Avez-vous déjà entendu parler de Moritz Kraus et de ses toiles minimalistes vendues plusieurs milliers d’euros ? Si vous ne connaissez pas son nom, votre premier réflexe est peut-être de taper son nom sur Internet et de finir votre course sur Instagram.
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Aujourd’hui, les pages dédiées à l’artiste affichent des messages d’erreur mais il y a plusieurs mois encore, vous auriez pu tomber dans le panneau et admirer les œuvres de l’artiste et les commentaires de collectionneurs et collectionneuses passionné·e·s.
C’est peu ou prou ce qui est arrivé à un collectionneur surnommé Alex D, dont l’histoire est rapportée par la journaliste Kate Brown, sur Artnet. L’homme en question aurait acheté une toile de Moritz Kraus après être tombé sur des images de ses œuvres et avoir découvert les commentaires enjoués d’un groupe de collectionneur·se·s italien·ne·s connaissant son travail.
Malheureusement pour Alex D., ni la viticultrice véronaise Raffaele Sartori, ni l’entrepreneuse mode Beatrice Rinaldi, l’héritier Carlo Alberto Ferri ou encore l’homme d’affaires Pier Paolo Lonati – qui commentaient régulièrement le travail de Moritz Kraus – n’existent.
Motivé par leur exaltation, Alex D. rapporte avoir acquis des œuvres signées Moritz Kraus pour “des sommes à cinq chiffres”. Selon Artnet, au moins un autre collectionneur a confié être tombé dans le panneau, pour des sommes similaires.
Le pot aux roses dévoilé
L’affaire s’est délitée après quelques mois, à la fin de l’année 2021, lorsque le marchand d’art italien Federico Vavassori est tombé sur le compte Instagram d’un collectionneur inconnu (“Pier Paolo Lonati”). Sur le profil, Federico Vavassori a découvert des œuvres signées de ses artistes, légèrement modifiées.
Cette première bizarrerie démasquée, il n’a pas fallu longtemps avant que les comptes soient supprimés et qu’on découvre qu’en plus de publier des œuvres modifiées, les profils partageaient les travaux d’un artiste fictif : le fameux Moritz Kraus.
Arnaque, projet critique ou les deux ?
Les arnaques ont beau être monnaie courante dans le monde de l’art, la facilité avec laquelle quelques faux comptes Instagram ont permis de faire émerger un faux nom en tant qu’artiste prometteur (et vendeur) est quelque peu déconcertante.
Kate Brown rapporte que Federico Vavassori aurait lancé une action en justice pour retrouver les propriétaires des faux profils. L’affaire reste en suspens et, en attendant, les esprits s’échauffent : s’agit-il d’une arnaque rondement menée, d’un projet artistique contemporain sur l’esbroufe du monde de l’art ou d’une démonstration de la poudre aux yeux que permet Instagram pour faire monter les cotes d’artistes et personnalités en tout genre ? Le débat reste ouvert et il n’est pas impossible que la réponse soit plurielle.