Ils représentent la nouvelle vague du rap français. Freestyle, interview, photos : de leur style à leur flow, voici les FRENCHMEN, deuxième saison. Après PLK, 7 Jaws et Rémy… voici Kobo, venu d’une planète nommée Belgique. Après son freestyle sombre et percutant, le guerrier tombe le masque dans une interview pendant laquelle la brume s’est dissipée.
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Quelques morceaux et clips à son actif ont suffi à faire de lui l’un des rappeurs les plus prometteurs de sa jeune génération. Et si la Belgique a déjà ses fers de lance, il faudra compter sur Kobo dans les temps à venir, car il a le talent, la détermination et la sagesse pour s’en sortir.
Sortir d’une rue sombre et brumeuse, dans laquelle le natif de Bruxelles avance seul et masqué. Parti vivre à Kinshasa, il revient en Belgique en 2010 pour trouver sa voie. Il suit alors des études avant de trouver sa voix, qu’il porte en parallèle de freestyle en freestyle, de morceau en morceau, de la capitale belge à Paris.
Précédemment -> #Frenchmen 2018 : c’est Rémy et ça vient d’Auber’
Guerrier du game, c’est dans l’arène qu’il raconte ses galères et décrit une société aussi noire que les yeux qui la guettent. Un regard apparent et transperçant, qui en dit long sur le vécu et la hargne du bonhomme de 26 ans. En résulte un freestyle venu d’une autre planète, toujours sur une prod’ de Seezy – beatmaker attitré de cette saison 2 de Frenchmen –, avant une interview sobre et clairvoyante à lire plus bas.
Comment t’appelles-tu ?
Je m’appelle Kobo.
Où et quand es-tu né ?
Je suis né à Bruxelles, le 2 juillet 1992.
Où vis-tu actuellement ?
En ce moment, je suis du côté de Saint-Josse (Bruxelles).
Qui est Kobo ?
Juste un mec qui essaye de s’en sortir.
Tu te souviens de la toute première fois où tu as commencé à rapper ?
J’étais un peu plus jeune, il y a à peine quelques années, en 2013. J’étais à une soirée avec des potes. Il y en a un qui faisait déjà de la musique et j’ai lâché un truc au feeling. J’ai commencé à rapper sérieusement en 2016.
Tu n’as pour l’instant sorti que quelques morceaux clippés, et pas de projet. Aujourd’hui, c’est rare de prendre le temps de faire les choses dans le rap – et au-delà.
Mon premier projet n’est pas encore sorti, mais je travaille dessus pour le livrer de la meilleure façon possible. J’espère qu’il m’offrira une petite place dans le rap français. Jusqu’à aujourd’hui, j’ai surtout enregistré beaucoup de sons pour prendre de l’expérience.
Quel a été l’élément déclencheur de ta jeune carrière ?
Le déclic a été quand j’ai compris que certains artistes belges pouvaient s’exporter ailleurs. C’est toute la vague de rappeurs belges qu’il y a eue avant moi, Damso, Shay, Hamza, Caba & JeanJass… qui m’a fait prendre conscience de ça. À moi de tenter, c’est maintenant ou jamais.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire de la musique plus qu’autre chose ?
Simplement, j’aime ce que je fais. La passion, travailler sans sentir le temps passer. Quand t’es dans ces conditions-là, c’est que le truc est fait pour toi.
Tu as déjà fait de la scène ?
Pas encore, mais très bientôt. Je me prépare. Pour l’instant, je suis encore dans quelque chose d’assez virtuel, tout se passe sur les réseaux. Il y a encore cette distance avec le public que j’ai hâte de briser.
Tu fais partie de ces artistes plutôt discrets et obscurs. C’est une volonté de ne pas être dans la lumière ?
C’est ma mentalité du moment. Comme je n’ai pas encore sorti de projet, je trouve que ça ne sert à rien de vouloir trop se mettre en avant. On juge un artiste sur sa musique, mais tant que je n’ai pas livré quelque chose de cohérent, je ne veux pas me montrer. Chaque chose en son temps, il faut savoir rester à sa place et avancer petit à petit.
Ta musique est assez sombre. Qu’est-ce qui nourrit cette noirceur ?
C’est le vécu, la vie et mon quotidien. Pour l’instant, je raconte les difficultés par lesquelles je suis passé pour arriver là où j’en suis. J’ai vécu des choses assez sombres, donc ça se ressent. Il y a juste le fait de faire des études qui me donnait un petit peu d’espoir.
Je suis né à Bruxelles, mais j’ai passé la plupart de ma jeunesse à Kinshasa. Je suis revenu en Belgique en 2010 pour faire des études et j’espère réussir dans ma voie. Mais la situation sociale fait qu’on emprunte d’autres chemins qui nous éloignent du système scolaire. Tout ne se passe pas forcément comme prévu, et en cours de route la musique est entrée dans ma vie. Autre chose aussi : ici je n’ai pas mes parents, qui sont restés à Kinshasa. Du coup, je suis un peu livré à moi-même.
