La Récupératrice, chapitre 18 : déesse

La Récupératrice, chapitre 18 : déesse

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©chario spirale

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Par François Faribeault

Publié le , modifié le

Découvrez notre saga de science-fiction qui, cette semaine, nous offre (enfin) la vérité.

En 2024, Konbini se lance dans la fiction. Chaque semaine, retrouvez sur le site un nouveau chapitre des aventures de La Récupératrice, une mercenaire de l’espace qui accomplit toutes ses missions avec bienveillance et tendresse. C’est imaginé et écrit par François Faribeault, journaliste bourré de talent, incroyablement sympathique et agréable à l’œil nu (ce n’est pas lui qui a écrit ce paragraphe).

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— R, laisse-moi conter mon histoire. Notre histoire. Il est important que tu saches tout avant de pouvoir juger mon acte.
En suspension dans l’espace, l’Unicube voguait sans direction ni destination. Il attendait qu’on lui donne un cap. Il attendait que se termine en son cœur l’un des moments les plus importants de l’histoire de la Galaxie.
— Très bien, répondit R. Je t’écoute.

Gladys prit le temps de s’asseoir. Elle posa son épée à ses côtés, trouva la meilleure manière de commencer son récit, puis se lança :
— Toi et moi sommes des Grands Dieux. Nous étions en tout dix-neuf. Dix-neuf êtres immortels et invincibles. Dix-neuf à régner sur la Galaxie, chacun sa planète comme trône, chacun sa région comme royaume. J’étais connue comme la combattante la plus douée. Épée en main, personne ne pouvait me résister. Mais au-delà de ce statut, j’étais encore plus fière d’être ton bras droit.
— J’étais ta cheffe ?

— Mieux encore. R, je sais que ça peut être difficile à entendre, mais tu étais la Reine des Grands Dieux. Tu étais notre guide, la plus puissante et respectée des divinités. Ensemble, nous avons dirigé la Galaxie pendant des siècles. Notre aura éclairait les moindres recoins de l’espace. Toi et moi, nous étions Grandes. Oh, R, nous étions si Grandes, tu ne peux pas imaginer à quel point nous nous tenions au sommet de toutes les civilisations.
Puis il y eut le Dieu traître. Enfin, la Déesse. Elle révéla les secrets de l’immortalité à ceux qui voulaient nous voler notre place, une bande de parjures menée par Kalindi Tournesol. Sachant enfin comment briser nos serments nous liant à la vie éternelle, ils nous attaquèrent sur nos terres. Ce fut une purge, ce qu’ils ont appelé par la suite la Chute. Quatorze d’entre nous perdirent la vie. Je réussis à m’échapper, mais pas toi.
Les deux autres et moi pensions d’abord à prendre notre revanche. Mais sans toi, nous n’avions aucune chance. Aucune. En ton absence, nous devions agir autrement.
Nous savions qu’ils ne connaissaient pas le secret de ton immortalité. Les nôtres, oui, mais pas le tien. Ils ne pouvaient donc pas te tuer. Ils ne pouvaient que te garder prisonnière.
Alors, nous décidâmes de nous séparer, de nous cacher, et de préparer notre retour, en espérant que tu réapparaisses un jour.
Je choisis de me cacher sur une planète reculée et au retard technologique conséquent afin de ne pas attirer l’attention de ce nouvel Empire Bienveillant. J’ai attendu cinquante ans. Cinquante ans de solitude, entourée d’une civilisation de primates incultes.
Puis, quand j’ai jugé le moment opportun, j’ai libéré ma balise en orbite de la planète. Cette balise lançait un message depuis le ciel, affichant le visage d’un Dieu ordonnant au peuple d’en bas de s’affronter jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un.
— C’est donc toi qui…
— Attends, R, s’il te plaît. Aussi, cette balise envoyait un message dans l’espace, que seul ton cube, ou un autre vaisseau appartenant aux Grands Dieux, pouvait capter. J’ai attendu cinq années supplémentaires que tu t’en approches. Pendant ces cinq années, je me suis battue pour ma survie.

