Horrifique et queer à souhait, Jennifer’s Body est vraiment le film iconique qu’il pense être (et pas seulement grâce à Megan Fox)

Horrifique et queer à souhait, Jennifer’s Body est vraiment le film iconique qu’il pense être (et pas seulement grâce à Megan Fox)

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Megan Fox dans Jennifer’s Body Copyright Twentieth Century Fox France

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Par Mélissa Chevreuil

Publié le

S’il ne fallait choisir qu’un seul et unique film pour Halloween, c’est bien celui-ci.

La première fois que j’ai vu Jennifer’s Body, c’était plusieurs années après sa date de sortie (2009) sur un site de streaming que j’espère légal, j’étais ado et surtout, comme beaucoup, j’avais d’abord été teasée par Megan Fox, Megan Fox et… Megan Fox. C’était une autre époque, aujourd’hui des plus crasses, qui objectifiait plus que jamais certaines actrices et leur corps. L’Américaine, alors auréolée d’une aura de sex-symbol depuis le Transformers de Michael Bay via des plans bien serrés bien teintés de male gaze, était à l’apogée de sa célébrité et paradoxalement n’a sûrement jamais autant souffert. Elle l’évoquait notamment durant une interview de Jimmy Kimmel Live! durant cette même fameuse année 2009, où elle rapportait être déjà victime de l’hypersexualisation de l’industrie, dès l’étape des castings, et alors qu’elle n’avait que quinze ans.

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Peut-être alors allez-vous lever un de vos plus beaux sourcils à 90 degrés, vous demandant pourquoi je vous encourage tant à regarder Jennifer’s Body, où le titre est sans équivoque. Eh bien justement, il s’agit d’un véritable contre-uno qui prend d’autant plus de valeur et de saveur au gré des années, la preuve par trois.

Un film féministe sur la réappropriation du corps

Comme le disaient les journalistes Marion Olité et Florian Ques lors du débat suivant une projection spéciale du film, le long-métrage jouit d’une vraie réappropriation du corps. Du titre jusqu’au synopsis. Pour faire simple, Jennifer, reine du lycée, jongle entre sa relation ambiguë avec sa meilleure amie Needy (Amanda Seyfried) et les hommes qu’elle dévore littéralement, puisqu’elle est devenue une sorte de démon à la suite d’un sacrifice qui a mal tourné. Leur regard est presque un personnage en tant que tel : tout commence par des hommes qui veulent récupérer son corps pour ce fameux rituel satanique. Les hommes l’observent. Les hommes la veulent. Mais Jennifer renverse la situation et les dévore. Son corps est une arme qu’elle chérit et convoite, elle en fait ce qu’elle veut, avec qui elle le veut, et quand elle s’unit à quelqu’un, c’est uniquement pour survivre, se nourrir et récupérer ce fameux corps au prime de sa beauté. Un hédonisme presque masculin quand on songe.

Une œuvre camp et toujours plus culte chez les femmes queers, au gré des années

J’avais une crainte et pas des moindres : que le film soit tabassé par les années et que certaines scènes ou répliques aient mal vieilli. À commencer par la séquence plus virale, le fameux baiser échangé entre Megan Fox et Amanda Seyfried sur un lit. Ne nous mentons pas, si cette scène peut stimuler certaines parties du corps (no judgment), elle ne manque pas d’écueils. Megan Fox y est en petite culotte sans trop de contextualisation (si ce n’est qu’elle est parée à une soirée pyjama ou “touche pipi” selon ses mots), le gros plan sur les langues dansantes n’a aucune subtilité et peut faire penser à une kyrielle d’autres films réalisés par des hommes pour des hommes. Sauf qu’ici, la réalisatrice Karyn Kusama ne fait pas arriver la scène comme un cheveu sur la soupe. Du début à la fin, la relation entre les deux personnages est ambiguë, curieuse et inégale. Tout le monde autour de Needy lui dit qu’elle est forcément amoureuse de son amie Jen. Et les intéressées elles-mêmes, Jennifer la première, aime le rappeler à coups de piques bien senties. Pour autant, on ne peut pas parler de queerbaiting car l’attraction entre les deux est réelle et pas feintée pour plaire aux autres protagonistes. Par exemple, à aucun moment, les deux jeunes femmes flirtent devant un homme dans l’espoir de le séduire ou le titiller (amen). Enfin, les répliques queers sont délicieusement culte et sans ride. Mention spéciale à la petite ref à Brico Dépôt, les vraies (les femmes queers quoi) savent.

Enfin, ça fait peur (un peu)

Second degré omniprésent oblige, le film n’a pas pour mission principale de terrifier ses spectateurs. Ne vous attendez donc pas à trembler ou devoir vous cacher les yeux d’une main frêle et timide entre deux scènes. Mais entre les tripes ici et là, l’hémoglobine à profusion et tout le contexte horrifique lié au sacrifice, oui, le film s’impose bien comme un titre de choix pour Halloween. En plus d’être une source infinie d’inspirations pour un petit costume à la fois cunt et référencé juste ce qu’il faut – ce petit pull crop top à cœur so années 2000, un classico dans nos dressings.