On ne le répétera jamais, mais il n’y a aucune honte à avoir des lacunes culturelles, à ne pas connaître certaines œuvres culte, à avoir une pile aussi longue que mon bras de livres non lus, d’albums jamais écoutés, de films jamais vus. La culture se construit au fil du temps, chacun a la sienne.
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Moi, par exemple, j’ai beau avoir vu 3 417 films selon mon compte Letterboxd qui est censé être à peu près complet, j’ai un nombre de films culte à rattraper : de Lawrence d’Arabie à Il était une fois en Amérique en passant par Sueurs froides sans oublier Les Bronzés donc, le 1 et le 2 — oui, j’ai vu le 3, en salle, alors même que je n’avais vu aucun film de la trilogie avant, bref…
Quand j’ai appris le décès de ce cher Michel Blanc, j’ai comme tout le monde été un peu secoué parce que même s’il me manquait des références en termes de monuments de la comédie, j’ai grandi avec Le Père Noël est une ordure. Parce que Tenue de soirée est un de mes films français préférés. Parce que L’Exercice de l’Etat est un film aujourd’hui pas estimé à sa juste valeur. Parce que je connais sa carrière, chez Blier, Miller, Tavernier, Leconte mais aussi Greenaway et Altman (!). Parce que Blanc est un grand comédien, avant tout.
Alors je me suis lancé directement, sans hésiter, dans le visionnage de ce film que mes parents ne m’ont jamais montré plus jeune, et que je n’ai jamais pu rattraper (par flemme, par manque d’occasions). Et j’ai eu tort.
Pas culte pour rien
Découvrir Les Bronzés en 2024 et à 30 ans, c’est voir si certaines vannes et certains aspects pourraient paraître problématiques, alors qu’en fait, c’est tout l’inverse. On dit souvent que l’humour est l’un des trucs qui périment le plus vite. C’est partiellement vrai. Ici, ce qui permet à chaque vanne de survivre au temps qui passe, c’est le contexte dans lequel il s’inscrit en permanence. Car s’il est misogyne ou colonial par segments, ce n’est que pour rappeler la matière première dont il se moque : ces bourgeois qui se croient ouverts, a minima sexuellement et idéologiquement, sans se rendre compte qu’ils sont au mieux ridicules, au pire problématiques eux-mêmes. Ces gens passent leurs vacances loin de tout, pour se “lâcher”, sans prendre en compte l’autre. On rit tantôt avec eux, tantôt d’eux. Toujours en réalisant l’absurde et le ridicule de chacune des situations.
Découvrir Les Bronzés en 2024 et à 30 ans, c’est admirer l’écriture d’une efficacité remarquable. Le scénario n’existe pas vraiment puisque c’est plus de l’ordre du film à sketches que de la comédie classique, ce qui permet une liberté de script folle. Cela permet d’alterner des gags d’une longueur inouïe et d’autres complètement gratos — Thierry Lhermitte qui se targue d’avoir eu une “petite qui aime la bite” devant les parents, c’est vraiment 20 secondes purement fortuites, mais parmi les plus drôles du film. Outre le ton, c’est la construction des gags, toujours ancrés dans un réalisme loin de la folie qui les différencie des Monty Python anglo-saxons et des futurs Nuls.
Découvrir Les Bronzés en 2024 et à 30 ans, c’est se rendre compte que ce n’est pas qu’un film de potes. C’est un film où chaque personnage a le temps de briller mais, étonnamment, je pensais que Lhermitte ou Clavier voleraient la vedette. C’était douter de notre cher Jean-Claude Dusse, sans doute le personnage le plus attachiant (je déteste ce mot, mais c’est le plus approprié pour lui, et de loin). Victime du groupe, personnage grossier, Blanc réussit à offrir une partition qui jongle entre les deux aspects de son personnage, qui est par ailleurs le plus complet du film.
Vous, qui lisez cet article, vous connaissez sûrement le film, et rien ne vous étonne dans ce que j’écris alors. Mais si par hasard, vous êtes dans la même posture que la mienne et que vous hésitez, ne réfléchissez pas une seconde. Ce n’est pas l’une des comédies culte des plus célèbres de l’histoire du cinéma hexagonal pour rien.
Il ne me reste plus qu’à rattraper Les Bronzés font du ski maintenant…