Ils sont nés entre 1990 et 2000. Ils sont le souffle de demain, ils inventent, ils inspirent, et s’interrogent dans tous les domaines : environnement, politique, travail, famille, santé, genre… Quand on a 20 ans aujourd’hui, de quoi rêve-t-on ? Quels sont leurs aspirations, leurs souhaits, leurs craintes, leurs engagements pour demain ? Le mercredi 14 octobre, France Inter et Konbini leur consacrent une journée pour leur donner la parole.
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Suzanne Lindon
Suzanne Lindon, 20 ans et déjà maman de Seize printemps. Un scénario qu’elle a écrit à 15 ans, sur une jeune fille de 16, et tourné à 18 : c’est l’équation gagnante de cette jeune première. Et elle cumule avec talent les casquettes d’actrice et de réalisatrice de son semi-autobiographique premier long-métrage, à la fois sensible, mélancolique et référencé.
On retrouve dans Seize printemps un soupçon de La Boom, une bonne dose de L’Effrontée et quelques pincées de Diabolo menthe. En référence à À nous amours de Maurice Pialat, elle a également décidé de donner à son personnage son propre prénom : Suzanne.
Sélectionné à Cannes et projeté au Festival de Toronto ainsi qu’à Angoulême, Seize printemps nous raconte l’ennui de Suzanne, qui ne s’entend pas avec les gens de son âge. La jeune fille va alors développer une obsession, qui se nouera en histoire d’amour, avec un homme plus âgé qu’elle.
On ne sait pas encore si l’on retrouvera Suzanne Lindon à l’écran en 2021, puisque la jeune femme a choisi de poursuivre ses études aux Arts décoratifs, mais elle nous aura définitivement impressionné cette année.
Sandor Funtek
Après de petits rôles souvent bien sentis (La Vie d’Adèle, Dheepan, Les Derniers Parisiens), Sandor Funtek obtient son premier rôle principal en 2020, dans K contraire de Sarah Marx, où il se glisse dans la peau d’Ulysse, un ex-taulard devant composer entre sa réinsertion et Sandrine Bonnaire en mère dépressive.
De notre côté, nous l’avions remarqué dans Replay sur Arte, une websérie réussie qui réhabilitait de grands textes du théâtre classique à la sauce contemporaine. Sandor y interprétait un Titus du XXIe siècle, fils de Brutus, boxeur et amant secret d’Aquilie, interprétée par Sabrina Ouazani. 2020, l’année du grand écart donc.
Et on espère que l’acteur de tout juste 30 ans va poursuivre sur cette belle lancée en 2021 car un défi de taille l’attend au tournant : il aura la lourde tâche d’incarner le jeune Kool Shen dans le biopic Suprêmes d’Audrey Estrougo, sur les débuts de NTM et pour les besoins duquel il a notamment appris à rapper. Un des projets les plus alléchants de l’année à venir, rien que ça.
Djanis Bouzyani
Pour nous, comme pour beaucoup, Djanis Bouzyani a été la révélation de l’éblouissant Tu mérites un amour, le premier long-métrage d’Hafsia Herzi sorti en salles l’an dernier.
Son honnêteté, à la fois cinglante, désopilante mais nécéssaire, a séduit chaque spectateur du film dont il est la véritable lumière. On a pleuré comme si le chagrin de Lila était le nôtre mais on a également ri aux vannes de ce fidèle ami et loyal confident, aussi exubérant que sensible.
Si Djanis Bouzyani a crevé l’écran, 2019 n’a pourtant pas marqué ses premiers pas au cinéma. Il avait notamment doublé un disciple dans Le Chat du Rabbin de Joann Sfar et débuté dans le métier en 2011 grâce à un petit rôle aux côtés de Leïla Bekhti dans la comédie musicale Toi, moi, les autres, où il alliait le cinéma à la danse (sa discipline de formation).
On espère le revoir briller prochainement, peut-être dans Madame Claude de Sylvie Verheyde ou dans Sœurs de Yamina Benguigui, tous deux prévus sans date (donc potentiellement 2021 ?) et dans lesquels il a obtenu, en dernière minute, deux rôles qui ne figuraient pas au scénario. Comme si les réalisatrices avaient fait appel à lui pour apporter de la lumière à leur film, ce qui n’est en soi jamais une mauvaise idée.
