La folle histoire de ce procès à 2 millions où un artiste doit prouver qu’un tableau n’est PAS le sien

La folle histoire de ce procès à 2 millions où un artiste doit prouver qu’un tableau n’est PAS le sien

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© Presley Ann/Patrick McMullan via Getty Images ; © Peter Doige (?)

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Par Lise Lanot

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C’est le monde à l’envers : Peter Doig doit prouver qu’il n’est PAS l’auteur d’un tableau.

C’est un procès plutôt étonnant qui s’est enfin terminé il y a peu à Chicago. Le peintre Peter Doig y a gagné 2,5 millions de dollars (environ 2,3 millions d’euros) en prouvant qu’il n’était pas l’auteur d’une œuvre datant de 1976. L’affaire est inhabituelle sachant que, d’ordinaire, les artistes se battent plutôt pour revendiquer leurs droits d’auteur·rice et leur propriété intellectuelle sur des œuvres d’art.

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Mais l’artiste en question n’est pas n’importe qui. La plupart des œuvres de Peter Doig sont achetées plusieurs millions de dollars. En novembre 2021, son Swamped partait pour 39 millions de dollars à New York. Nombreuses sont les personnes à vouloir mettre la main sur l’un de ses travaux. À condition, évidemment, que ces derniers soient authentifiés.

Peter Doig en avril 2018. (© Presley Ann/Patrick McMullan via Getty Images)

Ce qui ne semble pas être le cas d’une œuvre détenue par un certain Robert Fletcher. L’ancien agent de correction affirme pourtant le contraire depuis une bonne dizaine d’années. Après que Peter Doig a affirmé qu’il n’avait jamais peint l’œuvre en question, Robert Fletcher avait décidé de poursuivre l’artiste en justice, en 2013. Le procès, visant à dire : “Si, c’est toi qui as peint ce truc d’abord”, avait été reconnu comme “un des cas d’authentification d’œuvres d’art les plus bizarres de ces derniers temps”, par le New York Times.

Robert Fletcher affirmait avoir connu le peintre dans les années 1970, alors qu’il travaillait dans un centre de détention où Peter Doig aurait été incarcéré dans sa jeunesse. Le peintre a toujours démenti avoir été incarcéré au sein du Thunder Bay Correctional Center. Pourtant, les déclarations des avocat·e·s de Robert Fletcher, avançant qu’il y aurait eu “un trou dans l’adolescence” de Peter Doig, avaient convaincu un juge fédéral de Chicago de tout de même fixer une audience, en 2016. Cette décision avait causé “la stupéfaction” de l’artiste et d’une bonne partie du “monde de l’art”, contait alors le New York Times.

Un “E” d’importance

Le 30 décembre 2022, le verdict est tombé : Peter Doig n’est pas l’auteur de l’œuvre appartenant à Robert Fletcher et, pour les préjudices subis, il doit donc recevoir 2,5 millions de dollars. Le peintre a déclaré, via son avocat, qu’il ferait don de l’argent reçu à une organisation permettant aux personnes incarcérées d’avoir accès à l’art.

Nouveau retournement de situation, l’auteur de l’œuvre de Fletcher serait potentiellement un certain Peter Edward Doige, avec un “E”, un homme décédé en 2012 qui a bien été incarcéré au Thunder Bay Correctional Center, rapporte le New York Times. Véritable erreur sur la personne ou tentative d’arnaque, le mystère reste entier mais, quel qu’il soit, il coûtera bien cher à Robert Fletcher.