Plus de deux ans et demi après sa plainte visant Gérard Depardieu, une comédienne d’une vingtaine d’années a obtenu la mise en examen du monstre sacré du cinéma français pour deux “viols” qui dateraient d’août 2018, ce que l’acteur conteste. La plaignante avait obtenu en août 2020 que cette enquête, d’abord classée par le parquet de Paris en juin 2019, soit relancée et confiée à une juge d’instruction.
Lors d’un interrogatoire le 16 décembre, la magistrate a estimé qu’il existait des “indices graves ou concordants” que le monument du cinéma tricolore, aujourd’hui âgé de 72 ans, ait pu commettre les faits dénoncés et l’a donc mis en examen pour “viols” et “agressions sexuelles”, a appris l’AFP mardi de source proche du dossier, confirmé par une source judiciaire.
L’avocat de l’acteur, Me Hervé Témime, contacté par l’AFP, a “déploré que cette information soit rendue publique”. Gérard Depardieu, qui a été laissé libre sans contrôle judiciaire, “conteste totalement les faits qui lui sont reprochés”, a indiqué son avocat.
Ce nouveau statut de mis en examen donne à Gérard Depardieu la possibilité de se défendre activement au cours de la procédure mais fait planer la menace d’un éventuel procès contre lui. La jeune actrice d’une vingtaine d’années avait initialement déposé plainte en se rendant à la gendarmerie de Lambesc (Bouches-du-Rhône) peu de temps après les faits.
Sur procès-verbal, elle accusait l’acteur de deux viols et d’agressions sexuelles qui se seraient déroulés au domicile parisien de la star, un hôtel particulier du VIe arrondissement, les 7 et 13 août 2018. Selon une source proche du dossier, l’acteur est un ami de la famille de la victime. “Il n’y avait absolument rien de professionnel là-dedans”, a affirmé cette source, alors que la presse avait initialement évoqué une répétition de théâtre.
La procédure judiciaire contre l’acteur français avait été rapatriée à Paris. Le 4 juin 2019, le ministère public avait toutefois classé sans suite ses neuf mois d’enquête préliminaire en expliquant que “les nombreuses investigations réalisées” n’avaient “pas permis de caractériser les infractions dénoncées dans tous leurs éléments constitutifs”.
Une confrontation entre l’acteur et la jeune comédienne, jamais ébruitée jusqu’ici, avait notamment eu lieu dans les locaux de la police judiciaire parisienne, a indiqué une source proche du dossier à l’AFP.
La plaignante a ensuite obtenu mi-août 2020 la reprise de l’enquête via une plainte avec constitution de partie civile, un recours qui permet la désignation quasi automatique d’un juge pour relancer les investigations. Contactée par l’AFP, l’avocate de la plaignante, Me Élodie Tuaillon-Hibon, a demandé que “l’intimité et la vie privée de [sa] cliente soient préservées”.
“La justice n’a pas à être rendue sur la place publique”, a déclaré mercredi l’avocat de Gérard Depardieu. “Nous étions dans une situation assez exceptionnelle puisque pendant deux mois aucune information n’avait filtré, et c’était une bonne chose car la justice n’a pas à être rendue sur la place publique”, a réagi Me Hervé Témime sur France Inter.
“Je ne me livrerai absolument pas à une défense publique de Gérard Depardieu”, a redit mercredi l’avocat sur la radio publique : “Laissons travailler la justice et respectons les droits de chacun.” “Gérard Depardieu conteste fermement ces faits”, “a le droit d’être défendu” et doit “être considéré comme présumé innocent”, a-t-il ajouté.
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#MeToo
Révélé en 1974 dans Les Valseuses de Bertrand Blier, lauréat d’un premier César du Meilleur acteur pour Le Dernier Métro de François Truffaut (1980), Gérard Depardieu a interprété de multiples personnages, dont la plupart des grands héros de la littérature nationale, de Cyrano de Bergerac à Jean Valjean des Misérables.
Père de quatre enfants, dont l’acteur Guillaume Depardieu décédé en 2008, il a acquis une immense notoriété internationale au fil de sa carrière, en dépit de ses sorties et de dérapages qui ont parfois défrayé la chronique.
Outre sa carrière cinématographique, Gérard Depardieu mène de front d’autres activités : vigneron, entrepreneur dans la gastronomie, il a aussi mené une discrète carrière de chanteur. Le président Vladimir Poutine lui a accordé la citoyenneté russe début 2013 et l’acteur s’est converti à l’orthodoxie en 2020.
Gérard Depardieu n’est pas la seule personnalité du cinéma français pris dans la déferlante #MeToo, lancée à l’automne 2017 avec la révélation des nombreux viols et agressions sexuelles commis sur des actrices par le producteur américain Harvey Weinstein. Les réalisateurs Christophe Ruggia et Luc Besson ou encore le président du Centre national du cinéma, Dominique Boutonnat, ont été accusés d’agressions sexuelles ou de viols.
Les milieux de la politique, des médias et du sport sont aussi concernés. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, l’islamologue suisse Tariq Ramadan, l’ex-présentateur phare du JT de TF1 Patrick Poivre d’Arvor, l’agent de mannequins Jean-Luc Brunel ou encore l’entraîneur de patinage Gilles Beyer sont ainsi visés par des accusations comparables.
Konbini avec AFP