Anthony Bajon
En 2019, Anthony Bajon remportait l’Ours d’argent à la Berlinale pour son rôle d’ex-toxicomane en quête de rédemption dans La Prière de Cédric Kahn. Âgé de seulement 23 ans, il est ainsi devenu le plus jeune lauréat à recevoir ce prix avec Leonardo DiCaprio. Un très beau pedigree pour ce jeune acteur qui ne cesse d’impressionner depuis.
Nous l’avions de notre côté repéré dans Tu mérites un amour (encore lui), où il interprétait un apprenti photographe au visage poupin et amoureux transi de Lila, aussi doux que Djanis Bouzyani y était incisif. C’est d’ailleurs lui qui récite le très beau poème de Frida Khalo qui donnera son titre au film, émouvant aux larmes tant la récipiendaire que les spectateurs.
S’il a donc déjà fait 2019, il y a fort à parier qu’on entendra parler d’Anthony Bajon en 2020 puisqu’il tient le rôle principal du très attendu Teddy, le troisième long-métrage des frères Boukherma, âgés de seulement 28 ans.
C’est lui qui campe le fameux Teddy du titre, un habitant d’un petit village des Pyrénées qui travaille dans un salon de massage. Tandis qu’un loup attise la colère des villageois, il va être pris de curieuses pulsions animales. Un film de genre inédit, à la frontière du fantastique, de la comédie et du drame, qui devrait accroître encore davantage la notoriété du jeune Bajon.
Fathia Youssouf
Elle s’est retrouvée propulsée sous le feu des projecteurs en France et de l’autre côté de l’Atlantique – mais malheureusement pas pour les bonnes raisons. Fathia Youssouf est la star de Mignonnes de Maïmouna Doucouré et elle livre dans ce premier film une prestation d’une grande maturité pour son jeune âge.
Car le rôle que la réalisatrice lui a confié n’a pas dû être une mince affaire. Fathia incarne Amy, une jeune fille de 11 ans en quête d’émancipation, étouffée dans d’envahissantes traditions familiales et religieuses. Dans son chemin vers l’indépendance, elle rejoindra une bande de jeunes danseuses, adeptes de tenues courtes et de chorégraphies suggestives. L’occasion pour la réalisatrice et sa bande de jeunes actrices de questionner le rôle des réseaux sociaux dans la construction adolescente.
Timide et réservée, Amy éclôt au sein de cette nouvelle bande d’amies autant qu’elle s’épanouit devant la caméra de Maïmouna Doucouré. Elle et les actrices en herbe qui portent ce film débordent de vie, de naturel et s’emparent avec enthousiasme de ces rôles qui ont pourtant dû nécessiter un gros travail de communication pour adopter une mise à distance nécessaire afin de servir avec justesse ce délicat propos.
Malheureusement, ces performances ont été un peu éclipsées par des polémiques autour du film, accusé d’hypersexualisation des enfants, et même de pédophilie dans les sphères américaines les plus conservatrices. Ce qui n’empêchera pas Fathia Youssouf de briller prochainement dans d’autres productions. On l’espère en tout cas.
Benjamin Voisin
2020 était un grand millésime pour Benjamin Voisin, qui a tenu les rôles principaux de quatre films cette année : Un vrai bonhomme, La Dernière Vie de Simon, Comédie humaine et Été 85.
Après des prestations remarquées dans les deux premiers, il a donné la réplique à Gérard Depardieu, Vincent Lacoste, Jeanne Balibar, Xavier Dolan et Cécile de France dans le film de Xavier Giannoli. Mais c’est chez François Ozon qu’il a révélé l’étendue de son talent.
Il y interprétait David, un jeune homme hédoniste et borderline qui aime repousser ses limites et qui va nouer une relation d’amour/amitié déséquilibrée et ambiguë avec Alexis, de deux ans son cadet. À la fois sombre et solaire, Benjamin Voisin a su rendre ce personnage aussi charmant qu’inquiétant et a ainsi prouvé qu’il avait l’ambivalence nécessaire pour devenir un grand acteur.
