C’est en mars 2022, avec le portrait de Valeria, une petite Ukrainienne de cinq ans, que l’artiste JR avait débuté Déplacé·e·s, un projet visant à mettre en lumière le sort des personnes exilées. Les mois suivants, le street artiste français s’est rendu au Rwanda, en Mauritanie, en Colombie et en Grèce afin de rappeler que, malgré l’émoi suscité par la guerre en Ukraine, le reste du monde n’était pas en reste concernant les difficultés et mouvements de populations forcés.
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Dans chaque pays, JR travaillait avec l’aide des populations sur place, des personnes en situation migratoire. Ensemble, elles imprimaient, avec JR, un portrait d’enfant sur d’immenses tissus qu’elles baladaient ensuite à travers leur village.
Cette semaine, pour la première fois, les cinq grandioses portraits ont été réunis à Turin afin de donner lieu à une seule et même procession. “Les cinq enfants réfugiés qu’on a rencontrés en Ukraine, en Mauritanie, au Rwanda, en Colombie et en Grèce peuvent enfin se retrouver afin d’organiser cette superbe action avec plus de 1 400 participant·e·s”, précise l’artiste sur son compte Instagram.
Après avoir parcouru le monde, le projet se fixe quelque temps en Italie, à Turin, le temps d’une exposition. Gratuit et évidemment ouvert à tous·tes, l’événement vise à mettre en lumière les situations vécues par des millions de personnes à travers le globe. JR souhaite ainsi mettre des visages, des noms et des situations particulières sur des drames universels, souvent noyés sous des statistiques floues.
Sont ainsi réuni·e·s Valeria, Jamal, Thierry, Mozhda et Andiara. La première enfant, âgée de cinq ans, avait donc été photographiée en Ukraine. Pour JR, elle représentait “le futur et, au milieu de cette guerre, elle nous rappelle ce pour quoi se battent les Ukrainiens”. Son portrait avait à l’époque fait la une du Time.
Notant que les histoires d’autres enfants recevaient “souvent moins d’attention de la part des médias”, JR s’était ensuite rendu en Mauritanie. Il y avait rencontré des Malien·ne·s obligé·e·s de chercher refuge au camp de Mbera, dans le Sahara, “en raison d’années de sécheresse et d’instabilité sociale et politique”. En plus du portrait de Jamal, JR et son équipe avaient collé “les portraits de 96 enfants de Mbera à travers le camp”.
Le projet s’est ensuite poursuivi au Rwanda. Dans le camp de Mugombwa, “où vivent des milliers de réfugiés congolais”, JR a photographié le petit Thierry, afin de témoigner de la vie de ces enfants, “profondément affectée par la guerre, le changement climatique ou l’instabilité sociale et politique de leur pays”.
En décembre 2022, JR et son équipe ont pris la route à Lesbos, en Grèce, une île considérée comme “la porte de l’Europe”, note le site de l’artiste, parce que nombre de demandeur·se·s d’asile, venant du Moyen-Orient ou d’Afrique sub-saharienne, y arrivent par bateaux. “Le voyage est extrêmement dangereux”, causant la mort de nombreuses personnes à bord d’embarcations précaires.
Dans le camp de l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés, JR a photographié Mozhda, une petite fille afghane photographiée “en train de s’amuser à courir avec d’autres enfants du camp”. Son portrait, imprimé sur une bâche, a ensuite été porté le long de la côte.
Enfin, en Colombie, JR avait voyagé jusqu’à la frontière vénézuélienne, à la rencontre de la communauté de Las Delicias, située près de la ville de Cúcuta. Le village, quasiment sorti de terre il y a une quinzaine d’années, a longtemps été peuplé par des Colombien·ne·s déplacé·e·s à cause des “conflits armés de leur pays”, explique The New Humanitarian.
Après une émigration colombienne vers le Venezuela, un renversement s’est opéré ces dernières années, forçant des milliers d’habitant·e·s à fuir la désastreuse situation économique. Situé à la frontière, Las Delicias est donc un endroit où tentent de survivre des personnes qui ont dû tout quitter dans l’espoir de trouver un avenir plus clément. Avec 200 volontaires, JR y avait déployé le portrait d’Andiara, “une réfugiée vénézuélienne de 6 ans ayant traversé la frontière avec sa famille en 2019”.
L’exposition “Déplacé·e·s” est gratuite et visible à la Gallerie d’Italia, à Turin, jusqu’au 16 juillet 2023.