La folle histoire de cet homme qui créait des faux Basquiat (et a oublié d’effacer son nom d’un carton)

Jean-Michel Basquiapeuprès

La folle histoire de cet homme qui créait des faux Basquiat (et a oublié d’effacer son nom d’un carton)

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© Patrick McMullan/Getty Images

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Par Lise Lanot

Publié le , modifié le

Après des mois passés à mentir au FBI, Michael Barzman a enfin tout avoué et expliqué son mode opératoire.

Tandis qu’à Paris, les expositions consacrées à Jean-Michel Basquiat battent leur plein (à la Fondation Vuitton, qui présente sa collaboration avec Andy Warhol et accueillera ce vendredi 14 avril un concert de Jay-Z, et à la Philharmonie de Paris, qui célèbre l’amour du peintre pour la musique), outre-Atlantique, le travail de l’artiste est mêlé à une sombre histoire de trafic depuis un an.

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Tout a commencé avec l’exposition “Heroes and Monsters: The Thaddeus Mumford, Jr. Venice Collection”, organisée par l’Orlando Museum of Art en 2022. Après quelques mois d’exposition, l’événement avait fait les gros titres des journaux lorsqu’on s’était rendu compte que les 25 toiles de Jean-Michel Basquiat présentées étaient malheureusement… des faux.

L’histoire était sans doute trop belle pour être vraie. Le musée floridien rapporte que les toiles avaient été retrouvées en 2012 dans un espace de stockage de Los Angeles appartenant au scénariste, décédé en 2018, Thaddeus Mumford. Ce dernier les aurait achetées pour 5 000 dollars (soit environ 14 000 dollars aujourd’hui, une somme infime comparée aux montants exorbitants auxquels s’arrachent désormais les œuvres de Basquiat), avant de devoir s’en séparer pour éponger ses dettes. Une semaine avant la fin de l’exposition, le 24 juin 2021, le FBI avait organisé une descente dans le musée et saisi chacune des 25 peintures.

Un peu moins d’un an plus tard, un commissaire-priseur de Los Angeles a (enfin) avoué avoir participé à la création de ces faux. Ce 11 avril 2023, face aux accusations qui pesaient sur lui et voyant le couperet de la vérité se rapprocher, Michael Barzman a dû se résoudre à confesser ses crimes et à plaider coupable, rapporte Hyperallergic.

Accompagné d’un mystérieux J. F. (tel qu’il est nommé dans les documents partagés par le bureau du procureur californien), Michael Barzman aurait commencé à créer des faux Basquiat en 2012. Le duo aurait réalisé “entre 20 et 30 œuvres” destinées à être vendues afin de se partager les bénéfices.

En plaidant sa culpabilité et en acceptant de tout expliquer au FBI (à qui il avait menti l’année dernière), le commissaire-priseur vise un arrangement juridique. Il a confié au procureur que les œuvres étaient réalisées en “30 minutes maximum” chacune par J. F. Michael Barzman était ensuite chargé de les vendre sur eBay et avait sciemment rédigé des faux documents sous pli notarial qui leur inventaient une fausse provenance : l’espace de stockage de Thaddeus Mumford.

Un oubli crucial

Dès la “découverte” des œuvres, le travail du duo n’avait pas convaincu tout le monde. À l’époque de l’exposition floridienne, un expert nommé Lindon Leader notait déjà que l’un des cartons FedEx utilisé en support des tableaux n’avait été commercialisé par l’entreprise états-unienne qu’en 1994 : la police du logo “semble être en Univers 67 Bold Condensed. [FedEx] n’utilisait pas Univers en 1982″.

Pire encore, le nom de Michael Barzman apparaissait sur l’un des cartons. Décidément déterminé et peu froussard, il avait continué de nier son implication et de mentir au FBI. Le secret de Michael Barzman et de J.F. a cependant été gardé grâce à la certitude de voix opposées : Aaron De Groft, alors directeur du musée d’Orlando, affirmait n’avoir “absolument aucun doute sur le fait que c’était des Basquiat” qu’il exposait.

Il ne s’était pas trompé sur toute la ligne puisqu’il déclarait également qu’à travers “Heroes and Monsters: The Thaddeus Mumford, Jr. Venice Collection”, c’était sa “réputation” qui était “en jeu”. Aaron De Groft n’est effectivement plus à la tête du musée – mais il n’est pour le moment visé par aucune accusation. De son côté, Michael Barzman a enfin avoué la vérité, mais sans doute trop tard : il risque jusqu’à cinq ans de prison pour faux témoignage auprès d’une agence gouvernementale. L’enquête est toujours en cours.

Édit du 22 août 2023 : Le New York Times a annoncé ce 18 août que le magistrat en charge de l’affaire avait condamné Michael Barzman à 500 heures de travaux d’intérêt général, une amende de 500 dollars et 3 ans de sursis. Ferme évité de justesse pour le faussaire.