Julia Fox serait-elle la nouvelle icône des internets dont le monde a besoin ?

Julia Fox serait-elle la nouvelle icône des internets dont le monde a besoin ?

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le , modifié le

Lettre d’amour à Julia Fox, "la fille la plus cool d’Internet". En tout cas, en ce moment.

“Julia Fox présidente”. Sur les réseaux sociaux, l’artiste, mannequin et actrice se révèle sans fards. Depuis quelques semaines, pas un jour ne passe sans qu’on entende parler d’elle. Certain·e·s ne voient qu’une “fille blanche” à qui on prête trop d’attention, à mi-chemin entre Taylor Swift et Kim Kardashian. D’autres lui trouvent une aura unique et un militantisme sans réserve.

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Comme Emily Ratajkowski, Julia Fox a su transformer son image, sous le regard misogyne et objectifiant du public. De second rôle à phénomène Internet, elle incarne aujourd’hui une antihéroïne, icône malgré elle, qui n’a cessé de savoir rebondir. Décryptage, car on va continuer d’entendre parler d’elle.

Une icône artistique

La vie n’a pas été tendre avec notre icône. Après une enfance modeste, Julia Fox a été addict aux drogues dures et sans domicile fixe, à plusieurs reprises. Outre le mannequinat et le cinéma, la star aux multiples visages mène également une carrière d’artiste.

En 2015, elle autoédite Symptomatic of a Relationship Gone Sour: Heartburn/Nausea, puis PTSD, en 2016, deux ouvrages photographiques très personnels sur la violence au sein des relations amoureuses, les traumatismes qui en découlent et “la culpabilité du catholicisme moderne”. Un an plus tard, elle organise sa propre exposition, “R.I.P. Julia Fox”, et présente des toiles peintes avec son propre sang.

Cet événement résonne avec les différentes expériences de mort imminente qu’elle a connues, notamment avec l’overdose qu’elle a frôlée alors qu’elle n’avait que 17 ans. En 2021, elle signe Fantasy Girls, un court métrage sur des adolescentes travailleuses du sexe à Reno, dans le Nevada. Aujourd’hui encore, l’art est son principal mode d’expression, une catharsis qui l’aide à lutter contre ses démons.

Une icône underground

Quand on pense à Julia Fox, son rôle dans Uncut Gems, des frères Safdie, revient immédiatement en tête. Dès le début de sa carrière, l’actrice a affiché ses tendances underground en s’associant aux deux frères-réalisateurs qui règnent en grands maîtres sur le cinéma indépendant états-unien.

Élue “fille la plus cool d’Internet” par notre journaliste mode Coumbis Hope Lowie, cette “contre-icône” s’inscrit dans “la lignée des femmes qui se réapproprient les codes de l’anti-sexy”. Elle dicte ce qui fait la mode, et elle est très, très, très créative, à tel point qu’elle est capable de concevoir une robe avec des feuilles mortes cueillies dans un parc, ou de remettre au goût du jour les brassières en jean.

Fox est irrévérencieuse, ne s’excuse de rien, assume tout, ne fait aucun effort, et c’est rafraîchissant. Elle affirme haut et fort ne pas aimer le sexe, qu’elle préfère mille fois “prendre de l’ayahuasca et voir Dieu” plutôt que de baiser, qu’elle se “porte même mieux sans”, malgré l’hypersexualisation de son corps dans les médias et au cinéma, notamment dans le film Private Chat, dans lequel elle incarne une cam girl. Ancienne dominatrix, Fox se dit “désensibilisée” au sexe et raconte que ses ex-copains la pensaient “lesbienne” parce qu’elle ne voulait “jamais baiser”.

Une icône féministe

Si son rôle dans Uncut Gems l’a révélée auprès d’un public cinéphile pointu, c’est sa courte relation avec Kanye West qui l’a propulsée auprès d’un public plus large. Une stratégie jugée opportuniste pour certain·e·s, et intelligente pour d’autres. Après leur rupture, l’actrice a avoué être sortie avec Ye simplement pour qu’il laisse Kim Kardashian tranquille, elle qui subissait un divorce ultra-médiatisé et houleux.

