La mort dans tous ses états : les films asiatiques qu’on a aimés au Festival de Tokyo

La mort dans tous ses états : les films asiatiques qu’on a aimés au Festival de Tokyo

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(© TIFF)

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Par Manon Marcillat

Publié le

Une sélection de coups de cœur hantés.

Actuellement, à Tokyo, se tient la 37e édition du TIFF, le Festival du film international de Tokyo, que l’on a la chance de pouvoir couvrir. Dopés aux dorayaki pour accuser le coup du jet-lag, on enchaîne les projections dans le petit cinéma Ginza pour y découvrir des talents venus d’Asie. Hasard de notre calendrier de projection ou véritable obsession cinématographique de cette nouvelle génération de réalisateurs asiatiques, la mort était au cœur de tous nos coups de cœur.

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The Last Dance, d’Anselm Chan Mou Yin

C’est donc la mort dans tous ses états qui infuse The Last Dance, le troisième long-métrage du cinéaste hongkongais Anselm Chan Mou Yin. Pourtant, on a souri autant qu’on a été émus. Avant la pandémie, Dominic (Dayo Wong, une star de la comédie à Hong Kong) possédait un business de wedding planner florissant, mais le Covid a mis à mal l’industrie du mariage, en même temps qu’il a enrichi celle de la mort. Très terre à terre et criblé de dettes, il se reconvertit donc dans les pompes funèbres et va devoir faire équipe avec Master Man, un vieux prêtre taoïste très respecté. L’un prend en charge les corps et organise des funérailles très créatives, l’autre s’occupe des âmes, en brisant pour elles les portes des enfers selon la tradition cantonaise, et y voit donc une mission beaucoup plus noble.

Autour de ce duo pas très assorti s’orchestre un ballet de la mort, d’un côté ceux pour qui elle est une question spirituelle, et de l’autre ceux pour qui elle est surtout mercantile, avec au milieu ceux qui doivent l’éviter à tout prix au quotidien, comme Yuet, la fille de Master Man, urgentiste. Dans une société où le soin des aînés et le respect des ancêtres est une valeur suprême, souvent en contradiction avec nos sociétés modernes et progressistes, le film prend alors des airs de passionnante variation sur la mort.

Papa, de Philip Yung

C’est encore la mort, mais dans ce qu’elle a de plus violent et effroyable, qui plane sur le film de Philip Yung, lui aussi réalisateur hongkongais. Et comme The Last Dance, Papa se conclut lui aussi sur le même rituel taoïste, celui qui brise la porte des enfers pour les morts. Mais ici, ce sont une mère et sa fillette que l’on enterre, sauvagement assassinées par leur fils et frère, lors d’une crise de démence paranoïaque. Son acte était pragmatique et son obsession écologique : il y a trop de gens sur terre.

Mais là n’est pas tant le sujet du film qui s’applique davantage à dresser le portrait fragmenté de Yuen, ce père désormais veuf et endeuillé, de 1997, année où il rencontre sa future femme, à 2013, année où son assassin de fils a l’autorisation de sortir de l’hôpital psychiatrique. Au milieu, on jongle entre scènes de vie anecdotiques, dans des restaurants ou des karaokés de Hong Kong, souvenirs familiaux paisibles et moments de bascule, celui du passage à l’acte ou, plus tard, celui du retour à la maison du fils. Entre effroi et émotions, Papa réussit son pari.

My Friend An Delie, de Dong Zijian

Première réalisation de l’acteur chinois Dong Zijian, adaptée du roman éponyme de Shuang Xuetao, My Friend An Delie est rapidement nimbé d’une étrangeté flottante. D’un fantôme, il sera certainement question, et c’est celui de An Delie que Li Mo rencontre dans l’avion, en route pour les funérailles de son père dans le nord de la Chine. Amis d’enfance, An Delie ne le reconnaît pas, pourtant ils se rendent au même enterrement.

Dans leur voyage commun, à bord d’une voiture de location, viendront s’entremêler des souvenirs d’une enfance abîmée, qui pourrait évoquer L’Innocence d’Hirokazu Kore-eda, et dans le brouillard de l’hiver chinois, tandis qu’il revient sur les terres de son enfance, Li Mo reconstitue le puzzle de son amnésie traumatique tandis que l’on perd peu à peu nos repères.

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The Bear Wait, de Takino Hirohito

La mort et les fantômes hantent également les vacances de Takashi, un petit garçon de huit ans qui passe son été avec sa tante Yayako dans l’ancienne maison de son grand-père décédé que cette dernière a investie pour composer son prochain scénario. C’est un été mélancolique pour l’un comme pour l’autre et Takashi égrène le temps qui s’écoule lentement en arrachant, quotidiennement et consciencieusement, les pages du calendrier.

Yayako a pour habitude de mêler, voire confondre, sa vie personnelle à ses fictions, et en remontant le fil des journaux de son grand-père, qui fut prisonnier pendant la guerre, elle essaie d’en percer le secret qu’il a voulu garder. Les histoires vont alors se fondre et leurs quêtes respectives, pour comprendre ce grand-père et arrière-grand-père plein de mystères, vont alors s’entremêler dans le scénario de Yayako et dans ce film d’errance, allégorique et poétique.

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