Après une enquête de plus de deux ans, suite à la réception de plusieurs témoignages concernant le comportement de Gérard Depardieu avec les femmes, Mediapart révèle enfin le secret le moins bien gardé du cinéma français.
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Outre la plainte de l’actrice Charlotte Arnoux qui a valu à l’acteur une mise en examen pour viol en mars 2022, la journaliste Marine Turchi a recueilli 13 témoignages de femmes qui accusent l’acteur de violences sexuelles sur le tournage de 11 films entre 2004 et 2022, mais également dans des lieux extérieurs. Toutes dénoncent un “mode opératoire très reconnaissable”. Trois de ces femmes ont livré leur témoignage à la justice mais aucune n’a porté plainte.
“Bruits de porc en rut”, “grognements” et “reniflements”
En 2004 sur le tournage de 36 quai des Orfèvres, en 2007 sur le tournage de La Môme et de Disco, en 2008 sur le tournage d’Hello Goodbye, en 2009 sur le tournage de L’Autre Dumas, en 2013 sur le tournage de Turf, en 2015 sur le tournage de Big House à New York et de la série Marseille : comédiennes, techniciennes, habilleuses ou maquilleuses, toutes témoignent du même bis repetita sur les plateaux des films où Gérard Depardieu officiait.
À chaque fois, le “monstre du cinéma français” instaurait une ambiance sexualisée et malaisante, en tenant de manière permanente des propos sexuels obscènes, en posant des questions intimes et sexuelles aux femmes, en faisant des “bruits de porc en rut”, “des grognements” et “reniflements”. Parfois, il allait même jusqu’à mettre sa main à leur entrejambe ou même dans leur culotte, “au vu et su de tous”.
Ses victimes ont également souvent le même profil. Elles sont de jeunes comédiennes et figurantes — parfois étrangères et venant d’obtenir un visa de travail — et se sont presque toutes tues, de peur de risquer leur place ou leur carrière en faisant s’interrompre des tournages à plusieurs millions, souvent financés grâce à la seule présence de l’acteur mondialement connu.
Une employée d’un des restaurants de Depardieu a elle aussi témoigné des violences sexuelles subies de la part de l’acteur mais lorsqu’elle a attaqué sa société aux prud’hommes pour contester son licenciement économique, elle n’a pas osé raconter les agressions sexuelles dont elle a également été la victime. En 2020, une auxiliaire de régie sur le tournage de Maison de retraite de Thomas Gilou, épuisée de ces agissements, a même demandé être remplacée, en vain.
Au-delà de leurs témoignages horrifiants contre l’acteur, ces femmes estiment également être les victimes des équipes de production, “dix fois plus responsables que Depardieu”, qui ne les ont pas protégées, alors même l’acteur agressait ses collaboratrices en plateau et en public, devant de nombreux témoins oculaires. Certaines avouent même que si elles avaient osé porter plainte, elles l’auraient fait “contre la production”.
“Le cinéma est un monde qui a le culte du secret et donc du silence”
Dans les colonnes de Mediapart, on lit un témoignage peut-être encore plus édifiant que les autres, celui d’une actrice, âgée de 17 ans au moment des faits, qui confie “que des adultes ont laissé un acteur [lui] tripoter les seins devant tout le monde”, sans intervenir. Car dans cette enquête, on relève une autre constante : l’absence de réaction dont a bénéficié l’acteur de 74 ans sur les plateaux. Si ses agissements étaient de notoriété publique — “Oh, ça va, c’est Gérard”, se sont souvent entendu dire ses victimes — l’enquête interroge aussi et surtout de la complaisance dont le célèbre acteur a bénéficié.
Neuf des vingt réalisateurs et producteurs sollicités pour l’enquête n’ont pas répondu et les onze autres affirment n’avoir rien vu ou rien su, mentionnant uniquement des propos “grossiers” ou “graveleux” du comédien. Seul Fabien Onteniente est intervenu auprès de l’acteur sur le tournage de Turf et est allé jusqu’à mesurer les placements et les distances entre le comédien et les figurantes afin qu’il ne puisse plus les atteindre. Plusieurs techniciens présents en plateau attestent quant à eux de “gestes déplacés” de la part de Depardieu.
Contacté par Mediapart par l’intermédiaire de ses avocats, Gérard Depardieu n’a pas souhaité répondre aux questions de la journaliste, dénonçant “un réquisitoire”. L’enquête intégrale est à lire ici.