Beaucoup pensent que cette excuse était aussi opportuniste et fausse mais là n’est pas la question. Julia Fox aurait pu être enterrée, oubliée, après cette séparation. Pourtant, l’activiste a su rebondir, pour culminer au sommet de son talent. Grâce à cette déclaration, le public s’est davantage penché sur ses valeurs féministes, épluchant chacune de ses vidéos TikTok. Elles sont nombreuses, parfois chaotiques mais toujours intéressantes.

@juliafox

Let’s bleach our brows together! Ps I could give two shits If you don’t like them so if that’s the case keep scrolling This is not for you

original sound - Julia fox

Vidéo après vidéo, Fox étale son éveil féministe, voyant ses abonné·e·s très réceptif·ve·s, scandant des “Julia Fox présidente !”, en commentaires. Dans une vidéo, elle concède sans pression qu’elle s’est teint les sourcils pour “repousser les hommes”. Dans une autre, elle aborde non sans ambage que le problème de la pédocriminalité n’est pas une question de milieu professionnel : “C’est l’homme, le problème !

À la question “pourquoi les femmes divorcent-elles plus que les hommes ?”, l’actrice répond calmement que les hommes “sont trop lâches pour partir quand ils ne sont plus heureux, ils préfèrent rester pour profiter de la cuisinière et de la femme de ménage gratuite donc les femmes se retrouvent à devoir prendre les initiatives”. “Les hommes ne sont pas bâtis pour le pouvoir, tu leur donnes un peu de pouvoir et ils en abusent”, conclut-elle.

@juliafox

But everyone loves pointing the finger at everyone BUT the man

♬ original sound - Julia fox

Son féminisme semble lié à des valeurs antiracistes puisqu’elle pointe régulièrement du doigt la différence de traitement entre les femmes blanches et racisées. À titre d’exemple, elle évoque les privilèges auxquels ont accès les mannequins blanches, contrairement aux modèles noires, arabes et asiatiques. Elle parle des disparités entre les white nepo babies et les black nepo babies : “Pourquoi les femmes de couleur doivent être extraordinaires pour réussir tandis que les femmes blanches y parviennent en étant putain de médiocres ?”, s’insurge la militante devant sa caméra.

Dans le talk-show Ziwe, elle clame que les hommes ne “devraient pas être autorisés à avoir de pénis”, que si elle était présidente, elle donnerait des armes à toutes les femmes, et les interdirait aux hommes. “Parce que je pense que s’ils ont un pénis, qui peut être une arme de destruction massive […], les femmes devraient avoir la même chose. Là, nous serions égaux”, rit-elle. À Emily Ratajkowski, elle dit avec humour que son homme idéal serait “un homme qu’elle n’aurait pas à voir”. En l’espace d’un mois, l’artiste est devenue un gourou voulant saigner le patriarcat.

Une icône de plein d’autres trucs

Qu’elle dise que “vieillir, c’est sexy”, qu’elle parle de mort, d’amour de soi ou qu’elle appelle les jeunes à voter, Julia Fox s’est positionnée sur bien d’autres sujets. L’actrice a récemment révélé avoir souffert d’une dépression post-partum après la naissance de son fils, participant à la libération de la parole autour de la maternité et de la santé mentale.

Dans le podcast High Low with EmRata, les deux femmes évoquent ensemble l’importance d’éduquer leurs fils loin de la “masculinité toxique”, en évitant par exemple les jouets trop genrés : “C’est difficile d’être mère célibataire, d’élever un garçon que tu ne veux pas voir devenir comme tous les mecs que tu as croisés dans ta vie. Comment arrêter ce conditionnement ?”

L’actrice a également déclaré être sur le spectre autistique et n’a pas honte de parler de ses troubles obsessionnels et de son hyperactivité l’empêchant de rester concentrée. Alors, oui, on aime Julia Fox et ses valeurs, son franc-parler et ses réflexions imparfaites, et on lui promet notre amour sans faille, tant qu’elle ne devient pas problématique.

Un grand merci à notre journaliste mode Coumbis Hope Lowie et notre journaliste art Lise Lanot pour les échanges.