J’ai écouté Panayotis Pascot lire son livre dans un théâtre un lundi soir (et bien sûr, j’ai chialé)

Panayotis président

J’ai écouté Panayotis Pascot lire son livre dans un théâtre un lundi soir (et bien sûr, j’ai chialé)

Image :

© Louise Josse/JMD Productions

photo de profil

Par Flavio Sillitti

Publié le , modifié le

Que toutes celles et ceux qui souhaitent voir Panayotis Pascot bouquiner sur toutes les scènes de France lèvent la main.

Ces dernières semaines, où que j’aille, deux choses m’ont suivi partout, tout le temps : la peur viscérale de choper des punaises de lit et le premier livre de Panayotis Pascot, La prochaine fois que tu mordras la poussière. À sa sortie en septembre dernier, j’ai lu d’une traite ce bouquin qui m’a d’abord bouleversé, que j’ai ensuite digéré avant de me plonger dans une relecture plus attentive, tout aussi gorgée d’émotion — du sourire à la larme. Comme deux lectures ne me suffisaient pas, je décide d’aller l’écouter ce livre. Sur scène, au Théâtre Antoine, dans le 10e arrondissement de Paris, un lundi soir. Mieux : c’est Panayotis Pascot qui lit. Comment dire non ?

À voir aussi sur Konbini

J’arrive en retard, classique. C’est un mal pour un bien : les seules places disponibles dans ce théâtre bourré de fans, d’admirateur·rice·s et de curieux·ses (“ce gars a vraiment écrit un livre ?”) sont celles tout devant. Assez loin que pour ne pas être mal installé mais assez proche que pour percevoir les postillons de Panayotis dessinés par le faisceau de lumière qui le baigne. Une chaise est placée au milieu de la scène, on pourrait s’attendre à un one-man-show, terrain familier pour l’artiste, sauf qu’ici, on prévoit quelques mouchoirs, juste au cas où. 

Plusieurs passages du livre ne m’ont jamais vraiment quitté depuis la première lecture. Il y a d’abord ce récit sur le père, l’envie de “tuer” son père. Ou plutôt d’arrêter de graviter autour de lui, pour se soumettre à sa propre gravité. Il y a ensuite les premières amours, détaillées avec tendresse, et finalement les coins d’ombres, triturés avec toute l’aspérité que ça demande. C’est un livre lourd, imparfait (tant mieux), qu’on auréolait à sa sortie du titre de “livre le plus courageux de la rentrée” — on le pense toujours. Et du courage, pour venir lire ce livre si personnel devant un théâtre rempli, il en faut.

D’entrée de jeu, Panayotis Pascot salue son audience à coups de blagues, d’un humour qui ne fait que renforcer l’émotion, dans une tentative de camoufler la sienne. Il nous confiera plus tard que cinq minutes avant de monter sur scène, il se demandait encore pourquoi il faisait ça. C’est vrai, quoi. Pourquoi se mettre dans ces postures intellectuelles un peu snobs, lunettes vissées sur le nez et Air Force 1 aux pieds, à feuilleter le bouquin autofictif qu’on a partagé un mois plus tôt à la France entière ? C’est finalement assez simple, et c’est justement ça le mot : le partage, et l’espoir que d’autres s’y retrouvent aussi.

Chargement du twitt...

Les extraits choisis brassent les sujets majeurs du livre et résonnent avec l’assemblée, à qui on a demandé de se défaire de ses téléphones, pour mieux s’immerger dans l’écoute, facilitant les rires, les chocs et les “sourires de nez” que l’auteur s’amuse à relever. Dans un premier temps, Panayotis Pascot semble lire comme il écrit : dans l’urgence. Celle de tout dire, ou du moins d’en dire le plus possible. De le dire vite, comme pour se débarrasser des “boules d’émotions logées dans [son] ventre”, comme il le dit si bien. “Je lis trop vite ? Ah, mince, vous faites bien de me le dire.”

L’humoriste reprend son souffle et sa lecture. Il nous parle de son père, de son premier amoureux symbolisé “La Vie” et de l’ancien locataire de l’appartement de “La Vie” qu’il suspecte de s’être suicidé à cause des sacs-poubelles de souvenirs laissés en bordel — c’est confus. Le récit est encore plus diffus qu’à la lecture et c’est une bonne chose. Notre esprit divague un peu, bondit d’un décor à un autre, de personnage en personnage, du suicide paisible de sa grand-mère à l’attente anxiogène dans la salle d’attente d’un hôpital qui sent la pisse. Au fil des mots, récités religieusement par celui qui les a pensés et écrits, une émotion nous vient, quelques larmes aussi.

Chargement du twitt...

Il y a quelque chose de profondément émouvant à l’écoute de Panayotis Pascot, une part de fierté aussi. Lorsque j’ai découvert le livre pour la première fois, je ne pouvais pas m’empêcher de penser à quel point la promotion d’un tel objet, d’une intimité folle, allait être douloureuse et difficile pour lui. Pourtant, il semble porter le poids du monde en le faisant passer pour des sacs de plumes et investit le silence du Théâtre Antoine du bruit de ses histoires. Frissonnant.

Une séance de questions-réponses fait suite à la lecture. Tout sourire et sans langue de bois, Panayotis Pascot répond aux spectateur·rice·s et en profite pour donner une tribune à la santé mentale dans un espace médiatique français où c’est encore tabou. C’est l’occasion aussi pour lui de préciser qu’il écrit actuellement, pas un livre, mais un spectacle, “cette fois-ci, il y a des blagues dedans”. Arrive alors la question que j’espérais secrètement voir posée par l’une des personnes assez courageuses pour lever sa main, demander le micro et prendre la parole devant l’assemblée (je n’aurais jamais ce cran-là), à savoir : “Comment a réagi le père “à tuer” face au bouquin ?” Réponse : “Il a lu le livre. Mais ce qu’il m’en a dit, je le garde pour moi”. On chiale encore.