longue guerre des États-Unis. Sur cette image, un tout nouveau chef de district installé par les Américains rencontrait des aînés de la ville pour la première fois depuis que les Marines avaient pris cette région aux Talibans.
Dix ans de guerre ont passé depuis cette photo, mais je trouve que ce moment de 2010 représente un tournant décisif dans l’incapacité des États-Unis et de leur guerre à apporter de la paix et de la stabilité à l’Afghanistan.”
Rivière Yenisei, Kyzyl, Russie, 2018. (© Nanna Heitmann/Magnum Photos)
“Pendant moins d’une seconde, deux athlètes se tiennent près l’un de l’autre. Leurs yeux sont fermés, leurs têtes sont penchées, comme s’ils allaient s’enlacer paisiblement. J’ai essayé de capturer cette scène avant que ne commence la lutte […].”
“Salem lave sa fille de 5 ans et sa nièce dans la seule pièce qui survit, dans sa maison ravagée par la guerre à Gaza, 2015”. (© Wissam Nassar/Magnum Photos)
“Cette image a marqué un tournant dans ma carrière, un moment où mes images de la guerre étaient vues par des millions de personnes. J’ai travaillé sur la bande de Gaza ces quinze dernières années et j’ai tout vu, menant une vie de guerre et de reconstruction. Mais je trouve que les images les plus authentiques que j’ai réalisées ont été faites lors de rares moments de grâce. […]
Je me concentre sur la façon dont les gens essaient de mener des vies normales, en passant du temps dans les parcs, sur les plages, dans les cafés, malgré les ruines éparpillées tout autour d’eux.”
“Turning Points”, la vente Magnum (en collaboration avec The Everyday Projects) a lieu jusqu’au dimanche 12 avril 2020. Les tirages de 100 artistes, signés ou visés, seront exceptionnellement mis en vente à 100 dollars sur le site de Magnum.
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