La photographe vénézuélienne Fabiola Ferrero a reçu le prix Carmignac du photojournalisme lors du festival Visa pour l’image à Perpignan, pour son travail sur la débâcle économique de son pays natal et la lente disparition de la classe moyenne.
À voir aussi sur Konbini
“Tout mon travail, au cours des cinq dernières années au Venezuela, a eu un ton très nostalgique, de deuil, pour avoir perdu non seulement des proches, parce qu’ils ont dû quitter le pays, mais aussi de perte de la chose la plus fondamentale : la normalité que nous connaissions”, a-t-elle confié à l’AFP. Environ 60 images composent le projet, fruit de cinq années de travail, dont six mois financés par le prix Carmignac, doté de 50 000 euros. Une partie de ce travail sera exposée au Réfectoire des Cordeliers, à Paris, du 28 octobre au 22 novembre 2022.
Ancien ouvrier des mines de sel, il écrit des poèmes sur les années dorées de son entreprise : “En la voyant transformée en ruines, mon cœur est déchiré, et avec le temps, ils l’ont transformée en ferraille”, peut-on lire dans l’un de ses poèmes. (© Fabiola Ferrero/Fondation Carmignac)
Fabiola Ferrero montre dans sa série le délabrement des endroits emblématiques du Venezuela, comme les lotissements construits pendant des décennies par la compagnie pétrolière d’État PDVSA, quand ses milliers de travailleur·se·s œuvraient pour le secteur clé du développement du pays.
Plus de cinq millions de vénézuélien·ne·s ont depuis dû quitter leur pays à cause de la crise économique et sociale. Autrefois l’un de plus riches d’Amérique latine, le pays a maintenant besoin d’une aide humanitaire que l’ONU a commencé à distribuer en 2019.
Auristela Salazar (87 ans), assise sur un banc devant sa maison dans la ville pétrolière de Cabimas, dans l’État de Zulia, en mars 2022. Toute sa vie, elle a été une athlète des compagnies pétrolières où toute sa famille travaillait également. Aujourd’hui, elle se souvient de l’époque où son père était ouvrier pétrolier et conserve de nombreux albums photo. Elle vit seule dans sa maison. Comme pour beaucoup, elle souffre de coupures de courant constantes et de problèmes avec les services de base. Auristela garde toujours la cuisine allumée, afin de savoir quand le gaz est de retour pour enfin cuisiner. (© Fabiola Ferrero/Fondation Carmignac)
“Au-delà de la classe moyenne, je dirais que je parle des traces d’une promesse qui nous a été faite. Pendant toute mon enfance, on nous a dit et répété que c’était le pays du pétrole, où tout était possible”, se souvient la photographe, collaboratrice de médias internationaux tels que Time ou National Geographic et déjà lauréate du prix de photographie Inge Morath, décerné par l’agence Magnum.
“Il est très simpliste de blâmer un seul facteur. On l’attribue souvent à l’arrivée de Hugo Chávez”, l’ancien président vénézuélien (1999-2013), poursuit la photographe de 30 ans. “Mais si une seule personne a pu détruire toutes ces institutions au fil des années, cela veut dire que ces institutions n’étaient pas très solides” au départ.
Les inégalités se sont encore creusées au fil de ces dernières années, sur un fond de pandémie et de tensions politiques. Les inégalités sociales “sont plus profondes que pendant mon enfance”, confie Fabiola Ferrero.
Jeonaldo Rodríguez dans sa maison à Campo Alegría, un camp pétrolier situé dans l’État de Zulia, en février 2022. Il a travaillé pendant 22 ans dans l’industrie pétrolière jusqu’à ce qu’il soit licencié en 2003 après la grève nationale du pétrole. Son nom est apparu dans la presse en faisant partie des célèbres listes établies par le défunt président Hugo Chávez pour licencier toutes les personnes impliquées dans cette grève. Il vit désormais de l’élevage de vaches, échangeant leur lait contre d’autres produits alimentaires. La maison dans laquelle il vit est toujours légalement la propriété de la PDVSA, la compagnie pétrolière d’État. (© Fabiola Ferrero/Fondation Carmignac)