“Ce soir, je vais voir Cigarettes After Sex au Zénith. Mais si, vous savez, le groupe qui fait chialer tout TikTok.” Petit flottement, avant que mon collègue Arthur n’ajoute “Ah non, à l’époque, c’était vraiment la musique sur laquelle tout le monde voulait ken”. Hésitation. Incompréhension. Hot take durant cette conférence de rédaction, où je proposais un angle teinté de mélancolie – merci ma FYP rempli d’edits en noir et blanc sur des amours contrariées et qui poussent aux sanglots et où je suis finalement orientée vers un angle bien plus… libidineux. Qui a raison, qui a tort ? Un seul moyen de savoir : m’y rendre avec un petit paquet de mouchoirs dans ma poche juste au cas où (pour mes éventuelles larmes, hein, je vous vois venir).
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Galoches et fumée
Venue seule, je me retrouve très vite entourée de couples ou de groupes d’amis plus que “tactiles”. Certains sont lovés, les yeux qui brillent, c’est plutôt mimi malgré mon habituelle aversion pour le romantisme mielleux. D’autres, bien plus éméchés, bougent leur popotin au gré d’un beat… inexistant ? Car si j’apprécie la musique du groupe, il faut reconnaître qu’elle ne se prête objectivement pas à une danse du corps très sensuelle ou rythmée. Si seulement les bassins étaient les seuls à bouger !
Les langues ne sont pas en reste et ça se galoche sévère. Damn. Mon collègue Arthur avait vu juste. Le groupe a effet aphrodisiaque, comme un accélérateur de libido. À titre personnel, je suis comme vaccinée ou immunisée face à ce curieux parfum. Il faut dire que j’ai assisté au concert de Madonna quelques jours plus tôt. Désormais, tout me paraît fade et sans intérêt – j’exagère à peine. Je me veux donc la plus neutre possible et juge le groupe sur sa seule performance…
et j’ai beau être bon public, je suis plutôt mitigée. La salle, en l’occurrence le Zénith, n’a vraiment pas aidé. Le groupe de Greg Gonzalez est connu pour son univers onirique, quasi mystique et vaporeux. La mise en scène est peu ou prou inexistante : une boule de disco au sommet, un écran qui daigne montrer des images en noir et blanc de temps en temps et c’est à peu près tout. Le problème, c’est que ce parti pris artistique très audacieux, à une ère des shows sensationnels, ne fonctionne que dans un lieu bien plus intimiste, comme l’Olympia, au hasard.
@shellyjohnsson CIGARETTES AFTER SEX #cigarettesafterse #k #apocalypse #live #paris #concert @Cigarettes After Sex ♬ son original - Shelly
Dans une salle aussi grande que celle de La Villette, le résultat est décevant et paraît même fainéant. J’entends dans la fosse les plus petits gabarits se plaindre de ne rien voir, absence d’écran oblige. J’opine du chef, d’autant qu’une fumée envahissante cache le leader 50 % du temps. Oui, c’est très stylé au début, ce petit effet mystérieux, genre “Coucou, je suis un personnage issu de l’univers de David Lynch”. Passé trois titres, c’est juste pénible. D’autant plus que le chanteur au timbre si particulier est avare en mots. Il échangera très peu avec le public, se contentant d’annoncer le prochain morceau ou de dire un petit merci à la ville de Paris. OK, il n’est pas payé pour débiter et connaître notre vie, mais là, c’est comme si on l’avait forcé à jouer devant nous.
Main character d’un teen drama
Quelques titres viennent heureusement sauver le tout. Les introductions de “Cry” (qui n’a jamais aussi bien porté son nom) et “K” relèvent de la sorcellerie. Encore une fois, pas d’ambiguïté : ça n’atteint pas mes désirs sexuels un seul instant. Mais ma tête et mes sentiments, eux, sont chamboulés, comme une petite frange du public, qui ne peut retenir son émotion. Au gré des titres, la luxure laisse place à la chialade.
Je ferme les yeux et je me sens à mon tour transportée dans un teen drama comme si j’étais un main character malmené par le quaterback ou la cheffe des cheerleaders du lycée et que mon cœur n’était plus que poussière à balayer. Alors que mon seul véritable problème actuel, c’est de trouver du temps pour mater le Frenchie Shore et de ne pas oublier d’acheter du jus d’orange chez Franprix. À mes yeux, c’est ça, la magie Cigarettes After Sex : ce don pour la téléportation. Dans un lit pour se mélanger ou au fond d’une baignoire pour chouiner, qu’importe. Ce qui compte, c’est le voyage, pas la destination.