Je me suis fait hypnotiser dans un musée, j’ai adoré, mais maintenant, j’ai l’impression de faire partie d’un culte

Je me suis fait hypnotiser dans un musée, j’ai adoré, mais maintenant, j’ai l’impression de faire partie d’un culte

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© Donnia Ghezlane-Lala/Konbini

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

Clairement, je n’étais pas prête à être enfermée dans une salle du Centre Pompidou avec trente inconnu·e·s, mais c’était très cool.

L’hypnose, ça me connaît. J’ai été hypnotisée plusieurs fois dans ma vie et je suis hyper réceptive à cette expérience hors du commun. La première fois, c’était purement récréatif. Lors d’une soirée arrosée dans un hôtel, un hypnotiseur faisait des animations un peu loufoques. Avec un ami, on s’est portés volontaires quand il a annoncé vouloir contrôler deux personnes qui se connaissaient bien.

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Le jeu se déroulait ainsi : nous devions fermer les yeux, devant un public témoin, et l’hypnotiseur devait nous toucher le corps avec une plume. À chaque contact, nous devions dire à voix haute où la plume était passée, toujours les yeux fermés. Alors qu’il nous plongeait dans une douce détente, j’ai commencé à sentir les passages de la plume dans mon cou, sur ma joue, sur mon bras, sur mon omoplate. Un vrai kink bizarre.

Le truc, c’est que l’hypnotiseur ne m’a jamais caressée avec la plume : il n’effleurait que mon ami, qui est resté muet durant toute la performance car il ne ressentait pas la plume sur son corps. C’était moi qui ressentais tout depuis le début, pas lui, comme si nos corps s’étaient transférés. À chaque passage de plume sur le corps de mon ami, je nommais la bonne zone, toujours les yeux fermés, devant un public médusé.

La seconde fois, c’était moins drôle : j’étais désespérée et je voulais régler quelques troubles psychologiques résistant à un cycle d’EMDR. Et pour le coup, c’était vraiment impressionnant. Ma thérapeute m’a mise en état d’hypnose en me demandant de lever mes mains au même niveau. Je ressentais une force intense qui liait mes deux mains, et progressivement, alors que sa voix me disait de les rapprocher, la distance entre mes mains s’amenuisait avec résistance.

Mon cœur battait la chamade, mes yeux étaient ouverts et un voile blanc a commencé à troubler ma vue, comme du lait qui coulait sur mes iris. Puis, j’ai fermé les yeux et j’ai commencé à apercevoir des formes psychédéliques et à me sentir totalement en dehors de mon corps, comme une âme flottante. C’était l’expérience la plus planante de ma vie, ça, et la morphine après une opération chirurgicale que j’ai subie quand j’étais plus jeune.

Un yoga pas comme les autres

Alors, quand on m’a proposé de participer à l’Hypnotic Show de Raimundas Malašauskas et Marcos Lutyens, qui se tenait lors du festival littéraire Extra! au Centre Pompidou, je n’ai pas hésité une seule seconde. Le communiqué de presse me promettait “une expérience insolite : dans une salle vide, une voix entraîne le public sous hypnose dans la visite imaginaire d’une exposition d’art contemporain. À la fin de cette séance, les participant·e·s sont invité·e·s à partager leurs visions intérieures”.

© Donnia Ghezlane-Lala/Konbini

Me voilà donc un jeudi, à 21 heures, dans une pièce située un étage en dessous de l’exposition “Surréalisme”, enfermée pour une heure avec une trentaine d’inconnu·e·s. Dès notre arrivée, Marcos Lutyens nous demande de nous allonger sur les tapis de sport alignés en rond devant nous. Ça sent un peu les pieds, mais je me dis à ce moment-là que, dans tous les cas, je serai en état d’hypnose d’ici peu, et que mon esprit transformera probablement cette odeur en rose pour survivre.

Je m’allonge tranquillement. L’hypnotiseur dit son charabia d’ensorceleur digne des meilleures méditations et nous demande d’aligner nos mains en hauteur – la même technique que ma thérapeute. Je m’exécute en gardant les yeux ouverts pour tenter de revoir ces hallucinations laiteuses que j’ai eues avec ma thérapeute mais je ne les reverrai pas. Entre mes mains, je sens la force intense que Marcos Lutyens nous conditionne à ressentir. Je la sens vraiment, comme une petite boule aimantée que je dompte entre mes doigts.

Puis, il nous demande d’imaginer un escalier qu’on descend : chaque marche représente notre avancée dans l’état d’hypnose et la profondeur de notre détente. Ça fonctionne réellement, d’autant plus qu’il vient de nous faire un scan corporel : plus je descends, plus je sens mon corps me lâcher, ma langue “lourde et lisse”, et mon esprit s’enfoncer dans une cave sombre. Une langue, parlée par Raimundas Malašauskas, le créateur de l’Hypnotic Show, qui est d’origine lituanienne, résonne dans la salle. Marcos Lutyens nous dit que certain·e·s pourraient la comprendre mais ça ne fait pas effet sur moi… car je ne suis pas lituanienne.

Une fois notre escalier descendu, l’hypnotiseur nous propose de faire voyager notre âme dans le corps d’une personne que nous avons pu croiser dans la rue juste avant de venir, ou dans un alter ego facilement identifiable pour nous. Je ne parviens pas à faire cet exercice, prisonnière de ma propre conscience, mais après la séance, une femme me dira qu’elle a projeté la sienne dans la “femme aux pigeons” qu’elle a croisée sur le parvis du Centre Pompidou. Sympa comme voyage.

Un nouveau culte

Ce qui m’a donné cette impression de culte, hormis la disposition des tapis de yoga en rond, c’est que notre “maître” portait un chapeau qui laissait pendre plein de petites cuillères, et ça n’avait l’air de déranger personne. Ces petites cuillères, il les a agitées au-dessus de nos têtes comme des carillons pendant la séance, et Raimundas Malašauskas nous a expliqué pourquoi il s’était créé ce chapeau magique : les cuillères représentaient une protection qu’il avait manifestée pour son ami Marcos et qu’il avait matérialisée dans la cuillère qui touillait son café, un matin, en Italie.

Quoi qu’il en soit, je suis heureuse de faire partie de ce culte réunissant les personnes réceptives à l’hypnose et à toutes les machinations psychédéliques de l’esprit. Les réactions, émotions, ressentis diffèrent d’une personne à l’autre, et au pire du pire, il ne s’agit que d’une très bonne séance de méditation. Le but de cet événement n’était pas de nous plonger dans un état d’hypnose profond mais de nous faire comprendre que notre esprit regorge de recoins jamais explorés et dont nous sous-estimons la puissance. L’hypnose est un bel outil pour sonder ces zones de conscience et d’ombre. Tout est bon à prendre pour s’abandonner, pour oublier ses problèmes et avoir un bon sommeil – sauf les drogues, ça, il ne faut pas y toucher, attention.

Les prochaines séances ont lieu les 14 et 15 septembre, à 15 heures, 16 heures, 17 heures et 18 heures. Pour voir toute la chouette programmation du festival littéraire Extra!, rendez-vous ici.