Deux générations, deux visions, le même fond. Une seule date de sortie : ce vendredi 19 octobre.
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Comme chaque semaine, le vendredi nous réserve son lot d’albums fraîchement sortis, en France, aux États-Unis ou ailleurs. Et parmi ces nouveautés, certaines sont parfois diamétralement opposées. C’est le cas de deux projets communs made in U.S.A. sortis le 19 octobre, dans lesquels deux tandems, témoins de deux époques différentes, développent leur vision du rap.
D’un côté, nous avons DJ Muggs de Cypress Hill et Roc Marciano, respectivement 50 et 40 ans, qui viennent de sortir leur album Kaos, dans lequel ils nous rappellent qu’ils portent haut les couleurs du rap new-yorkais. De l’autre, Future et Juice WRLD (35 et 19 ans) qui, à la surprise générale, ont collaboré sur tout un album intitulé “WRLD On Drugs”.
Ce projet contraste vivement avec Kaos, puisqu’il contient des sonorités trap, emo rap et même R’n’B. Le titre et la pochette résument le train de vie des artistes, deux bons rappeurs totalement obsédés par l’usage de drogues en tous genres.
MDMA, ecstasy, cocaïne, codéine, Oxycontin, Xanax et autres pilules sont mentionnés dans l’album. Une surenchère qui, au-delà du fait de donner l’impression que ces drogues ne sont pas plus dangereuses que les Dragibus, témoigne tout simplement de l’insouciance inquiétante de Juice WRLD et Future.
Car s’ils arrivent tout de même à évoquer certains aspects négatifs de la surconsommation de drogues, les deux rappeurs préfèrent s’amuser des différentes substances qu’ils avalent, sans prendre de recul sur leurs propres agissements, à l’instar de Future, qui préfère ne pas aller en désintox et rester high :
“We want ecstasy and codeine, we don’t detox.”
De leur côté, DJ Muggs et Roc Marciano n’ont a priori rien à voir avec Future et Juice WRLD. Ils sont en réalité des exemples d’un rap plus tourné vers l’egotrip, à mille lieues du récit d’autodestruction développé par les auteurs de WRLD on Drugs. Mais ce serait inexact de dire que DJ Muggs et Roc Marciano n’ont rien à voir avec l’univers de Future et Juice WRLD.
Roc Marciano a ainsi grandi dans le New York des années 1980-1990, qui était littéralement gangrené par le crack. Un univers violent, marqué par le trafic de drogues, dont il s’est grandement inspiré dans son écriture. Son vécu résonne encore dans sa collaboration avec DJ Muggs, comme sur “Shit I’m On” où il évoque son passé de hustler. En ce qui concerne DJ Muggs, même combat, mais pour la marijuana cette fois. Et si nous sommes d’accord pour dire qu’un joint est clairement moins dangereux qu’un ecsta, DJ Muggs rejoint Future et Juice WRLD dans la banalisation de la drogue.
En octobre 1993, alors que Cypress Hill était invité sur le plateau du Saturday Night Live pour interpréter quelques morceaux – dont le classique “I Ain’t Goin Out Like That” –, DJ Muggs avait allumé un joint en direct. S’inscrivant ainsi à contre-courant de la pensée collective américaine de l’époque, ses comparses et lui n’ont plus pu revenir dans le célèbre late show américain . Un geste que le MC avait accompagné de cette réplique mythique : “Yo, New York City, ils disent que je ne pouvais pas allumer mon joint. Vous savez ce que je leur dis ? On ne sort pas comme ça.”
Tout ça pour dire que, même si un monde semble parfois les séparer, ces deux écoles bien différentes du rap américain tournent toutes deux autour du même pot – un pot rempli de drogues. Et si vous avez du mal à vous persuader de ce phénomène, souvenez-vous que le dernier album de Cypress Hill s’appelle Elephants on Acid.