Hantée par le fantôme de ses agresseurs, Elizabeth Clark Libert se libère grâce à la photographie

Hantée par le fantôme de ses agresseurs, Elizabeth Clark Libert se libère grâce à la photographie

Image :

© Elizabeth Clark Libert

photo de profil

Par Lise Lanot

Publié le

Comment élever des fils dans l’ombre de ses agresseurs passés ? La photographe Elizabeth Clark Libert y réfléchit en images et en mots.

C’est face à une image de ses fils qu’Elizabeth Clark Libert a eu un flash : ses doux enfants à la tête blonde pourraient grandir et devenir des agresseurs, des agresseurs comme ceux qu’elle a eu le malheur de croiser au cours de sa vie, ceux qui la harcèlent dans la rue en criant après ses “gros nibards”, celui qui l’a violée pendant une soirée, et celui qui a envoyé des photos de ses seins à toute l’équipe de foot de sa fac.

À voir aussi sur Konbini

C’est ce dernier homme qu’elle ne pouvait s’empêcher de voir face à une photo de ses fils. Un homme qui lui ressemblait tant qu’il “aurait pu être [son] frère” : “Vous, mes fils, pourriez devenir tout comme lui”, écrit la photographe en préambule de son livre Boy Crazy. Hantée par les ombres de ces “expériences passées”, l’artiste se rend compte qu’elles finissent par “façonner la façon dont [elle] perçoit et élève [ses] deux fils”.

Red-Handed. (© Elizabeth Clark Libert)

Elle entame le projet Boy Crazy, qui agit comme un essai réflexif et cathartique. Elizabeth Clark Libert y mêle des images candides de ses enfants en train de jouer, des autoportraits, des écrits rappelant ses souvenirs et des conversations. Une confidence de sa mère concernant ses propres agressions la pousse à questionner la force des motifs et traumas générationnels. Un appel avec son agresseur la pousse à douter du bien-fondé des excuses à retardement des agresseurs : “D’après mes recherches sur Internet, j’ai appris que les excuses peuvent raviver les traumas de la victime. Souvent, elles bénéficient davantage au coupable.”

Au fil des pages, l’artiste interroge autant la façon dont elle s’est construite, au regard des agressions subies et des pressions pernicieuses latentes, que la façon dont ses fils se construisent, en tant que petits garçons. Grâce à ses portraits, ses conversations avec ses enfants et ses réflexions sur sa construction, Elizabeth Clark Libert parvient à donner plus de corps à sa voix. Elle devient plus audible, plus forte que les ombres qui la hantaient, jusqu’à, enfin, voir ses fils pour qui ils sont plutôt que comme le reflet de ses traumatismes.

Battle Dance. (© Elizabeth Clark Libert)

Blur. (© Elizabeth Clark Libert)

Dusk. (© Elizabeth Clark Libert)

Generational Motif. (© Elizabeth Clark Libert)

Hugll. (© Elizabeth Clark Libert)

Huntl. (© Elizabeth Clark Libert)

Knock Out. (© Elizabeth Clark Libert)

Metamorphosis. (© Elizabeth Clark Libert)

Run. (© Elizabeth Clark Libert)

Tangled. (© Elizabeth Clark Libert)

Couverture de Boy Crazy. (© Elizabeth Clark Libert)

Boy Crazy dElizabeth Clark Libert est publié chez Workshop Arts.