Tu peux me parler de ton album ?
J’ai commencé à travailler dessus bien avant ma signature. Je voulais, avec ce projet, donner un aperçu de mon univers au public. Ensuite j’ai signé et la maison de disques m’a permis de bénéficier d’une meilleure équipe, de contacts, de beatmakers, ingés son, etc. À partir de là, on a essayé de concrétiser ce qu’on avait déjà, de l’embellir pour rendre le tout cohérent.
Tu peux m’en dire plus sur la manière dont tu bosses ? T’écris et enregistres tes textes dans quelles conditions ?
Parfois, on m’envoie des instrus et le texte vient après, mais parfois c’est l’inverse. Il y a des textes que j’écris d’une traite, mais je préfère toujours prendre un peu plus de temps. Ça rend forcément le texte plus raffiné, plus technique et plus pertinent. Par contre, quand je pose en studio, c’est d’une traite.
Tu te situes où au sein de la scène belge, et plus largement dans le rap francophone ?
Je considère que je viens de Belgique, mais aussi du Congo. Je n’ai pas forcément besoin de choisir. Je me ressens autant dans la scène française que dans la scène belge. Je me reconnais partout et je ne me sens pas très à l’aise avec ce côté artiste qui “représente”. Je fais ma musique et si tu te sens représenté par ce que je fais, c’est un plaisir, mais je n’ai pas la prétention de vouloir représenter qui que ce soit.
Quel a été le morceau ou le clip le plus important pour toi jusqu’ici ?
Je pense que le clip le plus important pour moi aujourd’hui c’est forcément le premier : “What’s My Name”.
Et celui grâce auquel tout s’est accéléré ?
“Présumé sobre”, ça a été le déclic, car c’est celui qui a été vu le plus de fois. C’est surtout celui qui m’a donné plus de visibilité.
T’écoutes quoi comme musique ?
De manière générale, j’écoute un peu de tout sans distinction. Hip-hop, reggae, rock, même des trucs comme Evanescence. En ce moment, j’écoute beaucoup de grime, ce style venu d’Angleterre. Le délire est intéressant.
Le disque de ton adolescence ?
Tupac, “All Eyez On Me”. Il y avait une énergie sur ce disque, la force du désespoir. Je crois qu’il l’a sorti juste après sa sortie de prison, si je ne me trompe pas.
Exact, après la caution payée par Suge Knight et la signature de Tupac sur Death Row.
Tellement profond.
À quoi es-tu accro ?
À la musique.
Tu as une phobie ?
Que ma mère s’en aille avant que je réussisse. C’est ma hantise.
Ta couleur préférée ?
Le noir.
Si t’étais un animal ?
Un lion ou un léopard. Celui qui cache ses proies au-dessus des arbres.
Une saison ?
L’été. La chaleur, la bonne humeur, c’est mieux.
Si t’étais un film…
Je serais Le Parrain 3 parce que c’est là qu’il y a la leçon de vie.
Une série ?
The Wire.
Un plat ?
Spaghettis bolognaise, vite fait bien fait.
Ton plus grand rêve ?
Démarrer ma carrière sur de bonnes bases et combler ma famille.
Si tu pouvais avoir un super-pouvoir, ce serait lequel ?
Lire dans les pensées des autres. Même si ce pouvoir peut faire peur.
Ta plus grande qualité ?
Je suis un bosseur.
Ton plus grand défaut ?
Je suis parfois trop dur avec moi-même, perfectionniste, méticuleux.
Ton mot fétiche ?
“Kobo”. J’ai souvent tendance à trop dire mon nom dans mon rap.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour l’avenir ?
Un nouveau départ par rapport à ma vie et un point de départ par rapport à ma musique.
Comment tu te vois dans dix ans ?
J’espère avoir une famille, une stabilité financière. Donner un sens à ma vie et être heureux, tout simplement.
Enfin, pourquoi portes-tu ce masque ?
Parce que j’aime ce concept. C’est original, je voulais avoir quelque chose d’un peu différent. Faire de la bonne musique et avoir du talent, c’est bien, mais il faut un petit plus. Ce plus qui fait que quand les gens te voient, ils t’identifient tout de suite. Au risque de déplaire, tu peux aimer ou ne pas aimer, mais au moins tu te souviendras avoir vu un gars masqué.
Auteur et réalisateur du projet : Rachid Majdoub
Photos : Benjamin Marius Petit
Merci aux rappeurs qui ont bien voulu participer, et à leurs équipes. Merci à la prod’ vidéo de Konbini, d’Adrian Platon à Simon Meheust en passant par Manuel Lormel, Paul Cattelat, Jérémy Casanova, Luca Thiebault, Mike Germain, Nicolas Juares et Rédouane Boujdi au montage. Merci à Jérémie Léger. Merci aux DA, Terence Mili et Arthur King.