Le hasard fait que tu as débarqué le jour où je mettais fin à mon combat. Mais je ne savais pas ce que tu étais devenue, alors j’ai guetté ta réaction. Mais rien. Il était clair que tu ne me reconnaissais pas, malgré les siècles passés à grandir ensemble. L’Empire avait effacé ta mémoire et t’avait transformée en l’une de ses agents, sous couvert d’une liberté illusoire.
Je pensai d’abord tout te dire, mais c’était trop risqué. Jamais tu ne m’aurais crue. Je décidai donc de ne rien te révéler, espérant que tes souvenirs reviendraient d’eux-mêmes. J’ai accepté ton projet de me faire déposer mon épée. J’ai accepté de me taire, car je ne te pensais pas prête.

Un autre hasard, c’est que, très vite, tu m’as emmenée sur Champp, la Planète-Capitale. Je n’avais jamais réfléchi à un plan concret pour faire tomber l’Empire, mais l’occasion fut trop belle pour ne pas la saisir. Je t’ai dit que je restais dans le vaisseau pour ensuite m’en extraire afin d’assassiner celle qui était à l’origine de tout ce chaos : l’Impératrice Tournesol.

Gladys s’arrêta enfin de parler. Comme sur Astre-460, elle attendait une réaction de son amie.
— Gladys… ça fait beaucoup d’informations… je… je ne sais plus quoi penser.
— Prends ton temps.
— Ce n’est pas possible pour l’Impératrice. Je me suis rendue sur Champp avant de te rencontrer.
— Non. Ta mémoire a été modifiée je ne sais comment, la chronologie des faits est biaisée. Mais je te le redis, j’ai mis fin aux jours de l’Impératrice.
— Pourquoi me dire tout ça maintenant ? Pourquoi m’avouer que tu as commis le pire meurtre de la Galaxie ?
— Car j’en ai marre de jouer à ce jeu de la disciple qui cherche un chemin vers la paix intérieure. J’en ai assez d’attendre qu’un élément déclencheur me fasse retrouver l’amie que j’avais. Alors, je te révèle ce que j’aurais dû te révéler il y a de ça bien longtemps.
— Comment te croire, Gladys ? Comment savoir si tu me dis la vérité, ou si tu me crées un faux passé afin de me manipuler ?
— Je comprends tes doutes, mais c’est l’Empire qui s’est joué de toi, pas moi. R, tu es une reine millénaire. Tu es bien plus importante qu’on ne veut te le faire penser.

R ne parvenait plus à avoir la moindre pensée logique. Elle tentait de recoller les morceaux des souvenirs éparpillés dans les tréfonds de sa mémoire, mais tout paraissait flou et désordonné. Plus rien n’avait de sens.
— Je ne me sens pas bien.
— Prends ton temps, R. Je sais que ça fait beaucoup à encaisser.

R ne savait même pas comment réagir. Devait-elle seulement réagir ? Devait-elle laisser sa colère prendre encore une fois le dessus ? Ou faire preuve de bienveillance ? Sa nouvelle amie lui avait caché la vérité, mais c’était pour son bien. Était-ce si condamnable ?

Et puis il y avait le meurtre de l’Impératrice. Si c’était vrai, c’était grave. Si grave que R en venait à oublier le quadruple meurtre que venait de commettre Gladys dans la prison.

C’était trop compliqué. Trop de repères s’effritaient. R devait trouver ses réponses ailleurs, et seule une autre personne les détenait : Therissa.

Therissa lui dirait la vérité. Après tout, Therissa avait toujours été là pour elle. Gladys n’était qu’une inconnue, mais Therissa était son amie depuis le début.

R prit le contrôle de l’Unicube. Le vaisseau avait enfin une destination : la planète Clairri.

La suite dans le chapitre 19.

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