Par la suite, il a vu le mot “révélation” systématiquement accolé à son nom dans les articles d’une presse unanimement dithyrambique. Et il est vrai que notre Timothée Chalamet hexagonal est devenu cette année une véritable promesse pour le cinéma français.
Félix Lefebvre
Pour François Ozon, il n’est ni plus ni moins que le nouveau River Phoenix. Une analogie qui en impressionnerait plus d’un mais Félix Lefebvre ne semble pas souffrir de la comparaison.
Alors qu’il était inconnu, Été 85 marque son premier grand rôle au cinéma pour lequel il forme un duo incandescent avec Benjamin Voisin. Tandis que l’un n’est que charme et ambiguïté, il n’est de son côté que fougue et dévotion. Il brûle la chandelle par les deux bouts, autant dans le bonheur que dans le chagrin.
Il avait 19 ans en 2019 et tournait dans le 19e film de François Ozon. Le film est sorti le 14 juillet, le jour de sa naissance : un alignement des planètes qui ne peut être que de bon augure pour ce jeune talent qui commence donc sa prometteuse carrière sous les meilleurs auspices.
Félix Lefebvre fera un nouveau voyage dans les années 1980 pour Suprême, le biopic du groupe de rap de Joey Starr et Kool Shen. Un film signé Audrey Estrougo, où il se glissera dans le costume du manager de NTM.
Noée Abita
On l’avait découverte en 2017, dans le très dérangeant Ava, où elle incarnait une jeune fille atteinte de cécité qui décidait de vivre son dernier été d’adolescente normale avec liberté et intensité. Imprévisible, inquiétante et sauvage, Noée Abita, avec ses grands yeux noirs, sa moue boudeuse et son allure enfantine, semblait taillée pour ce rôle.
L’air souvent désabusé, Noée Abita a confié avoir poussé “par ennui” la porte d’une agence d’acteurs à Paris. Discrète mais déterminée, la jeune actrice a poursuivi son bonhomme de chemin en incarnant la petite amie solaire de Vincent Lacoste dans Mes jours de gloire et tenu un rôle secondaire dans l’acclamé Le Grand Bain de Gille Lellouche.
Elle est aujourd’hui attendue dans Slalom, le drame de Charlène Favier, pour lequel l’actrice de 21 ans a chaussé les skis de Liz, une jeune sportive de 15 ans, qui vient d’intégrer sport-études en vue des championnats de ski. Jérémie Renier y joue Fred, son entraîneur qui croit en son potentiel sportif mais qui va commettre l’irréparable.
Un rôle très courageux pour un film nécéssaire qui fait écho à un sujet d’actualité, celui des agressions sexuelles dans le milieu sportif et notamment, l’histoire de Sarah Abitbol, l’ancienne championne de patinage artistique, violée à l’âge de 15 ans par son entraîneur.
Anaïs et Emma
Elles n’ont pas 20 ans et ne sont pas actrices mais, pour elles, nous faisons exception à la règle. Car elles réussissent toutes deux l’exploit d’être à la fois quelconques et bouleversantes dans le lumineux documentaire Adolescentes.
De 13 à 18 ans, Anaïs et Emma ont grandi devant la caméra de Sébastien Lifshitz, qui a filmé leur tranquille adolescence à Brive-la-Gaillarde (Corrèze) : des premiers amours à la première fois, en passant par le premier deuil, les premiers examens et les récurrentes disputes. Miroir de leur adolescence et de la France contemporaine, le film reflète également le déterminisme social qui guidera les trajectoires de ces deux adolescentes.
Comme beaucoup d’amies d’enfance, Anaïs et Emma n’ont rien en commun, à part peut-être leur spontanéité, leur rejet de l’autorité et leur humour, que la bêtise adolescente ne parvient pas à altérer.
Et si elles ne livrent ici aucune performance, elles réussissent quelque chose de peut-être plus difficile encore : nous laisser les observer grandir, changer, se tromper, pleurer, rire ou rater en nous invitant dans chacun des recoins les moins glorieux de cette délicate période de la vie.
Anaïs est désormais étudiante en école d’infirmières à Limoges, tandis qu’Emma a intégré une fac de cinéma à Paris. Quels que soient leurs choix respectifs, on leur souhaite le meilleur en 2021.