Une autre vision des super-héros
Alors, quel regard porter sur ces histoires de super-héros ? Ces justiciers cherchent, en apparences, à faire triompher le bien, vaincre le mal. Mais Joss Whedon, l’homme qui a profondément marqué l’univers Marvel avec ses deux Avengers et sa série Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D., semble avoir une vision un peu moins manichéenne de la chose.
Il s’est laissé prendre au jeu de l’interview sur Tumblr et a lâché une petite théorie intéressante, relayée par le site Écran large. Interrogé sur les éventuels liens entre le succès de ces blockbusters et la montée des populismes un peu partout dans le monde, il a répondu :
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“Je crois que vous avez soulevé un problème qui me taraude depuis des années. Les histoires de super-héros sont fascistes, à un certain niveau. Je les aime toujours mais vous remarquerez que malgré mon intérêt pour les histoires de dépassement de soi, je déteste l’idée qu’un groupe considéré comme supérieur contrôle la masse.”
“Fasciste”, un terme récurrent
La question mérite d’être posée. Cet été déjà, nous avions pu lire, dans les colonnes de Première, des propos similaires tenus par le réalisateur John McTiernan (Die Hard 1 et 3), qui avait alors déclaré que les adaptations de comics étaient “des films faits par des fascistes”, ne créant plus que des produits d’entreprises.
L’ironie de l’histoire, c’est que ces protecteurs de l’humanité symbolisent certes, la force mais avant tout la liberté. Or, en qualifiant ces histoires de “fascistes”, Joss Whedon met en lumière l’attitude autoritaire et violente des super-héros.
On peut citer le sombre et solitaire Batman, qui impose sa loi dans les rues de Gotham ou de Matt Murdock, alias Daredevil, qui résout comme justicier des problèmes qu’il ne peut affronter en tant qu’avocat. Mais on peut aussi penser aux récents Batman v Superman ou Captain America : Civil War, deux films qui interrogent à leur manière la responsabilité morale et le statut juridique de ces êtres aux pouvoirs supérieurs.
À la base, rappelons-le, certains de ces super-héros étaient des outils de propagande utilisés par les Américains dans la lutte contre le nazisme et, plus tard, d’autres régimes totalitaires. À travers les bandes dessinées et leurs adaptations cinématographiques, jeunes et moins jeunes ont pu s’identifier à ces humains made in USA qui mènent une double vie – la plus cool étant de sauver la planète – mais c’est avant tout l’imaginaire qui est sollicité, pour nous faire oublier la noirceur de la société dans laquelle nous vivons.
Si les films de super-héros sont effectivement devenus le genre le plus rentable et qu’ils offrent des moments de cinéma littéralement spectaculaires, nous allons peut-être assister, avec des réalisateurs comme Joss Whedon, à une remise en cause du héros américain.